C’est, comme la tradition l’exige, à l’hôtel de Massa que Cécile Boyer-Runge, PDG du groupe, accompagnée des éditeurs de la maison, accueillait les libraires pour une présentation de la future rentrée littéraire, pour les maisons Laffont, NIL et Julliard. « Riche, variée, subtile, intelligente », assure-t-on, une rentrée qui a pour point commun une « exploration de l’intime profondément ancrée dans le réel ».
Le 01/08/2018 à 07:07 par Christine Barros
Publié le :
01/08/2018 à 07:07
En compagnie de chacun des éditeurs, Jean-Luc Barré, Antoine Caro, Emmanuelle Dugain, Glenn Tavenec et Maggie Doyle, les auteurs prennent la parole pour présenter leur titre, lors de cette rencontre animée par Karine Papillaud.
En 1937, Giacometti et Sartre n’ont pas encore la renommée qu’on leur connaît. Dans le nouveau roman de Jérôme Attal, 37, étoiles filantes, on suit donc Alberto, arpentant la capitale, qui n’a qu’une idée en tête : « casser la gueule à Jean Paul », qui pour le plaisir d’un bon mot l’a discrédité éhontément. Personnages et événements viennent retarder le moment tant espéré, entre autres des femmes plurielles « mais pas des tartes », avec qui ces deux artistes entretiennent des rapports d’égérie pour nourrir leurs oeuvres. « Poétique, nerveux, charpenté », mêlant intrigue romanesque et Histoire, une écriture très tenue pour laisser fantaisie et humour se déployer « avec fougue et panache ». Et de promettre « une comédie débridée, tourbillonnante et fantasque », qui nous plonge dans ce Paris encore insouciant malgré tout, créatif et libre, le Paris d’avant les grands chambardements.
Restons dans l’histoire, littéraire cette fois : celle de l’histoire passionnelle et torturée de Verlaine et Rimbaud. De leur rencontre à leur rupture à Stuttgart, où Rimbaud confiera à Verlaine ses derniers poèmes manuscrits, Arthur et Paul, la déchirure de René Guitton s’appuie sur la grande Histoire, et s’attache à rendre noblesse à ces deux monstres sacrés. En particulier, pointe l'édittrice, à « redécouvrir Verlaine avec beaucoup plus de bienveillance », et à rendre justice aux mouvements historiques, politiques et intellectuels dans lesquels s'inscrit ce « flamboyant roman ».
À l’occasion d’une exposition, Suzanne, l’héroïne, alors qu’elle se retrouve dans la très énigmatique salle du Calame noir, entend une voix vieille de cinq siècles lui murmurer qu’elle va l’aider à élucider l’énigme du peintre exposé. Car le Calame noir est un mystère : en dehors de tous les codes esthétiques, n’appartenant à aucun répertoire, très loin des scènes de cour et de l’épopée et impossible à déchiffrer. « Entre sagesse et mémoire perdue », Yasmine Ghata signe avec Le calame noir « un conte oriental d’une intense poésie ».
Paris, 1793. La Terreur règne dans Paris. Marat, au centre du Paris révolutionnaire, vit reclus et caché, souffrant d’une grave maladie de peau, prend continuellement des bains de soufre. Ils sont quatre. Quatre à souhaiter, pour des raisons politiques ou personnelles, la mort de celui qui est à l’origine des massacres révolutionnaires. Les trois jours qui précèdent son assassinat donnent toute la densité et la tension du Dernier bain, de Gwénaële Robert, qui par son regard décalé par rapport à l’histoire officielle a voulu « redonner une place aux femmes oubliées de la Revolution Française », et, « portée par le romanesque de la période rendre, à la vie des personnages devenus des symboles ».
C’est dans la collection R, dévolue aux littératures pour adolescents et jeunes adultes, qu’Olivier Adam a souhaité faire publier La tête sous l’eau, s’attachant à « ne rien changer à [sa] manière d’écrire ». 18 ans après Je vais bien ne t’en fais pas, on retrouve les thèmes de la fratrie et de la disparition, de la comédie fondamentale de la famille. Léa avait disparu, et est retrouvée. Pour ne pas en rajouter au traumatisme familial, elle reste silencieuse. Mais la famille est dans le même état d’inquiétude : son ravisseur n’a pas été retrouvé. De révélation en révélation, ce qui gouverne le silence sera dévoilé.
Si du Nobel de Littérature l’on connaît La faim, son œuvre majeure, on en sait finalement peu sur la fin de sa vie. Accusé d’avoir largement soutenu le message nazi, son procès sans cesse repoussé, Knut Hamsun est interné pour déficience mentale. La Norvège ne sait que faire de ses prises de position. La quelque peu mystérieuse Eline, infirmière, mûe par son envie de comprendre l’homme, va le pointer du doigt, non pas pour le juger mais pour le pousser dans ses retranchements avec fermeté et douceur. « Concentré d’histoire et de psychologie », Que va-t-on faire de Knut Hamsun ? de Christine Barthe est le roman « des difficultés d’un homme à apprivoiser ses contradictions », voguant sur les « subtilités de la condition humaine et de ses dissonances ».
