Les traducteurs et traductrices ont toujours joué un rôle majeur dans la société, tout en contribuant à la richesse des langues et des cultures. Ils/elles jouent un rôle de passerelle entre les civilisations, façonnent les langues modernes et enrichissent notre savoir jour après jour. Cet essai doit beaucoup à Wikipédia, notre bible des temps modernes. Merci à Anna Alvarez pour son aide.
Le 06/04/2022 à 11:16 par Marie Lebert
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06/04/2022 à 11:16
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Datant du IIIe siècle avant notre ère, la traduction en grec de la Bible hébraïque est la première traduction d’envergure dans le monde occidental. Cette traduction est appelée la Septante, en référence aux 70 érudits qui traduisent la Bible hébraïque à Alexandrie, en Égypte. Bien que chaque traducteur ait travaillé seul, cloîtré dans sa cellule, la légende veut que les 70 versions aient été identiques.
Térence, dramaturge romain, traduit et adapte des comédies du grec vers le latin au IIe siècle avant notre ère. Il indique déjà le rôle de passerelle du traducteur, censé « faire passer » les valeurs d’une culture à l’autre.
Homme d’État, orateur, avocat et philosophe, Cicéron traduit également des textes du grec vers le latin et compare le traducteur à un artiste. Dans son œuvre De l’Orateur (De Oratore) publiée en 55 avant notre ère, Cicéron critique la traduction « mot pour mot » (« verbum pro verbo ») : « Je n’ai pas cru devoir présenter au lecteur un décompte des mots, mais pour ainsi dire lui offrir une somme de mots en bloc. »
Le débat opposant la traduction du sens pour le sens et la traduction mot à mot remonte en effet à l’Antiquité et reste toujours de mise dans notre monde moderne.
L’inventeur de la notion de traduction de sens pour le sens serait Jérôme (connu aussi sous le nom de Saint Jérôme), lui aussi traducteur, qui explique cette notion en l’an 396 de notre ère dans sa Lettre à Pammaque. Auteur d’une traduction latine de la Bible connue sous le nom de Vulgate, Jérôme affirme que le traducteur doit rendre « non pas le mot pour le mot, mais le sens pour le sens » (« non verbum e verbo sed sensum de sensu »).
À la fin du IVe siècle de notre ère, Kumārajīva, moine bouddhiste, érudit et traducteur prolifique, s’attelle à une tâche pharaonique, à savoir la traduction du sanskrit au chinois d’un grand nombre de textes bouddhiques. Sa traduction la plus célèbre est celle du Sutra du Diamant, un influent sutra du bouddhisme mahayana en Extrême-Orient, devenu un objet de dévotion et d’étude. Daté de 868, un exemplaire tardif de l’édition chinoise du Sutra du Diamant est « le plus ancien exemplaire complet d’un livre imprimé nous étant parvenu », selon la British Library, qui conserve cette relique.
Les traductions claires et sans détour de Kumārajīva s’attachent davantage à transmettre le sens du texte religieux qu’à rendre l’original avec précision. Ses traductions influencent profondément le bouddhisme chinois et restent plus populaires que des traductions ultérieures plus littérales.
L’expansion du bouddhisme provoque de vastes programmes de traduction pendant plus de mille ans dans toute l’Asie, dont certains dans un laps de temps relativement court.
Il ne faut que quelques décennies aux Tangoutes, par exemple, pour traduire nombre d’œuvres majeures. Des sources contemporaines décrivent même l’Empereur des Tangoutes et sa mère contribuant personnellement à ces traductions aux côtés de sages de diverses nationalités.
Après avoir conquis l’Empire grec, les Arabes entreprennent eux aussi un vaste programme de traduction afin d’offrir à terme des versions arabes de tous les grands ouvrages philosophiques et scientifiques grecs. De ce fait, le savoir grec contribue au savoir arabe dans de nombreux domaines, par exemple l’astrologie ou la médecine.
