Fabienne BlanchutPrincesse ParfaiteCoquinettes
Le 21/10/2015 à 10:47 par Fred Ricou
Publié le :
21/10/2015 à 10:47
Beaucoup de jeunes auteurs débutants trouvent dans l'autoédition une solution pour enfin tenir dans leurs mains la version « livre » d'un manuscrit qui leur tenait à cœur depuis longtemps ou vendre la version numérique sur un site spécialisé.
Il n'existe pas une seule sorte d'autoéditeurs. Tous, sans n'avoir jamais publié nulle part, ont choisi le chemin de l'autoédition pour diverses raisons dont on peut faire une petite liste non exhaustive :
- L'envie de faire lire au plus vite un manuscrit sans passer par la longue attente d'une réponse d'une maison d'édition.
- La peur d'une réponse négative d'une ou de plusieurs maisons d'édition qui est parfois vécue comme un échec.
- La peur qu'un éditeur « massacre » son texte.
- L'envie de tout contrôler de A à Z.
- La sensation que son manuscrit ne va pas être compris à sa juste valeur.
Bonnes ou mauvaises raisons, et même si nous ne soutenons pas forcément l'autoédition, toutes se valent et toutes se défendent.
Les chiffres de ventes de l'autoédition sont assez peu connus, chaque auteur communique, s'il le souhaite, ses chiffres, quitte à « gonfler » un peu les ventes selon le principe - étrange - qu'un livre qui se vend beaucoup est un livre qui doit être lu. Aujourd'hui, les exemples d'autoéditeurs français qui vendent beaucoup et autant de livres que certains auteurs dans des maisons d'édition classique se comptent sur les doigts d'une main, peut-être deux, mais pas plus. On ne communique que quand on vend beaucoup !
Après, qu'est-ce que "vendre beaucoup" ? C'est une autre question que nous développerons dans un futur article...
Maintenant, on peut se poser la question de savoir pourquoi certains auteurs très connus se mettent à l'auto-édition. D'où vient cette envie de vouloir tout faire soi-même et se confronter à la critique directe des lecteurs ?
Récemment, deux auteurs « jeunesse » se sont lancés dans cette aventure. La première est , auteur à succès de la série d'albums aux éditions Fleurus et des aux Éditions Les 2 coqs d'or (1 million d'exemplaires en 10 ans de publication).
La seconde est Laurel, jeune dessinatrice de bd, première française à avoir réalisé un blog bd il y a une dizaine d'années. Le scénario de sa première bande dessinée à avoir été publiée en 2006, Le Journal de Carmilla, aux éditions Vent d'Ouest était signé Lorris Murrail.
Fabienne Blanchut a tenté deux expériences, la première celle de l'autoédition directe avec Ham, un roman ado sur le premier singe à être allé dans l'espace, la deuxième est un album numérique réalisée grâce à la technologie de la société Whisperies, dont nous parlions l'année dernière (et dont la cofondatrice Adeline Fradet vient d'être nommée au Prix de la femme entrepreneure du numérique 2015).
L'auteur s'explique sur ses deux envies :
« Concernant Ham, j'avais un besoin impérieux de donner ce texte en lecture. De partager cette histoire avec le plus grand nombre et le plus rapidement possible. Lors de mes recherches, la vie de ce singe « Ham » m'a touchée et j'ai inventé tout un univers autour de lui à partir de faits réels, vérifiés et vérifiables.
Les remarques que j'ai reçues lorsque j'ai fait lire mon manuscrit à deux éditeurs, c'est que c'était une belle histoire, bien écrite, mais qu'on ne savait pas où la classer.
J'ai passé ma vie à repousser les cases et les étiquettes.
Et de rajouter : Pour Whisperies, j'allais dire que c'est la rencontre avec Adeline Fradet et les nombreuses discussions que nous avons eues qui a fait le larron…
L'aventure a commencé avec l'histoire de Nina et Grodounours, deux albums qui ont été publiés en 2006. La maison d'édition n'existant plus, les livres n'étant plus disponibles nulle part, avec Camille (ndlr : Camille Dubois est l'illustratrice de Princesse Parfaite et des Coquinettes…) nous lui avons donné une nouvelle naissance sur un support numérique. Et c'est merveilleux de les voir récolter plein de « 5 étoiles » qui est la plus haute valeur de notation sur cette plate-forme.
En revanche pour Beurk !, une histoire à paraître jeudi, c'est une première. J'ai travaillé avec Madartair, un illustrateur-animateur de talent. Cela s'est tellement bien passé, que nous allons publiés ensemble un album papier chez Pixygraph éditions en 2016 Barborange le brave. Hâte de le tenir entre les mains.
