L'édition 2014 du Salon du livre de Paris a fermé ses portes ce lundi soir, avec une croissance de 1,2 %, soit 198.000 visiteurs. Shanghai était la ville invitée et l'Argentine le pays mis à l'honneur. L'année prochaine, du 20 au 23 mars, le Brésil viendra enchanter la Porte de Versailles de rythmes samba et de bossa - ah, João Gilberto... En attendant, o comissário geral, Bertrand Morisset, dresse le bilan : pour 2015, la plateforme parisienne poursuivra son développement professionnel, mais surtout continuera « d'encourager à lire ».
Le 27/03/2014 à 18:01 par Nicolas Gary
Publié le :
27/03/2014 à 18:01
Jean-Marc Ayrault, premier ministre, aux côtés de Bertrand Morisset, commissaire général
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
La francophonie a trouvé un nouvel allié : le Salon du livre. « Il faut que ce marché s'internationalise, et que ses acteurs trouvent, chez nous, un lieu d'accueil privilégié. Que la Suisse, le Québec, la Belgique, partout où l'on parle français, où des livres sont publiés, disposent d'un espace pour la commercialisation des droits audiovisuels. Le Salon doit dépasser le cadre de la production française, et s'ouvrir à la francophonie. » En l'espace d'un mandat présidentiel, la manifestation est passée de 25 pays présents à cinquante aujourd'hui : « En s'ouvrant aux producteurs et aux éditeurs, le Salon deviendra le lieu convivial de rendez-vous et de discussions. »
"Francfort et Londres sont en décroissance. Alors que Paris est sur une progression régulière. Nous y proposons un autre type de relation."
Convivial, c'est le maître mot. Cette volonté d'accueillir les acteurs internationaux, et de poursuivre l'axe de professionnalisation, passe par les pays et villes invités. « Shanghai a su plaire au-delà de nos espérances, tant pour le grand public, que pour les professionnels. Beaucoup d'auteurs n'étaient pas traduits, c'est vrai. Mais le public a pu découvrir des personnalités littéraires inédites, et les éditeurs disposaient d'une place privilégiée pour établir leurs futurs choix éditoriaux. Quant à l'Argentine, ce fut une formidable réussite, avec Quino décoré de la Légion d'honneur, en point d'orgue.»
L'an prochain, on compterait d'ailleurs non pas une, mais deux villes invitées, d'un même pays, « certainement européen. Beaucoup de villes sont intéressées par ce concept, propre à Paris. Ce n'est pas pour rien que Francfort et Londres [NdR : deux Foires professionnelles] copient notre organisation sur ce point ». Bertrand Morisset considère le système comme « novateur et générateur de business pour tout le monde. On apprécie bien plus une ambiance chaleureuse, la rencontre avec un auteur, autour d'une table ronde, sur un stand accueillant, que dans un hall éclairé d'une lumière blafarde ». Surtout quand on ne dispose que de 30 minutes de rencontre pour se décider.
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Plus humain, plus tourné vers la rencontre culturelle, le Salon dépasse le rendez-vous « où se retrouvent un acheteur de droits et un cessionnaire. C'est une vision qui se rapproche du modèle cannois, où les ventes de films se conjuguent avec des projections et des débats ». En recherche d'un modèle qui saura idéalement conjuguer culture et business, l'organisateur, Reed Exposition, constate : « Francfort et Londres sont en décroissance. Alors que Paris est sur une progression régulière. Nous y proposons un autre type de relation. »
"La plateforme de Paris sait montrer de la considération pour tous les pays, quel que soit leur niveau économique."
