PODCAST – Basile Panurgias est l’invité de l’émission Écrire cette semaine : l’écrivain, qui a publié Le Doute (Robert Laffont) est en lice pour le Prix de Flore — décerné ce 4 novembre. Un ouvrage qui a des accents d’enquête, puisqu’il revient sur le plus grand scandale jamais vécu par l’Académie Nobel. En novembre 2017, le mari d’une jurée est impliqué dans une affaire d’agressions sexuelles…
Le 28/10/2022 à 16:14 par Aurélie Levy
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Publié le :
28/10/2022 à 16:14
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Voici un bien audacieux ouvrage, sur un événement non moins spectaculaire — et qui s’accordait avec la légende autour de l’inexistence d’un Nobel de mathématiques. On a raconté que l’épouse d’Alfred Nobel l’avait trompé avec un mathématicien suédois — engendrant ce rejet. La réalité est qu’il n’était pas marié, mais considérait que les mathématiques comme matière n’apporteraient pas de grand bénéfice à l’humanité…
Pourtant, l’affaire Jean-Claude Arnault, elle, est une affaire de mœurs bien réelle. Sa compagne, Katarina Frostenson, siège à l’Académie Nobel. Quand en novembre 2017, trois membres quittent l’institution, le scandale devient explosif. Jean-Claude Arnault, directeur d’un prestigieux club littéraire de Stockholm est mis en cause par 18 femmes.
Son lien avec la poétesse-jurée éclabousse l’Académie, le roi de Suède est contraint d’intervenir, au point que le prix sera suspendu. Et pour son livre, Basile Panurgias a cherché à comprendre les coulisses du prestigieux prix : voici comment, dans le roman, Jean-Claude et Basile, amis depuis une dizaine d’années, traversent la tempête.
Véritable personnage de roman, Jean-Claude, pourtant, n’écrit pas. Il n’est pas spécialement cultivé. Mais il est futé. Il arrive en Suède dans les années 70 et invente des professions dans la culture. Son génie ? Avoir compris que la culture pouvait être monétisée et changée en un outil de séduction. Il rencontre Katarina alors poétesse peu connue, joue de son charme de français du Sud et se garde bien de fréquenter la faune française locale.
Olivier Truc, correspondant du journal Le Monde en Suède, n’a jamais entendu parler de lui. Pourtant Jean-Claude est une icône dans le monde de la culture : avec son épouse Katarina, jurée au Nobel, il monte un club culturel qui deviendra The Place to be pour toute l’intelligentsia suédoise pendant plusieurs décennies. Et voici le couple devenu incontournable.
La bourse Nobel finance indirectement les artistes (femmes, évidemment) mises en avant dans son club et l’aura du club lui confère une forme d’emprise sur ses invitées. Malgré son progressisme social, la Suède a un petit milieu culturel : les artistes alternatifs n’ont que le club pour exister — sinon, c’est l’exil. Arnault sait monétiser le lieu et en profite pour rencontrer des femmes qui ne peuvent s’exprimer en dehors du cercle culturel élitiste. Or, la vie culturelle suédoise dépend du Nobel et gravite autour de ce couple, proche aussi du roi.
Jean-Claude saisit vite les rouages du système : au pays de H&M et Spotify, les femmes ont des moyens, mais peu d’accès à certains postes, observe Basile Panurgias au micro d’Écrire. « Si la France a eu Le Clézio et Modiano c’est en partie grande partie grâce à Katarina, francophile, très proche de Le Clézio. C’est elle qui pousse en leur faveur. » Sa poésie expérimentale, très à la mode dans les années 80, lui avait permis de décrocher cette place dans l’Académie Nobel.
« Suite au scandale, en mai 2018, le Nobel annule sa remise de prix annuelle. [Jean-Claude] petit Marseillais parti de rien et son scandale iront compromettre jusqu’au roi. Sacré transfuge de classe », explique Basile Panurgias.
Son ouvrage dévoile aussi les dessous du Nobel : chaque année une short list est décidée, avec l’obligation pour les jurés de lire plusieurs ouvrages des auteurs — dissimulés par un pseudonyme pour garantir l’anonymat des débats. « Mais la force du Nobel et sa marque résident dans cette faculté de changer de paradigmes avec son époque. Preuve en est Annie Ernaux — alors qu’une règle tacite dit “pas de Nobel en fin de vie”. »
Quant à l’affaire Arnault, Basile Panurgias est implacable : « Jean-Claude est un mythomane et il a été condamné à deux ans de prison. Sa femme Katarina continue de le défendre, persuadée qu’il est un saint homme et que c’est l’affaire Dreyfus. Le [Prix] Nobel, lui, a en revanche plus que jamais besoin de défendre sa marque. »
Crédits photo : Ecrire Aurélie Levy / Basile Panurgias
Par Aurélie Levy
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 22/09/2022
208 pages
Robert Laffont
20,50 €
Paru le 21/04/2016
204 pages
Editions Héloïse d'Ormesson
18,00 €
Paru le 15/09/2012
219 pages
Editions Léo Scheer
17,00 €
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Markenri
29/10/2022 à 12:19
Il semblerait quand même que ce roman soit très, très, inspiré du récit (qui n’est pas un roman, mais plutôt une enquête journalistique)« L’Affaire Nobel-Une autre histoire de la Suède » d’Olivier Truc (et non Tuck comme indiqué dans l’article!)
Team ActuaLitté
29/10/2022 à 12:43
Bonjour et merci pour cette précision.
Justice a été rendue au nom du journaliste et contre l'auteure de l'article !
félicité
30/10/2022 à 09:17
Tout à fait d" accord . Je trouve cet article assez insultant pour Olivier Truc que j' ai lu conseillé et offert en 2019....
Navrant que personne n' ose relever ce fait
labrisse
30/10/2022 à 09:39
En fait j'ai lu les deux livres car cette histoire me fascine. Ils sont très différents. Le Panurgias est basé sur une relation amicale qui tourne au vinaigre alors que Truc n'a jamais rencontré Arnault. Le premier est un livre personnel et le deuxième une enquête journalistique. Michel
Yves Brocard
30/10/2022 à 07:36
Bonjour,
Pourquoi est-il écrit Jean-Claude Arnaud dans votre article, alors que le prédateur sexuel suédois est Jean-Claude Arnault?
Team ActuaLitté
30/10/2022 à 09:17
Bonjour
Une faute de frappe multirécidiviste qui a été corrigée !
Merci de nous lire.
Rime
31/10/2022 à 11:29
Un coup porté à la littérature ?