Je reste, vous l'aurez compris, une amoureuse du papier ! »
Quand on lui pose la question de savoir si aujourd'hui un auteur confirmé peut se passer d'un éditeur, Fabienne Blanchut répond : « Je ne sais pas. Il existe juste aujourd'hui des méthodes alternatives de publications. Je poursuis avec beaucoup de plaisir mes collaborations « papier » et ne veux pas qu'elle s'arrête. Ici, j'ai juste expérimenté une autre forme de publication avec ce premier roman. Une histoire, comme je l'ai dit plus haut, que je ne voulais pas garder ad vitaem dans mes tiroirs. Il y a eu comme une urgence pour moi de le sortir, de le donner à lire. Que l'histoire de ce chimpanzé EXTRAORDINAIRE puisse rencontrer des lecteurs sans attendre six mois ou un an ou un an ½ avant la publication… »
Cependant l'auteur fétiche des plus jeunes laisse une porte ouverte à l'édition dite « classique » : « Si Ham intéresse un éditeur, je serai ravie de dialoguer avec lui. Qu'Ham existe sous forme papier est une possibilité que je n'exclus pas, bien au contraire. Les lecteurs semblent impatients de le tenir entre leurs mains. »
Il y a quelques mois, nous avions fait un article sur les auteurs qui faisaient appel au financement coopératif. Nous avions pris comme exemple Anaïs Goldemberg et Coliandre(l'article est à lire ici).
Il y a quelques jours la dessinatrice Laurel, exilée aux États-Unis, à San-Francisco, depuis 2013, a profité également de ce genre de financement participatif pour raconter à sa manière dans une bande dessinée, Comme Convenu, son quotidien et surtout la création sur place d'un studio de jeux vidéo. Elle voulait tout faire elle-même et l'on peut dire que tout ceci a amplement dépassé ses attentes !
La dessinatrice avait alors demandé à ses fans et aux personnes croyant en son projet s'ils pouvaient réunir, grâce à la plateforme Ulule, la somme de 9500 dollars qui payerait ainsi l'impression (française !) de cette grosse bande dessinée de 264 pages ainsi que de quelques marque-pages. En à peine quelques heures, la dessinatrice a reçu toute la somme demandée. Aujourd'hui, la page affiche au compteur la somme phénoménale de plus de 164 000 dollars et il reste encore, à l'heure où nous écrivons ces lignes, 16 jours avant que la récolte ne soit close.
« C'était complètement incroyable, je n'en reviens toujours pas. Je suis toujours sur mon nuage, de voir que je suis autant soutenue par les lecteurs de mon blog...
C'était vraiment inattendu, je ne pensais pas qu'autant de personnes avaient envie d'avoir une version papier de l'histoire ! (puisqu'elle est disponible sur le net !) »
Maintenant, que va-t-il se passer pour Laurel ? Que va-t-elle faire de tout cet argent ?
« La somme récoltée va me permettre de réaliser un rêve en faisant imprimer se livre par moi même, et en gérant toutes les étapes de l'édition jusqu'à la livraison chez les contributeurs! :)
Comme les fonds récoltés dépassent mes attentes, je vais pouvoir revoir bien à la hausse la qualité d'impression du livre.
Je vais aussi faire imprimer plus de pages qu'initialement prévu, et inclure les noms de tous les contributeurs (ceux qui le souhaitent), et d'autres petites surprises.
La suite m'effraie un tout petit peu, je ne sais pas s'il y aura des surprises, d'un point de vue organisation notamment.
J'ai fait en sorte de limiter les risques en trouvant les bonnes personnes pour m'entourer avant de lancer le projet sur Ulule. »
Comme pour Fabienne Blanchut, nous avons demandé à Laurel pourquoi s'était-elle passée d'un éditeur pour raconter cette histoire ?
« J'ai été contactée spontanément par plusieurs éditeurs, dont des gros.
Mais la rémunération proposée n'était pas du tout viable, donc j'ai dû décliner, simplement.
Beaucoup d'auteurs vivent d'autres boulots en parallèle, aujourd'hui. Certains ont même dû arrêter et prendre un autre job. Nos conditions de travail sont de plus en plus difficiles depuis des années, cela concerne les dessinateurs comme les scénaristes (ou les écrivains, d'ailleurs).
Je me suis dit que si je devais tenter l'autoédition, ce serait maintenant ou jamais… en tout cas c'était une bonne occasion, les pages étant déjà finalisées en grande partie ! »
Laurel ne sait pas encore si elle renouvellera l'expérience et même si elle retravaillera avec un éditeur classique : « Je n'ai pas eu de nouvelles de mon éditeur pour un éventuel tome 4 de « Cerise ». Le tome 3 est sorti en juillet, ils m'ont dit qu'ils me tenaient au courant, mais nous sommes en octobre… alors vraiment, aucune idée.
Je vais travailler sur la deuxième partie de Comme Convenu, et peut-être publier par la suite (dans au moins un an et demi) un ou deux autres petits livres par moi-même si je n'ai pas trop de mauvaises surprises avec cette première expérience d'autoédition. »
Deux manière de faire de l'autoédtion pour ces deux auteurs, elles ne seront certainement pas les seules à tenter l'expérience.
Il existe également un autre cas d'autoédition chez les auteurs qui ont déjà publié depuis plusieurs années. Le rachat de droit. Quand un livre n'est plus en vente en librairies, beaucoup d'auteurs en profitent pour racheter les droits de leurs livres et les remettre ainsi en vente, le plus souvent de manière numérique, pour que les textes puissent vivre une nouvelle vie quelques années plus tard. C'est certainement de cette manière que les lecteurs vont trouver de plus en plus de textes épuisés.
À suivre, donc…
Par Fred Ricou
Contact : fred.ricou@leshistoiressansfin.com
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