Le latin reste la lingua franca de l’Europe occidentale pendant tout le Moyen Âge. Rares sont les œuvres latines traduites dans des langues dites vernaculaires (anglais, français, espagnol, etc.), qui sont encore mal définies et peu développées.
À la fin du IXe siècle, Alfred le Grand, roi du Wessex (Angleterre), est très en avance sur son temps puisqu’il fait traduire du latin en anglais deux œuvres classiques majeures, d’une part l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais de Bède, et d’autre part la Consolation de philosophie de Boèce. Ces traductions contribuent à l’évolution de la prose anglaise.
Selon Roger Bacon, érudit anglais du XIIIe siècle, un traducteur doit bien connaître à la fois la langue source et la langue cible pour écrire une traduction de qualité. Il doit aussi maîtriser la discipline de l’ouvrage à traduire.
Au XIVe siècle, le poète anglais Geoffrey Chaucer débute une tradition poétique basée sur des traductions ou des adaptations d’œuvres littéraires disponibles en latin et en français, deux langues alors mieux établies que l’anglais.
Pendant ce temps, le théologien John Wycliffe traduit pour la première fois la Bible du latin en anglais. Cette Bible paraît en 1382-1384 sous le nom de Bible de Wycliffe.
Aux XIIe et XIIIe siècles, l’École des Traducteurs de Tolède (Espagne) devient le rendez-vous des érudits européens, qui s’installent dans cette ville pour traduire en latin les grandes œuvres philosophiques, religieuses, scientifiques et médicales disponibles en arabe et en grec. Pourquoi Tolède ? Tolède est l’un des rares endroits de l’Europe médiévale où les chrétiens peuvent être exposés à la langue et à la culture arabes.
Nombre de ces érudits chrétiens sont curieux d’en apprendre plus sur une civilisation qui leur semble très riche et leurs traductions vont permettre de diffuser ces nouvelles connaissances auprès de leurs collègues dans toute l’Europe. Toutes ces traductions font connaître les grandes œuvres arabes au monde chrétien. Elles ont une grande influence sur le savoir en Europe dans des domaines aussi variés que la connaissance du Coran, l’astronomie, les mathématiques ou la géographie.
Le voyage du philosophe byzantin Gémiste Pléthon à Florence (Italie) suscite un regain d’intérêt pour le savoir grec en Europe occidentale, et notamment pour les œuvres du philosophe Platon. Lors du Concile de Florence en 1438-1439, Gémiste Pléthon rencontre Cosme de Médicis, dirigeant de Florence et mécène de la science et des arts, et cette rencontre permet la fondation de l’Académie platonicienne à Florence.
Sous la direction de Marsile Ficin, érudit et traducteur italien, l’Académie platonicienne entreprend la traduction en latin de toutes les œuvres de Platon, suivies des Ennéades du philosophe Plotin et d’autres œuvres néoplatoniciennes. L’œuvre de Marsile Ficin et de ses collègues — et l’édition latine du Nouveau Testament par Érasme — rend les lecteurs plus exigeants vis-à-vis des œuvres traduites.
Pour la première fois, les lecteurs demandent une certaine rigueur dans la traduction des mots exacts de Platon, de Jésus, d’Aristote et de bien d’autres, qui sont le fondement de leurs propres convictions philosophiques et religieuses.
La littérature non savante repose encore largement sur l’adaptation d’œuvres classiques du passé. Les auteurs et les traducteurs — qui sont souvent les mêmes personnes — cherchent à satisfaire un nouveau public apparu avec l’émergence de la classe moyenne et le développement de l’imprimerie.
Bel exemple de prose anglaise, Le Morte d’Arthur (1485) de Thomas Malory est une traduction libre des romans arthuriens, qui met en scène le légendaire roi Arthur et ses compagnons Guenièvre, Lancelot, Merlin et les chevaliers de la Table Ronde.
Thomas Malory traduit et adapte des récits médiévaux disponibles en français et en anglais. Il ajoute aussi de nouvelles histoires qui proviennent sans doute de sa propre imagination, par exemple Gareth, présentée comme l’une des aventures des chevaliers de la Table Ronde.