Et surtout, le commissaire général revendique « le respect des pays et des acteurs qui nous rendent visite. Le Moyen-Orient, l'Afrique, pour exemple, sont massivement présents. Je pense qu'ils ne supportent plus de ne pas parvenir à vendre leurs oeuvres aux pays riches, et se retrouvent contraints d'acheter cher des oeuvres occidentales. La plateforme de Paris sait montrer de la considération pour tous les pays, quel que soit leur niveau économique. »
« Les services de mise en relation des professionnels sont regroupés, la scénographie des pavillons est soignée : toute personne qui vient à Paris est assurée de pouvoir rencontrer les bons interlocuteurs, sans avoir à courir d'un hall à l'autre. Et sans être contraint, pour une nuit d'hôtel, de payer le prix de cinq, comme on le voit outre-Rhin. Tout cela rentre en ligne de compte pour les organisateurs que nous sommes. »
"Analyser la réussite d'un Salon sur le seul critère du résultat commercial réalisé durant la manifestation, est suranné"
La multiplication des animations, des Scènes, a plusieurs fois été pointée. « Nous avons observé une très bonne fréquentation des rencontres et débats, mais cela ne doit pas se faire au détriment de nos exposants. L'an prochain, nous réduirons certainement de 20 à 13 ou 15 Scènes les lieux de rencontres pour le public. Il nous faut laisser la place à la découverte des livres », reconnaît le commissaire général. Ne pas augmenter, mais mutualiser les thématiques. « N'oublions pas que cette alliance entre les rencontres proposées et l'espace accordé aux livres, aucune autre Foire ne le propose. Paris reste la seule manifestation à réussir ce tour de force. »
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Il n'en reste pas moins que plusieurs points seront revus, l'an prochain, comme la double présence de Savoir et Connaissances et Sciences pour tous, qui faisaient un doublon manifeste. L'autre erreur, avouée, c'est d'avoir placé la scène de conférence à l'extérieur de l'espace Savoir & Connaissances. « Nous modifierons cela, parce que nous sommes attentifs aux critiques qui sont portées. »
Certaines critiques sont d'ailleurs balayées d'un revers de manche. « Aujourd'hui, analyser la réussite d'un Salon sur le seul critère du résultat commercial réalisé durant la manifestation, est suranné. » Avec 30 % d'éditeurs indépendants, en dehors des stands de Régions, « nous avons su reconquérir une part de ces acteurs. Et beaucoup souhaitent d'ores et déjà un espace plus grand pour 2015. Ils ont opté pour une formule à 600 €, avec laquelle Reed ne gagne pas d'argent, mais ils sont convaincus de l'utilité de ce Salon pour eux ».
"Oui, le Salon compte de nombreux défauts, mais nous travaillons dur."
« Le chiffre d'affaires ne représente plus un critère pertinent : si en 2013, les éditions Grasset font un chiffre moyen et qu'en 2014, le résultat est meilleur, doit-on en conclure que cette année était une grande réussite ? Pourquoi n'a-t-on pas lu dans la presse professionnelle les excellents résultats de l'École des loisirs, de Stock, ou de Flammarion ? On peut toujours trouver des espaces qui ont bien travaillé, et d'autres moins. Le Salon, ce sont toutes les plateformes professionnelles qui le composent, le BIEF, l'Institut français, la SGDL, ainsi que les rencontres qui s'organisent. Et ce n'est pas avec des commentaires hasardeux qu'on le défendra. Oui, le Salon compte de nombreux défauts, mais nous travaillons dur. »
Matthieu de Montchalin (président du SLF), Vincent Montagne (président du SNE) et Alain Kouck (groupe Editis)
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« Personne ne dit qu'Avignon est nul, ni que Cannes est à fuir - il faut reconnaître la dimension internationale évidente. Mais la Hollande, la Colombie, les Émirats Arabes Unis, la République tchèque apprécient notre réussite, et la saluent. Et surtout, nous ne mentons pas sur notre fréquentation. Nous n'avons pas d'hommage à rendre à des élus, parce que nous ne percevons aucune subvention. Alors, si nous parvenons à 198.000 visiteurs, alors que le dimanche était une journée électorale, je comprends mal comment d'autres festivals peuvent avoir plus de 200.000 personnes. »
"Le peuple de France aime cet échange, n'en déplaise à la critique littéraire. Mais qu'elle n'oublie pas : elle ne fait pas vendre de livres, ce sont avant tout des lecteurs qui les achètent."
