Acquisitions : la BnF invitée à suivre les procédures des musées nationaux
La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a reçu il y a quelques jours le rapport de Christian Giacomotto, Marie-Christine Labourdette et Arnaud Oseredczuk consacré à l'amélioration de la sécurité des acquisitions des musées nationaux. Si elle n'est pas spécifiquement étudiée, la Bibliothèque nationale de France fait l'objet de plusieurs recommandations.
Poussé par une polémique autour d'acquisitions de pièces archéologiques par le Louvre Abou Dhabi, qu'examine la justice, le ministère de la Culture a demandé un rapport sur les mesures nécessaires à une meilleure sécurisation de ces acquisitions, dont les enjeux majeurs sont l'authenticité et la provenance.
Le rapport tout juste publié constate que « les personnes en charge des acquisitions dans les musées demeurent encore insuffisamment formées aux risques inhérents au fonctionnement du marché de l’art et à la question des provenances », ce qui facilite les erreurs et méprises. Les procédures d'acquisitions, de l'avis des auteurs du rapport, doivent être plus formalisées, le travail en réseau facilité et les procédures de signalement mieux connues.
Le rapport insiste également sur la nécessaire responsabilisation de l'ensemble des acteurs du marché de l'art, d'un bout de la chaine à l'autre. Les commissaires-priseurs « n’ont qu’une obligation de mener des “diligences appropriées” », quand les experts « ne sont pas régulés et ne sont contraints que par la seule perspective de la sanction pénale éventuelle, ou, très à la marge, lorsqu’ils interviennent dans les ventes publiques ».
La dématérialisation du livre de police, un registre obligatoirement tenu par les brocanteurs, antiquaires et autres revendeurs d'objet, afin d'en préciser la provenance, est à nouveau recommandée par le rapport — Tracfin, qui lutte contre le blanchiment d'argent, l'appelle de ses vœux depuis plusieurs années déjà.
Du côté des propositions, le rapport insiste donc sur la formation des agents concernés par les acquisitions, la création au sein du Service des musées de France (SMF) d'une « cellule provenance » pour appuyer les établissements, la création d'un Observatoire du marché de l’art, le rappel d'un principe de signalement systématique de la part des conservateurs ou encore mettre à jour le vade-mecum des acquisitions.
Certaines acquisitions sensibles, issues de l'archéologie extra-européenne ou les biens présumés issus de zones de pillage ou de conflits seraient aussi plus scrupuleusement contrôlés par une Commission interministérielle. Une expertise externe serait aussi exigée pour les donations donnant lieu à des défiscalisations significatives (supérieures à 50.000 €).
Outre la facilitation des contrôles, citons enfin, parmi les recommandations des rapports, la responsabilisation plus importante des acteurs du marché de l'art en France et dans d'autres pays importants sur le marché de l'art.
Des orientations transposées à la BnF
Même s'il s'agissait plus de gestion de collection et de vente que d'acquisition, le sujet du rapport ne manquera pas d'évoquer la récente « affaire Doucet », qui porte sur les pratiques de la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet — rattachée à la Chancellerie des universités de Paris — vis-à-vis des livres rares et œuvres en sa possession.
La Bibliothèque nationale de France, établissement public à caractère administratif dépendant du ministère de la Culture, n'a pas fait l'objet d'un examen direct dans le cadre du rapport, mais son cas est tout de même évoqué. En effet, elle « s’est dotée récemment dans ce domaine [les acquisitions] de procédures rénovées », incluant un vade-mecum des acquisitions, une commission d’acquisition et quelques principes directeurs relatifs à la provenance d'une acquisition.
Ainsi, elle « a pour politique de refuser l’acquisition d’objets ayant fait l’objet d’une fouille ou d’une exportation illégale depuis leur pays d’origine depuis 1970 » et réclame des documents établissant la traçabilité de toute acquisition. « La Bibliothèque doit également identifier tout motif raisonnable d’estimer que le détenteur actuel est légitimement autorisé à conserver l’objet ou que celui-ci n’a pas été volé, exporté ou importé illégalement », notent ces principes directeurs.
Les auteurs du rapport estiment toutefois que les recommandations du rapport, surtout tournées vers les musées nationaux, « ont vocation à être transposées, le cas échéant, aux acquisitions de la BnF, sous réserve de ses singularités propres ». Elle pourrait par ailleurs solliciter la « cellule provenance » du SMF dont la création est proposée par le rapport.
Le rapport complet est disponible ci-dessous.
Photographie : Blaise Pascal, Première lettre sur la roulette, 1658, BnF, réserve des livres rares (illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
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