Les poètes de l’époque Tudor et les traducteurs élisabéthains adaptent ensuite des thèmes d’Horace, d’Ovide, de Pétrarque et d’autres auteurs classiques, tout en inventant un nouveau style poétique.
Imprimé en 1525, le Nouveau Testament de Tyndale est l’une des grandes traductions de l’époque Tudor. Cette traduction doit son nom à William Tyndale, l’érudit anglais qui en est le principal traducteur. Pour la première fois, la Bible est traduite directement de l’hébreu et du grec.
Après avoir traduit la totalité du Nouveau Testament, William Tyndale débute la traduction de l’Ancien Testament, dont il traduit la moitié. Il devient aussi une figure majeure de la Réforme protestante avant d’être condamné à mort pour possession illicite des Saintes Écritures en anglais. Après sa mort, un de ses assistants achève la traduction de l’Ancien Testament. La Bible de Tyndale est la première Bible anglaise imprimée en masse suite à l’invention de l’imprimerie. Elle est suivie de plusieurs traductions dans d’autres langues modernes.
Martin Luther, professeur de théologie allemand et figure majeure de la Réforme protestante, traduit la Bible en allemand vers la fin de sa vie. Événement à la fois religieux et littéraire, la publication de la Bible de Luther entre 1522 et 1534 favorise le développement de la langue allemande moderne. La Bible de Luther a également des effets durables sur la religion. Les divergences dans la traduction de certains mots et passages clés alimentent la division de l’Occident chrétien entre catholiques et protestants.
Luther est le premier érudit européen à affirmer que l’on ne traduit de manière satisfaisante que vers sa langue maternelle, une idée audacieuse qui deviendra la norme deux siècles plus tard.
Deux autres traductions marquantes sont d’une part la Bible de Jakub Wujek (Biblia Jakuba Wujka), une Bible en polonais imprimée en 1535, et d’autre part la Bible du roi Jacques (King James Bible), une nouvelle Bible en anglais imprimée en 1604-1611. La publication de ces deux Bibles a des répercussions durables sur les langues et cultures polonaise et anglaise.
Suivent des traductions de la Bible en néerlandais, en français, en espagnol, en tchèque et en slovène. L’édition néerlandaise est publiée en 1526 par Jacob van Liesvelt. L’édition française est publiée en 1528 par Jacques Lefèvre d’Étaples (connu aussi sous le nom de Jacobus Faber Stapulensis). L’édition espagnole est publiée en 1569 par Casiodoro de Reina. L’édition tchèque est publiée entre 1579 et 1593. L’édition slovène est publiée en 1584 par Jurij Dalmatn.
Toutes ces traductions jouent un rôle majeur dans l’usage des langues vernaculaires de l’Europe chrétienne et contribuent au développement des langues européennes modernes.
Miguel de Cervantès, romancier espagnol connu dans toute l’Europe pour son roman Don Quichotte (1605-1615), exprime lui aussi son point de vue sur le processus de traduction.
Selon Cervantès, les traductions de son époque — à l’exception des traductions du grec vers le latin — donnent au lecteur l’impression de regarder une tapisserie flamande sur l’envers. On discerne les figures, mais elles sont pleines de fils lâches qui en obscurcissent les contours et elles n’ont pas la clarté des mêmes figures à l’endroit de la tapisserie. Les critiques de Cervantès n’empêcheront pas de très nombreuses traductions de son roman Don Quichotte au fil des siècles.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, le poète et traducteur anglais John Dryden tente de faire parler le poète latin Virgile « avec les mots qu’il aurait probablement employés s’il avait vécu la vie d’un Anglais ». John Dryden fait également observer que « la traduction est une sorte de dessin d’après nature », comparant ainsi le traducteur à un artiste, tout comme Cicéron plusieurs siècles auparavant.