Dans ses dernières interventions, le président du Centre national du livre, Vincent Monadé, soulignait l'importance de faire renouer les jeunes avec les livres, conformément aux souhaits du ministère de la Culture. « Le Salon est déjà un partenaire fidèle qui peut difficilement faire plus, mais assurément faire mieux. » Aujourd'hui, près de 30.000 scolaires se rendent au Salon, « plus que l'on ne peut en voir n'importe où ailleurs. Ce n'est donc pas durant la manifestation, mais en amont, avec les Régions et le CNL, ainsi qu'en aval, que nous interviendrions. Organiser des rencontres, des bilans dans les collèges et les lycées. Nous n'attendons plus que l'intervention du ministère de l'Éducation nationale, dont on réclame une plus grande implication. Vincent Monadé rejoint à ce titre Vincent Montagne, président du SNE, et ceux qui avant lui ont occupé ce poste : il faut donner aux plus jeunes un accès privilégié aux livres. »
Quino, créateur de Mafalda
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Comment ? Cela passe par exemple par les réseaux. Depuis deux ans, la politique du Salon s'est réorientée. « Nous avons diminué la présence d'affichages, pour toucher plus directement les lecteurs. La force de Reed se retrouve ici aussi : savoir entrer en relation avec les passionnés, pour qu'ils soient à leur tour des relais d'information. Notre utilisation des réseaux sociaux n'a pas pour vocation de maintenir les gens connectés sur Facebook pour qu'ils discutent du Salon, derrière leurs écrans, mais qu'ils viennent retrouver les auteurs. » Les réseaux sociaux interviennent alors comme des moyens, qui apportent une dynamique. « Mais qui ne visent pas simplement les jeunes. »
« On vient au Salon parce que l'on rencontre les auteurs. Et je trouve admirable qu'il y ait toujours autant de fascination et de plaisir pour ces moments. Venir chercher une dédicace n'a rien de scandaleux : si cette relation charnelle écoeure la presse, elle me séduit. Je ne comprends pas comment on peut solliciter des auteurs, pour leur demander leurs pires souvenirs du Salon : les gens viennent parler, saisir un instant avec des créateurs qui les font rêver. Le peuple de France aime cet échange, n'en déplaise à la critique littéraire. Mais qu'elle n'oublie pas : elle ne fait pas vendre de livres, ce sont avant tout des lecteurs qui les achètent. »
"Nous rassemblons, nous invitons à lire, quand trop de bien-pensants disent : ‘Ne lisez pas ça, ni ça.'. Nous, nous disons : découvrez, lisez"
« Le plaisir de découvrir, en chair et en os, une personne que l'on ne connaissait qu'au travers de ses mots, c'est une recherche de plaisir que des journalistes littéraires bien intentionnés semblent refuser. Les lecteurs n'auraient plus le droit d'être heureux ? Faut-il que tout soit torturé et compliqué ? Je ne crois pas qu'Amélie Nothomb, qui est un symbole fort dans cette relation entre l'auteur et le lecteur, vienne chaque année par hasard… »
Désireux de voir converger les professionnels, pour leur offrir un espace dédié aux échanges, mais également d'inviter le grand public à découvrir, écouter, s'émerveiller, seront les grandes orientations de l'édition 2015. « Nous le mettons en pratique depuis des années déjà. Le Salon est la plus grande plateforme du livre en France. Nous rassemblons, nous invitons à lire, quand trop de bien-pensants disent : ‘Ne lisez pas ça, ni ça.'. Nous, nous disons : découvrez, lisez. Et si vous voulez des conseils, allez chez un libraire, il saura vous conseiller. »
Avant de conclure : « Nous retrouvons 3500 auteurs, qui viennent aussi découvrir les visages anonymes de leurs lecteurs. C'est cela la clef du succès. »
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