Gustave Flaubert, Honoré de Balzac, Guy de Maupassant, Émile Zola, Jean-Paul Sartre, Voltaire... Ce sont nos plus importants écrivains français, que ce soit pour la force de leur propos que pour leur écriture. Le style, c’est une chose, l’orthographe une autre, et si on ne peut pas les accuser de méconnaître la langue de Molière, eux aussi, oui, ont été les odieux coupables de ce que les tatillons des lettres abhorrent le plus au monde : les fautes d’orthographe ou de français...
Le 02/06/2023 à 14:54 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
02/06/2023 à 14:54
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« Pyrénnées », « Je sortis et j’entrai dans une brasserie où j’absorbai deux tasses de café et quatre ou cinq petits vers pour me donner du courage », « Ta pension de retraite et le peu que j’ai, en mon nom, nous suffira », « Et, pendant qu’il séchait ce haillon désolé/D’où ruisselait la pluie et l’eau des fondrières/Je songeais que cet homme était plein de prières », « C’est ce que je demande, s’écria-t-elle, en se levant debout. »
Toutes ces citations frappées du sceau de l'erreur, reprises dans l’ouvrage Les plus jolies fautes de français, d’Anne Boquel et Étienne Kern, édité chez Payot, sont tirées, dans l’ordre, d’un récit de jeunesse de Gustave Flaubert, de la nouvelle La Patronne de Guy de Maupassant, de La cousine Bette de Balzac, du poème Le Mendiant des Contemplations de Victor Hugo, et du Rouge et le Noir de Stendhal.
Un moyen de rassurer certains : non, les erreurs orthographiques ne révèlent pas le manque de qualité d’un texte, mais au mieux une inattention, ou au pire, une méconnaissance technique. Oui, maîtriser l’orthographe relève d’abord d’un marqueur social. Après on excusera ces grandes figures des lettres françaises, nul correcteur automatique pour les seconder...
La première faute citée, réalisée par le grand styliste du Croiset, « Pyrénnées », a été révélée par le bibliophile Jacques Letertre, qui avait acquis en décembre 2021 le manuscrit du texte dont elle est tirée, Pyrénées et Corse, pour 53.000 €.
Ce récit de voyage est réédité ce 1er juin par Folio, avec trois autres textes de jeunesse, après la redécouverte de deux manuscrits, connus des experts de l’auteur de l’Éducation sentimentale, mais dont on avait perdu la trace depuis 1931.
Les deux textes en question sont Pyrénées et Corse donc, ainsi que Novembre. Spécialiste de Flaubert, Yvan Leclerc a pu entièrement revoir les deux textes par l’entremise du document de Jacques Letertre et de l'achat du manuscrit Novembre, en novembre 2022, par la métropole de Rouen, ville de naissance de l’auteur de Salammbô, pour 143.000 €.
Novembre « décrit l’éveil de la sexualité chez un adolescent ». Le second, Pyrénées et Corse, un voyage réalisé à 18 ans qui dura du 22 août au 1er novembre 1840, offert au futur romancier pour avoir obtenu son baccalauréat, très difficile à valider à l’époque. Déjà dans ce texte de jeunesse, un esprit qu’il gardera toute sa vie : « Haine de ce qui restreint, émotion de la liberté. » Plus tard, il racontera son périple en Égypte avec une voix de la maturité.
Ce récit de voyage a été imprimé pour la première fois dans les œuvres complètes de l’écrivain en 1910, soit 30 ans après sa mort : « Dans les éditions posthumes à l’époque, on n’attachait pas la même attention farouche à la lettre du manuscrit que de nos jours. L’essentiel de Flaubert a été publié après sa disparition. Il n’a donc pas pu relire et il y avait des erreurs », développe Jacques Letertre auprès de l'AFP.
Le récit de voyage qui contient le mot « Pyrennées » est plusieurs fois paru, mais sous des noms comme « Voyage dans les Pyrénées et en Corse » et « Pyrénées-Corse » : « Même le titre choisi par Flaubert est trompeur puisqu’en vérité il visite tout le sud de la France, de Bordeaux à Bastia en passant par Carcassonne et Toulon », ajoute Jacques Letertre.
Ce dernier a acquis le manuscrit à l’occasion de la dispersion des collections d’Aristophil, une société d’investissement dans ce type de pièces qui a fait faillite en 2016. L’entreprise avait récupéré le trésor en 2004 en Allemagne où il était parti lors de la liquidation en 1931 de l’héritage de la nièce du romancier, Caroline Hamard.
À LIRE:L'OVNI de la langue française
Si Gustave Flaubert a beaucoup écrit dès son plus jeune âge, il publia son premier texte en 1857 seulement, un certain Madame Bovary. Il avait 36 ans.
Crédits photo : Frédéric Bisson (CC BY-SA 2.0)
Paru le 01/06/2023
556 pages
Editions Gallimard
9,90 €
Paru le 28/10/2015
165 pages
Payot
12,00 €
15 Commentaires
Reshad Nazroo
03/06/2023 à 06:06
Article révélateur de manuscrits d'époque et de fautes d'omission surtout. Personnellement, je ne pense pas que Flaubert, "ce vieux romantique" (1821-1880) ait été coupable de fautes orthographiques "in se et per se", et ce pour la bonne et simple raison qu'il fût très méticuleux, pas seulement sur le plan du style, mais aussi de la grammaire. Ainsi, dans ses "Trois Contes", son oeuvre ultime que je suis en train de relire - après presque soixante ans de distance - il donne deux bons exemples de cette minutie, car il avait préparé tout un dossier pour "Un coeur simple", l'histoire de Félicité, la bonne de Mme. Aubain. À la page 48 de l'édition Folio Classique (no. 3245), il est dit, dans la note de bas de page "Les éditeurs modernes ont accusé Flaubert d'une inadvertance grammaticale, et corrigé "leurs destinées devaient..." en "leur destinee devait...". Fort heureusement, Samuel S. de Sacy a rétabli le texte authentique original, car il pense avec raison que la rupture d'accord était voulue par Flaubert, et que le sens général est : "leurs deux destinées devaient se confondre en une seule et même destinée". Même chose à la page 65 : Flaubert avait remodelé (c'est nous qui citons et soulignons) la grammaire traditionnelle en écrivant "Bien que ses péchés eussent pu sans déshonneur pour elle" etc. au lieu de "auraient pu".