Alexander Pope, autre poète et traducteur anglais, se voit reprocher d’avoir ordonné à l’excès le « paradis sauvage » d’Homère dans ses traductions de l’Iliade et l’Odyssée. Ses traductions sont basées sur celles d’Anne Dacier, philologue et traductrice, qui a déjà fait connaître Homère à la société française. Mais ces critiques n’empêchent nullement des records de vente pour les traductions d’Alexander Pope, qui font connaître Homère à la société anglaise.
Durant ce siècle, fidélité et transparence sont enfin définies comme le double idéal à atteindre en traduction, selon Wikipédia. La fidélité est le degré de précision avec lequel une traduction rend compte du sens du texte source, sans le déformer, en tenant compte du texte lui-même (sujet, type et usage), de ses qualités littéraires et de son contexte social ou historique. La transparence est le fait que la traduction finale devient un texte autonome qui aurait pu être rédigé à l’origine dans la langue du lecteur, et qui se conforme à la grammaire, à la syntaxe et au style de cette langue. Une traduction transparente est souvent qualifiée d’idiomatique.
Selon Johann Gottfried Herder, critique littéraire et théoricien du langage allemand, un traducteur devrait traduire vers sa propre langue — et non depuis celle-ci — comme l’affirmait déjà deux siècles plus tôt Martin Luther, traducteur de la Bible en allemand et premier érudit à émettre un tel conseil. Dans son Traité sur l’origine du langage daté de 1722, Herder pose aussi les bases de la philologie comparée.
D’après Wikipédia, « tout au long du XVIIIe siècle, les traducteurs s’attachent avant tout au confort de lecture. Tout passage qui leur échappe ou leur semble susceptible d’ennuyer le lecteur est systématiquement omis. (…) Même dans le cas d’œuvres érudites, exception faite de la Bible, ils n’hésitent pas à traduire depuis des langues qu’ils connaissaient à peine. »
À l’époque, les dictionnaires ne sont pas considérés comme des outils utiles pour les traducteurs. Dans son Essai sur les principes de la traduction daté de 1791, l’historien écossais Alexander Fraser Tytler souligne qu’une pratique assidue de la lecture est plus utile que l’usage de dictionnaires. Le poète et grammairien polonais Onufry Andrzej Kopczyński exprime le même point de vue quelques années plus tôt, en 1783, tout en soulignant l’importance pour le traducteur d’être exposé à la langue étrangère parlée.
L’encyclopédiste polonais Ignacy Krasicki est aussi romancier, poète, fabuliste et traducteur. Dans son essai posthume Sur la traduction des livres publié en 1803, il précise le rôle majeur du traducteur dans la société. Ignacy Krasicki écrit que « la traduction est en fait un art à la fois respectable et très difficile, et n’est donc pas à la portée des esprits ordinaires ; elle devrait être l’apanage de ceux qui considèrent plus utile de traduire les œuvres des autres que de créer leurs propres œuvres, et qui mettent en avant le service rendu à leur pays plutôt que leur propre gloire. »
D’abord anonymes, les traductrices utilisent ensuite un pseudonyme masculin puis commencent à signer leurs traductions de leur vrai nom. Nombre d’entre elles ne se contentent pas de traduire des œuvres littéraires ou scientifiques. Durant ce siècle et les siècles suivants, elles militeront aussi pour l’égalité des sexes, l’éducation des femmes, l’abolition de l’esclavage, le droit de vote des femmes et les droits sociaux des femmes.
De nouvelles normes apparaissent en matière de fidélité et de style. Les traducteurs sont enfin sommés d’être fidèles au texte original et de respecter son style.
Une exception est la traduction et l’adaptation de poèmes persans par Edward Fitzgerald, écrivain et poète anglais. Publié en 1859, son livre Les Rubaiyat d’Omar Khayyām regroupe une sélection de poèmes d’Omar Khayyām, poète, mathématicien et astronome du XIe siècle. Ce livre devient vite un best-seller. "La traduction libre de Fitzgerald du persan vers l'anglais reste aujourd’hui la plus célèbre traduction des poèmes d’Omar Khayyām, malgré des traductions ultérieures plus fidèles. Cette traduction libre est ensuite traduite dans d’autres langues à partir de la version anglaise, chose courante à l’époque.
