Du 22 octobre 2019 au 16 février 2020, la Bibliothèque nationale de France vous emmène en Terre du Milieu avec Tolkien. Du Hobbit oui, mais pas que : sa vie à Oxford, son métier de professeur, sa passion pour les littératures médiévales, ses aquarelles, ses premiers récits, ses contes pour enfants, ses cartes, ses poèmes, plus de 300 pièces inédites qui plongent dans l’univers grandiose créé par l’auteur britannique.
Quatre fois plus importante que l’exposition d’Oxford, « Tolkien, voyage en Terre du Milieu » recouvre plus de 1000 m2 et présente plus de 300 pièces : « Jamais une exposition consacrée à Tolkien n’a d’ailleurs réuni autant de pièces » insiste Vincent Ferré, professeur de littérature générale et comparée à l’université Paris Est-Créteil. C’est aussi la première fois que la BnF présente une exposition sur un auteur étranger.
« L’occasion de faire entrer en résonance cet auteur emblématique du paysage littéraire européen du XXe siècle avec les collections patrimoniales de la BnF. Les images mentales que fait surgir l’œuvre de Tolkien pour un public anglophone ne sont pas les nôtres. Nous voulons permettre à un public français, continental, de trouver ses marques et d’avoir des repères pour voyage dans l’œuvre de Tolkien » reprend Frédéric Manfrin, conservateur en chef au département Philosophie, Histoire et Sciences de l’Homme à la BnF
« Il était important d’amener les visiteurs “continentaux” à découvrir l’œuvre de Tolkien et de sortir des catégories dans lesquelles on a tendance à la ranger. Il est l’auteur du Hobbit et du Seigneur des Anneaux, certes, mais il faut savoir aussi que sa conférence de 1936 sur Beowulf est l’une des plus citées . Qu’il a aussi publié un essai sur les contes de fées qui a été l’origine de beaucoup de réflexions ultérieures. »
Pour pénétrer dans l’œuvre de Tolkien, l’exposition présente le matériel de Tolkien lui-même et les pièces qui viennent en contextualisation. Elle se compose donc en deux parties : Tolkien, voyage en Terre du Milieu puis Le Retour à Oxford.
On découvre alors une carte imprimée de la Terre du Milieu annotée par l’auteur en 1969, une carte du Rohan, du Gondor et du Mordor avec des notes relatives au Seigneur des Anneaux (1944), ainsi que des tapisseries récemment tissées d’après les aquarelles de Tolkien lui-même par la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson comme Bilbo arrive aux huttes des Elfes des radeaux (1937), mais aussi Fendeval (1937).
L’auteur britannique va même jusqu’à construire des artéfacts : un manuscrit de Nains, qu’il a lui-même taché de sang avec de l’encre rouge et trouée à l’aide de sa fameuse pipe, qui ne le quittait jamais. « Il voulait que les lecteurs aient des choses qui accréditent la lecture de son livre », explique l’un des commissaires. Et la création du très célèbre Livre rouge souligne bien cette idée. « Il existe bel et bien » reprend-il. Le Livre rouge est en effet l’un des plus importants manuscrits médiévaux gallois (Llyfr coch Hergest de son petit nom).
Toutes ses pièces témoignent de l’obsession et du travail de Tolkien de produire un récit réaliste, qui semble vraisemblable, le tout saupoudré de merveilleux. Des aspects de vraisemblance d’un livre historique donc, mais avec un monde imaginaire.
« Pour Tolkien, le choix du merveilleux permet de parler du monde réel. Le monde imaginaire permet de déplacer notre regard sur le monde. Tout ce qu’il peut espérer avec Le Hobbit ou Le Seigneur des Anneaux, c’est que le lecteur retrouve ce qu’il appelle “un œil clair”, c’est-à-dire un œil neuf. »
D’ailleurs, « Tolkien était contre l’analogie des contes de fées comme littérature jeunesse un peu bébête, il voulait montrer que la fantaisie était aussi pour les grands » notamment parce qu’ils disent quelques choses du monde. « C’est pourquoi il détestait d’ailleurs Disney ».
Nous traversons la Grande Mer, sur un extrait de « L’adieu à la Lórien », chant de la dame Galadriel dit par J.R.R Tolkien, pour rejoindre la seconde partie de l’exposition. Ici, nous pénétrons dans un espace mental où s’est construite la pensée de son œuvre. Nous découvrons ainsi la diversité du travail de Tolkien, souvent réduit au Hobbit et au Seigneur des Anneaux.
Et puis, « le Hobbit a tout de suite plu à l’éditeur Allen & Unwin, qui lui a demandé une suite : ce sera le point de départ du Seigneur des Anneaux », qui n’est d’ailleurs pas une trilogie. Le récit devait être publié en un seul volume, mais l’éditeur le publie en trois tomes pour des raisons de coût. « Tolkien est lui-même presque surpris par le succès du Seigneur des Anneaux. »
Le Hobbit n’est donc à l’origine que la plus longue des histoires racontées par J.R.R Tolkien à ses quatre enfants, aux côtés de Roverandom, de Monsieur Merveille et des Lettres du Père Noël, également présentés dans l’exposition. Nous y découvrons également des photographies avec ses enfants.
« Contrairement aux Anglais qui sont souvent assez pudiques dans leur cercle familial, Tolkien était très proche de ses enfants » reprend Frédéric Manfrin. La jolie histoire de Roverandom en est la preuve : alors qu’un de ses fils perd son jouet pendant les vacances et trois jours après avoir examiné en long et en large la plage de galet sans succès, il décide d’écrire l’histoire du chiot nommé Rover transformé en jouet après avoir mordu un sorcier. Le jouet, abandonné sur une plage par un petit garçon, retrouve son apparence originelle et est alors envoyé par un sorcier vivre des aventures sur la Lune.
L’exposition permet alors de découvrir un J.R.R Tolkien plus intime, notamment grâce à sa correspondance. Nous apprenons ainsi qu’avant sa mort en 1973, il a confié à son troisième fils, Christopher, la mission de publier ses nombreux textes inédits, sous la forme de milliers de feuilles, pas toujours classées, avec 6 ou 7 couches d’écriture, à l’encre, au crayon, à la craie. Né en 1924, Christopher Tolkien a passé plus de 40 ans à mettre en forme ces écrits, des années 1970 à 2018.
Dossier : JRR Tolkien, le génie de l'histoire
Par Camille Cado
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1 Commentaire
Vie QuatreSixQuatre
22/10/2019 à 10:42
C'est toujours une grande émotion pour moi de replonger un instant dans l'univers si particulier de Tolkien. Je l'ai lu assez tard, il est vrai. Je devais avoir déjà 20 ans environ. J'étais déjà une lectrice assidue de fiction, du polar à la sf en passant par les classiques. J'étais ce qu'on appellait, à l'époque, une littéraire. Je ne sais pas si on dit toujours comme ça de nos jours. J'écrivais déjà, aussi. Tolkien figure parmi les auteurs dont j'ai lu l'oeuvre à plusieurs reprises. Il y en a très peu. Merci à la Bnf de lui rendre un hommage érudit. J'espère que de nombreuses classes iront visiter cette exposition.