PODCAST – C’est une évidence : les grands prix littéraires ne se contentent pas de bouleverser la tendance des meilleures ventes, ils influencent bien entendu le destin commercial d’un ouvrage. Edistat et ActuaLitté se penchent aujourd’hui sur le phénomène des prix littéraires et de leurs répercussions, et vous livre ici le résultat de son étude à l’aide de quelques exemples. Ouvrons donc le bal des prix littéraires !
Si la concentration des maisons d’édition se révèle la grande gagnante des prix littéraires d’automne, leur incidence sur la commercialisation des livres est loin d’être une légende.
Roxane / Edistat : Dans la chronologie, c’est celui de Fnac qui démarre la saison. La problématique c’est que ce prix est attribué début septembre à un ouvrage paru souvent en août. Il nous est donc difficile d’articuler notre étude autour du vainqueur de ce prix. Cette année, il a été décerné à Sa préférée de Sarah Jollien-Fardel publié par les éditions Sabine Wespieser le 25 août. Il a reçu la récompense Fnac deux semaines plus tard, le 8 septembre. Un laps de temps trop court pour en apprécier pleinement les répercussions.
Nicolas Gary : Ah, nous commençons fort !
Roxane / Edistat : Eh bien, face à ce constat, nous avons fait le choix de prendre un autre exemple : il s’agit du roman de Giuliano Da Empol, Le mage du Kremlin, paru le 14 avril aux éditions Gallimard et lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française le 27 octobre.
Nicolas Gary : Qu’en retenir ?
Roxane / Edistat : Eh bien, 34 % de ses ventes depuis parution ont été effectuées à partir du 27 octobre, date de remise du prix. Avant cet événement, l’ouvrage enregistrait des ventes moyennes de 2600 exemplaires par semaine avant de grimper à 13.000 exemplaires.
Placé dès sa parution dans le Top 50 du segment roman, il était aussi au 71e rang du Top ventes nationales, tous genres et formats confondus. C’est seulement après avoir remporté ce prestigieux prix que son classement a pu progresser : il a atteint le 16e rang, puis le 5e et même le 2e rang des ventes nationales pendant deux semaines.
Nicolas Gary : Des résultats appréciables, mais qu’un certain Goncourt détrône aisément.
Roxane / Edistat : En effet, la première place est toujours tenue par le lauréat du célèbre prix. Il a été attribué le 3 novembre à Vivre vite de Brigitte Giraud, paru le 24 août chez Flammarion. L’ouvrage a enregistré une moyenne de ventes hebdomadaires de 646 exemplaires durant dix semaines. Il a ensuite connu un engouement significatif dès l’annonce de l’Académie, le 3 novembre : 9800 exemplaires vendus entre le 31 octobre et le 6 novembre, et 19.000 exemplaires vendus du 7 au 13 novembre. Et la courbe continue de monter.
PODCAST: sur les ventes du prix Goncourt
Nicolas Gary : Les prix littéraires sont un coup de pouce indéniable, même pour les romans parus chez les grands éditeurs.
Roxane / Edistat : Absolument : Performance de Simon Liberati, paru le 17 août chez Grasset, n’a pris place dans le Top 50 du segment roman qu’après avoir décroché le Renaudot. 62 % des ventes de cet ouvrage correspondent à celles réalisées depuis le 3 novembre, date à laquelle le prix Renaudot a été annoncé.
Il en va de même pour le lauréat du Médicis 2022 : le roman d’Emmanuelle Bayamack-Tam, La Treizième heure, paru le 18 août chez P.O.L. Le prix a été remis le 8 novembre et a eu un effet immédiat sur les ventes : la semaine suivant son attribution, la moyenne de ventes hebdomadaires, alors de 245 exemplaires (entre sa parution et le 6 novembre), monte à 513 exemplaires.
Nicolas Gary : Les récompenses évoquées sont toutefois les plus connues du grand public. Quel impact pour celles moins médiatiques ?
Roxane / Edistat : Leur incidence est avérée, mais elle reste limitée et ne garantit pas nécessairement une place dans les Top 50 des meilleures ventes.
Par exemple, le prix Wepler de l’année dernière a couronné Antoine Wauters pour son roman Mahmoud ou la montée des eaux, publié le 26 août 2021 aux éditions Verdier. La moyenne de ventes hebdomadaires depuis parution était de 308 exemplaires. Dès l’annonce du prix, elle a légèrement augmenté.
Il est intéressant de noter que 52 % de ses ventes en 2021 sont celles réalisées depuis fin novembre et évidemment en décembre. Toutefois, le titre n’a fait son entrée dans le Top 50 du segment roman qu’après avoir remporté le Prix du Livre Inter en juin 2022.
Nicolas Gary : Et vous avez également passé le Prix Wepler au crible.
Roxane / Edistat : Les enfants endormis, d’Antony Passeron, publié par le Globe, a eu un bon démarrage dès sa parution le 25 août. Il a figuré dans le Top ventes roman pendant 4 semaines, jusqu’au 10 octobre. Le Prix Wepler 2022, lui, a été décerné le 14 novembre. Selon nos estimations, du 3 octobre au 27 novembre, il a connu une moyenne de ventes hebdomadaires de 1100 exemplaires. Il semblerait que l’effet Wepler n’a pas trop influencé la courbe de ses ventes.
Nicolas Gary : Et Edistat a déniché d’autres exemples plus significatifs encore !
Roxane / Edistat : Bien entendu ! Beyrouth-sur-Seine de Sabyl Ghoussoub, paru le 24 août chez Stock, remporte le prix Goncourt des lycéens le 24 novembre. En trois mois, il affiche une moyenne de ventes hebdomadaires de 167 exemplaires et ne figurait pas dans les meilleures ventes.
Le Goncourt des lycéens l’a propulsé dans le classement. Selon nos estimations, la moyenne de ventes hebdomadaire de 167 exemplaires est montée à 1429 exemplaires pour la semaine du 21 au 27 novembre. Et par la suite, ce furent 3500 exemplaires vendus entre le 28 novembre et le 4 décembre. Désormais, il figure dans le Top ventes des romans.
Nicolas Gary : Un coup de projecteur au livre, mais cette mise en lumière ne peut seule garantir le succès d’un ouvrage. Le livre doit ensuite convaincre ses lecteurs pour que le bouche-à-oreille fonctionne. Au sein de ces modes de prescription, les libraires jouent un rôle crucial.
Roxane / Edistat : Le travail des libraires, comme celui des critiques et les chroniques des médias, est essentiel pour faire démarrer les ventes d’un ouvrage. Au-delà des prix et des grandes tendances, l’humain reste heureusement le véritable prescripteur du livre — un constat encourageant !
Nicolas Gary : Et pourquoi pas un autre podcast sur ces deux éléments clés ?
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 14/04/2022
288 pages
Editions Gallimard
20,00 €
Paru le 24/08/2022
208 pages
Flammarion
20,00 €
Paru le 24/08/2022
308 pages
Stock
20,50 €
Paru le 17/08/2022
252 pages
Grasset & Fasquelle
20,00 €
Paru le 26/08/2021
130 pages
Editions Verdier
15,20 €
Paru le 25/08/2022
274 pages
Globe
20,00 €
Paru le 18/08/2022
562 pages
P.O.L
23,00 €
Paru le 25/08/2022
206 pages
Sabine Wespieser Editeur
20,00 €
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