La théorie de la traduction « non transparente » est développée par le théologien et philosophe allemand Friedrich Schleiermacher, figure majeure du romantisme allemand. Lors de sa fameuse conférence Des différentes méthodes du traduire en 1813, Schleiermacher distingue les méthodes de traduction qui amènent l’auteur au lecteur, à savoir la transparence, de celles qui amènent le lecteur vers l’auteur, à savoir une grande fidélité au texte source. Schleiermacher privilégie la seconde approche.
La distinction qu’il fait entre « domestication » (amener l’auteur au lecteur) et « étrangéisation » (amener le lecteur vers l’auteur) inspirera d’éminents théoriciens au siècle suivant, par exemple Antoine Berman et Lawrence Venuti.
Yan Fu, érudit et traducteur chinois, développe en 1898 sa théorie de la traduction à trois facettes. La première facette est la fidélité, à savoir une traduction fidèle à l’original en esprit. La deuxième facette est l’expressivité, à savoir une traduction accessible au lecteur. La troisième facette est l’élégance, à savoir une traduction rédigée dans une langue « éduquée ».
La théorie développée par Yan Fu est basée sur son expérience de la traduction d’ouvrages de sciences sociales de l’anglais vers le chinois. De ces trois facettes, la seconde facette lui paraît la plus importante. Si le sens du texte traduit n’est pas accessible au lecteur, il n’y a aucune différence entre avoir traduit le texte et ne pas l’avoir traduit du tout.
Selon Yan Fu, afin de faciliter la compréhension, l’ordre des mots peut être changé, des exemples chinois peuvent remplacer les exemples anglais, et les noms propres chinois peuvent être modifiés pour être plus compréhensibles. Sa théorie aura un grand impact dans le monde entier, mais sera parfois étendue à tort à la traduction d’œuvres littéraires.
Certains traducteurs et traductrices produisent délibérément des traductions
littérales, surtout pour les œuvres historiques, académiques et scientifiques. Ils choisissent de suivre le texte source au plus près, repoussant parfois les limites de la langue cible pour aboutir à une traduction non idiomatique.
Mais les traducteurs et traductrices de fiction ont une optique très différente. Aniela Zagórska, traductrice polonaise, traduit entre 1923 et 1939 presque toute l’œuvre de son oncle Joseph Conrad, romancier polono-britannique d’expression anglaise.
Selon Conrad, la traduction, au même titre que les autres arts, implique des choix, et ces choix impliquent une interprétation. Conrad donne donc ce conseil à sa nièce : « Il vaut mieux interpréter que traduire. Il s’agit donc de trouver les équivalents. Et là, ma chère, je vous prie, laissez-vous guider plutôt par votre tempérament que par une conscience sévère » (cité dans la biographie de Joseph Conrad par Zdzisław Najder).
Dans les années 1960, Jorge Luis Borges, romancier, essayiste et poète argentin, est un traducteur prolifique d’œuvres littéraires de l’anglais, du français et de l’allemand vers l’espagnol. Il traduit notamment — en les transformant légèrement — les œuvres de William Faulkner, André Gide, Hermann Hesse, Franz Kafka, Rudyard Kipling, Edgar Allan Poe, Walt Whitman et Virginia Woolf.
Borges écrit abondamment sur l’art de la traduction et donne de nombreuses conférences sur le sujet, « soutenant qu’une traduction peut améliorer l’original et peut même lui être infidèle, et que des interprétations alternatives et potentiellement contradictoires de la même œuvre sont tout aussi valables » (Wikipédia).
Les années 1970 voient la naissance d’une nouvelle discipline sous le nom de traductologie (Translation Studies). Le terme original anglais est dû au poète James S. Holmes, qui utilise ce terme pour la première fois dans son article The Name and Nature of Translation Studies (Le nom et la nature de la traductologie) paru en 1972.