À 86 ans, le doyen de la rentrée littéraire signe un premier roman à la « puissance d’évocation magistrale ». Nous sommes à Bucarest, et c’est à suivre le destin du jeune héros de Rue du Triomphe que Dov Hœnig nous convie. De la cour de la maison au cœur du quartier juif de Bucarest d’avant guerre à son départ pour la Palestine, le roman nous convie à suivre aspirations, quotidien, premiers élans amoureux, interrogations et choix politiques du jeune héros, qui se déploient avant, durant et après le conflit. Nous en reparlerons.
Anna a 12 ans, alors qu’elle accompagne son père qui livre de mystérieux paquets. Nous sommes durant la Grande Dépression, dans le port de New York et son père adoré disparaît brusquement . On la retrouve quelques années plus tard, alors que devenue la première femme plongeuse dans le chantier naval de Brooklyn, les hommes partis à la guerre, les femmes assurent le travail qui leur était autrefois réservé. Quête des origines, « tableau saisissant de réalisme » de ce NY qui est devenu une zone de guerre, Manhattan Beach est, plus que le roman du singulier destin d’Anna, le récit de la trajectoire du pouvoir américain, et une « profonde méditation instinctive » sur la relation parents-enfants.
Dans les années 90, le grand père de Michael Chabon vit ses derniers instants. Il va alors se livrer à son petit fils, lui raconter sa vie, en une semaine durant laquelle tout sera dit : par le biais de grand-père jamais nommé, baroudeur, tête brûlée, qu’il aime infiniment, il raconte dans Moonglow l’aventure et la conquête spatiale américaine, sa femme rescapée des camps et leur folle histoire d’amour, et déploie dans un « style remarquable et une imagination débridée » tous ses talents d’écrivain, déjà couronnés par un prix Pulitzer, et interroge nos rapports au mensonge et à la vérité.
Sadorski et l’ange du péché clôt la trilogie de Romain Slocombe. On retrouve la capacité de l’auteur à projeter son lecteur comme dans un film, où le scénario grinçant et glaçant laisse la part belle aux ambiguïtés du personnage ; certes il, est de base antisémite, mais les enfants l’intriguent, et il protège une rescapée de la rafle du Vel d’Hiv. À la fois « brillant dans ses enquêtes et parfaitement amoral », il va se muer en criminel de manière de plus en plus ambigüe.
Signalons la parution chez Bouquins d’Occupation de Pierre Assouline, qui rassemble les romans et biographies liées à cette période cruciale de l’histoire, et qui constituent un fil rouge dans son œuvre. Dans une longue préface inédite, il éclaire cette « zone grise semée de doutes et de compromis », relevant toute les ambiguïtés de cette période historique et de ses personnages.
« Boucler la boucle » était nécessaire, et la parution de ce volume est l’occasion d’établir un pont avec le présent : la guerre est toujours là, les hommes qui l’ont faite aussi, et les conflits se rejouent à l’envi. « L’ombre portée de la guerre et de l’occupation, au-delà des plaques de rue qui en témoignent, est encore dans les débats actuels, où resurgissent les allusions et références au nazisme dès que le ton monte, alors que les esprits sont portés à considérer les choses et lire les événements d’un oeil manichéen. »
Enfin, c’est chez NIL que paraîtra le premier roman de Joy Raffin. Atlantic City porte en elle tous les possibles : ville du jeu et symbole de l’échec du rêve américain, d’une Amérique déclassée, et ses habitants, qui ont connu une grande époque, sont oubliés, mais portent malgré tout en eux le même espoir dévorant. Roman choral d’une Amérique déchue, Atlantic City, selon Claire Do Serro, son éditrice, rappelle « les accents d’un Carver dans ses shorts et dégage un petit parfum Fitzgeraldien. »
Cette rentrée du groupe Robert Laffont ne serait pas complète sans la présentation des titres que la maison Julliard fera paraître, généalogies de la violence, à retrouver ici.
Jérôme Attal - 37, étoiles filantes - Robert Laffont - 9782221217634 - 20 €
René Guitton - Arthur et Paul la déchirure - Robert Laffont - 9782221217955 - 19 €
Yasmine Ghata - Le calame noir - Robert Laffont - 9782221215012 - 17 €
Christine Barthe - Que va-t-on faire de Knut Hamsun - Robert Laffont - 9782221217719 - 17 €
Dov Hœnig - Rue du Triomphe - Robert Laffont - 9782221216194 - 21 €
Jennifer Egan, trad. Aline Weill - Manhattan Beach - Robert Laffont - 9782221203422 - 22 €
Michael Chabon, trad. Isabelle D. Philippe - Moonglow - Robert Laffont - 9782221199121 - 23 €
Gwenaële Robert - Le dernier bain - Robert Laffont - 9782221218716 - 18,50 €
Olivier Adam - La tête sous l'eau Collection R - Robert Laffont - 9782221215173 - 16 €
Romain Slocombe - Sadorski et l’ange du péché - 9782221199015 - 23 €
Pierre Assouline - Occupation - Collection Bouquins - Robert Laffont - 9782221200117 - 32 €
Joy Raffin - Atlantic City - NIL - 9782841119370 - 19 €
Par Christine Barros
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