NAUWELAERS
03/06/2023 à 22:34
«leur destinée devait...», et non «destinee» avec accent manquant.
Christian «marqueur social» Nauwelaers (allez, on rygolle !).
NAUWELAERS
03/06/2023 à 22:37
«...bonne raison qu'il fut très méticuleux...», non «...qu'il fût...».
Et arrêtez avec ces inepties d'orthographe -marqueur social, de grâce !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Reshad Nazroo
04/06/2023 à 16:34
En effet, véritable marque sociale la façon dont vous avez appris à épeler et écrire "rigole' à l'école, Belgique probablement!
NAUWELAERS
04/06/2023 à 22:11
Reshad Nazroo,
Il fallait que quelqu'un ne comprenne pas !
«Rygole», une boutade évidemment...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Reshad Nazroo
06/06/2023 à 15:33
Je n'en crois absolument rien de ce que vous avancez!
Fanon
04/06/2023 à 15:56
Je vous conseille l'article que Proust a écrit sur le style de Flaubert. L'auteur de Madame Bovary, faisait beaucoup de fautes et ne maitrisait pas la concordance des temps. Quant à Proust, il a fait plus de 1500 fautes dans le premier volume du Voyage...
Alors oui, les écrivains faisaient des fautes, heureusement que cela n'a rien à voir avec le talent.
Marie
03/06/2023 à 07:50
Ils sont pardonnés, en ces temps, quelle proportion de population était illettrée? Ferry n'était pas passé par là.L'occasion de relire, de G.Flaubert, "En Egypte", lettres à sa mère, superbement illustré de photos anciennes...pour dénicher des fautes d'orthographe!!
Fanon
04/06/2023 à 15:52
"Si Gustave Flaubert a beaucoup écrit dès son plus jeune âge, il publia son premier texte en 1857 seulement, un certain Madame Bovary. Il avait 45 ans"
Je pense que vous avez fait une erreur de calcul à ce niveau, Flaubert avait 36 ans à la parution de son premier roman, Madame Bovary. Ou bien je me trompe ?
Chambaron
05/06/2023 à 08:51
Se trouvera-t-il quelqu'un pour publier un bref ouvrage sur l'indifférence – voire le mépris – des écrivains du XIXe siècle envers la sacro-sainte orthographie ?
Comme relecteur-correcteur, j'ai eu maintes occasions de constater qu'ils déléguaient totalement la mise en forme de leurs textes aux éditeurs, correcteurs et typographes. À de rares exceptions près (Baudelaire par exemple), ils se désintéressaient de ces questions graphiques, conventions parfois éphémères que les petites mains de l'édition étaient payées (assez mal) pour mettre au clair.
Quant à la tournure " se lever debout", les auteurs auraient pu vérifier qu'elle était courante et non pléonastique à une époque où on se levait encore "assis" pour recevoir au chevet de son lit.
NAUWELAERS
05/06/2023 à 13:08
Bonjour Chambaron,
Ce livre existe déjà, bizarre qu'un correcteur comme vous l'ait laissé passer...
«Les plus jolies fautes de français de nos grands écrivains» d'Anne Boquel et Étienne Kerr, éditions Hors Collection/Payot (collection humour !), 2018.
Ce que vous écrivez est juste et connu depuis longtemps, et pas seulement grâce à cet opuscule dont on a beaucoup parlé..
Et sans la «sacro-sainte orthographe», cet affreux marqueur social (contrairement aux smartphones et vêtements de luxe, aux voitures et motos haut de gamme etc.) vous imaginez des livres bourrés de fautes ?
Si cela ne vous gêne pas, moi si.
De la part d'un amoureux des livres qui se trouve être un correcteur-relecteur adorant son métier.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Marie
05/06/2023 à 16:19
Eh bien j'ose ! J'ai découvert P. Lemaître avec le film d'Albert Dupontel : "Au revoir la-haut", une réussite vue plusieurs fois. J'attendais beaucoup de la suite : "Couleurs de l'incendie", d'un réalisateur autre, et j'ai été tellement déçue par la noirceur de "tous" les personnages que j'ai décidé de lire le livre de ce prix Goncourt. Mal m'en a pris car, non seulement j'ai eu du mal à "retrouver" le film, sauf la noirceur, mais en outre j'au lu:" caugiter", hériter D'un patrimoine, un participe passé mal accordé...
NAUWELAERS
06/06/2023 à 13:17
Marie,
Ce que vous dénoncez est lamentable, vraiment...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Marie
07/06/2023 à 07:59
N.@, et oui, c'est lamentable d'abord pour le correcteur, ensuite pour celui qui écrit, "prix goncourt" !!
Aurelien Terrassier
29/06/2023 à 12:28
Peu importe les fautes d'orthographe, on leur a excusé depuis longtemps et même encore aujourd'hui. Que des grands ecrivains aient pu faire des fautes d'orthographe c'est aussi le défaut du génie. A l'époque aussi pas d'ordinateur et encore moins de Chatgpt. Et puis faire des fautes d'orthographe pour un grand écrivain, n'est-ce pas tout simplement humain dans le fonds? Je pense que oui!