James S. Holmes est non seulement un poète, mais aussi un traducteur réputé de poètes contemporains hollandais et belges. Il enseigne l’art de la traduction à l’Institut des interprètes et traducteurs créé en 1964 par l’Université d’Amsterdam.
Réunis sous la même ombrelle pendant des siècles, l’interprétariat (pour la langue parlée) et la traduction (pour la langue écrite) deviennent des disciplines différentes, quoique complémentaires. L’internet (inventé en 1974) et le web (inventé en 1990) apporteront des changements drastiques dans ces professions.
Au passé comme au présent, le rôle du traducteur est essentiel, et il importe de ne pas oublier le nom des traducteurs et traductrices à côté du nom des auteurs et autrices. Cet oubli est de plus en plus commun sur le web alors que la profession est déjà très éprouvée par l’invisibilité et la précarité.
Sans ces traducteurs et traductrices et leur rôle de passerelle entre les langues et les cultures depuis plus de deux millénaires, des pans entiers du savoir ancien auraient disparu et des pans entiers du savoir moderne ne seraient disponibles que pour une minorité — celle qui peut lire l’œuvre dans sa version originale.
Une manière pour nous de reconnaître l’importance de leur travail est d’offrir un dictionnaire en ligne des traducteurs et traductrices du passé, avec une première version (auto-financée) en trois langues dans les Community Texts de l’Internet Archive.
Sans surprise, nous recherchons un financement dans le monde francophone, anglophone ou hispanophone pour développer ce dictionnaire (site dédié, autres traducteurs et traductrices, illustrations, liens vers les œuvres traduites, etc.).
crédit photo : Joseph Conrad et sa traductrice, Aniela Zagórska ; CBN Polona, CC BY SA 4.0
13 Commentaires
Arthur Magnus
06/04/2022 à 12:56
Bonjour ActuaLitté, si je n'ai rien à redire à l'article, votre chapô me laisse perplexe "Cet essai rédigé par Marie Lebert et traduit par Anna Alvarez"...
Il n'y aurait pas une pouille dans le cottage ? Marie Lebert est déjà l'auteure de plusieurs articles sur ActuaLitté sans qu'il n'ait jamais été fait mention qu'elle les rédigeait dans une langue dite étrangère...
Marie Lebert
06/04/2022 à 16:21
Bonjour de Melbourne en Australie. Je suis bilingue francais-anglais (mon chromebook actuel ne me permet pas d'ajouter la cédille adéquate) et j'essaie de publier tous mes articles et livres numériques en trois langues, grâce à Anna pour l'espagnol. Anna m'aide aussi dans les autres langues à l'occasion parce que la tâche est titanesque. Voici notre nouveau projet en trois langues: https://archive.org/details/histoire-traduction
Claude Rayon
08/04/2022 à 08:33
C'est un article passionnant. La problématique de la traduction est trop souvent passée sous silence, sauf quand on s'y trouve confronté directement, comme je peux l'être quand il s'agit d'avoir un recours aux sources pour vérifier des faits, comme la lectures d'actes médiévaux en latin.
On connait les grands traducteurs mais l'oubli dans lequel sont plongés les indispensables "petites mains" ou "tâcherons", (ce n'est pas péjoratif dans ma pensée) de cette époque qui travaille avec Internet doit être levé.
Les traducteurs sont des passeurs, des transmetteurs de culture, celles et ceux qui établissent des connections par delà le temps et l'espace.
Il faut les mettre en avant, les sortir de l'ombre et faciliter leur tâche.
Catherine
08/04/2022 à 10:52
magnifique ta recherche ! j'en suis touchée d'autant plus que mes études était pour devenir traductrice puis interprète.
j'ai reculé devant la traduction métier d'ermite, devant l'interprétariat métier d"entonnoir" pour finir libraire ce qui me confronte sans arrêt à la qualité des traducteurs que j'admire et que je trouve peu mis en valeur. Je te remercie de ton article pour eux.
Rose Marie
08/04/2022 à 11:14
Ce que m'inspire ton article, c'est la volonté farouche, éternelle des hommes et des femmes de cette terre de se comprendre. De tout temps, il y a eu des gens bienveillants, qui ont mis les gens différents par leur langage, leur couleur ou leur pays en communication. Et de tout temps, hélas, on en est encore témoins actuellement avec cette guerre d'Ukraine, il y a des gens qui luttent contre ce besoin de se comprendre, qui maintiennent la vérité sous verrou, qui ne veulent que se faire voir comme importants... la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Mais, dans la fable, la grenouille en crève tandis que là, hélas, ce sont des populations entières qui sont massacrées. Je ne sais pas très bien m'expliquer, je crois, mais ton article tombe à point nommé pour défendre les idées positives, la fraternité et le besoin de se connaître et de se comprendre. Bonne continuation dans ton périple et dans ton travail.
Annick
09/04/2022 à 09:02
Cet article est très interressant et riche de précisions et démontre bien l importance et le role des traducteurs , de leurs traductions et interprétations . C est vrai que le grand public n en a pas toujours conscience.
Je pense qu' il est en effet utile et nécessaire de créer un dictionnaire qui les répertorie pour redonner une visibilité et une reconnaissance légitime aux traducteurs .
Jean-Paul
12/04/2022 à 01:23
Une belle gageure que cette page condensant la douzaine de chapitres que tu as consacrée à l'histoire millénaire de la traduction, où j’ai découvert les enjeux des diverses écoles
qui ont traversé cette histoire.
Il est vrai que le traducteur est trop souvent laissé dans l’ombre. Mais je me souviens qu’enfant, j’avais été tellement ébloui par mon Livre de la jungle, que j’avais appris par cœur le nom de d’Humières et Fabulet et qu’à l’école j’avais choisi anglais.
Ils sont toujours présents pour moi. Ce sont des passeurs d’humanité.
Sophie Amaury
20/04/2022 à 09:27
Bonjour, je découvre avec un grand intérêt cette rétrospectivie de la traduction, un métier de l'ombre. Et j'avoue qu'en tant que bibliothécaire, grâce à Marie, je fais plus attention à la traduction de romans par exemple car c'est fondamental et cela suppose beaucoup de talent, trop souvent ignoré ou minimisé.
Patalf_le_gris
04/05/2022 à 23:18
Pas du tout d'accord avec ce qui est dit au premier paragraphe. Les juifs n'ont jamais oublié l'hébreu, toute la liturgie est en hébreu sur l'ensemble de la planète. Initialement la Bible (Peutateuque) était une histoire juive. Les juifs ont une interdiction de tout prosélytisme qui fait qu'ils n'était d'aucune utilité d'envisager de traduire pour les non-juifs. Le christianisme arrive, et comme cette nouvelle religion "s'approprie" le pentateuque, en lui rajoutant les évangiles, il commence soudain à y avoir des traductions vers le grec et le latin. Las, beaucoup étaient fort mauvaises et la logique juive est de tout faire pour que la parole divine reçue par Moïse ne soit pas dénaturée. D'où la traduction "septante", offerte gracieusement uniquement pour limiter les dégâts de traduction. Dans le judaïsme, le pentateuque ne peut s'étudier que dans sa langue source : l'hébreu. Car seul le sens premier est traduisible, or le judaïsme voit quatre autres niveaux de compréhension du texte.
Marie Lebert
18/05/2022 à 11:40
Merci pour cette correction et pour ces précisions. J'ai encore beaucoup à apprendre.
Jason Miller
17/05/2022 à 15:06
Juste une correction : Fitzgerald a traduit du persan.
Marie Lebert
18/05/2022 à 11:42
En effet. C'est maintenant corrigé.
NDETOUO
09/06/2022 à 00:13
Top 👍