BookBanUSA - Fandom née sur Twitter et les réseaux sociaux, le terme furries désigne une communauté, voire une forme de subculture, passionnée d'animaux fantastiques anthropomorphes. Ayant pour objectif de faciliter l'intégration dans la société de personnes minoritaires, souvent de la communauté LGBTQI+, les furries ont pour habitude de se déguiser en renard, loup, lapin, ou tout autre animal à fourrure. Un simple fétiche insolite, à première vue. Et pourtant : après un appel lancé par l'un des leurs, les furries se sont attaqués à la censure de livres par des élus conservateurs, dans le Mississippi.
Le 10/02/2022 à 12:33 par Clémence Leboucher
1 Réactions | 925 Partages
Publié le :
10/02/2022 à 12:33
1
Commentaires
925
Partages
#FurryAndProud : ce hashtag ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il avait été largement suivi, en novembre 2019, alors que la communauté des furries sortait au grand jour et mettait en avant ses revendications pro-LGBTQI+, un certain art de vivre, ses costumes ainsi que l'amour et la solidarité qui règnent entre ses membres.
Une communauté pleine d'amour et de soutien moral, à l'antithèse de l'ambiance qui règne en ce moment aux États-Unis, où les livres sur la diversité, le genre ou l'antiracisme font l'objet d'une censure très vive : autodafés, retrait des bibliothèques, restrictions budgétaires...
A LIRE : Le Banned Book Program, nouvel outil contre la censure aux États-Unis
Plus précisément, à Ridgeland, dans le Mississippi, le maire Gene McGee a décidé de retirer 110.000 $ de financement au Madison Country Library System, le réseau dont fait partie la bibliothèque locale. Il invoque la présence de livres contenant des « éléments homosexuels », dont le retrait constitue la condition sine qua non pour qu'il débloque l'argent. Suite à cette annonce, la bibliothèque a lancé une collecte de fonds, avec un objectif de 2500 $.
La riposte des furries, relatée par le magazine Vice, fait suite à un tweet posté par l'un des membres de cette communauté, Soatok.
Cet ingénieur en sécurité informatique, qui incarne un loup à la fourrure bleue, incite donc, via son profil, sa communauté à participer à la collecte de fonds. Il joint à son message une capture d'écran de son virement de 500 $. La réaction des furries est quasiment immédiate : de 2500 $, la collecte de fonds monte à 9000, puis 44.000 $.
Si le retrait du financement par Gene McGee aurait eu, selon Tonja Johnson, directrice exécutive du Madison Country Library System, « un impact significatif sur les services proposés par la librairie » et pourrait affecter la rémunération des salariés de la bibliothèque, la cagnotte monte ainsi progressivement vers les 110.000 $ retirés. Aujourd'hui, elle atteint 104.700 $, soit 95 % du montant retiré par le maire, avec plus de 2300 donateurs.
La communauté des furries, particulièrement sensible aux questions LGBTQI+, s'est donc sentie largement concernée par cette censure. « Lorsqu'ils entendent que Ridgeland a un maire homophobe, cela touche une corde sensible chez beaucoup de gens, surtout si vous avez été victime de violence homophobe », précise Soatok, pour qui les bibliothèques « ont toujours été un havre de paix ».
McGee aurait ainsi demandé le retrait de The Queer Bible, recueil d'essais signés par des auteurs LGBTQIA+, mais aussi de Grandad's Camper, une histoire pour enfants écrite par un auteur non binaire. Ces livres iraient à l'encontre de ses croyances chrétiennes. Si ce retrait n'est pas officiellement légal, selon son avocat, le maire s'obstine : « C'est une question juridique. Je ne sais pas si j’ai ce droit ou non. Mais pour l'instant, je retiens l’argent. » Pour toute réponse, il a simplement bloqué Soatok sur Twitter, qui s'en est largement amusé avec sa communauté.
Montage humoristique se moquant de la réaction du maire, Gene McGee.
« Contrairement à vous, les flocons de neige (la Génération Y ou Z, jugée plus « fragile », ndlr) , je ne suis pas facilement offensé... »
« Oh non, ces furries font un don à une bibliothèque ? *Bloque les comptes sur les réseaux sociaux* »
Si l'ex-gouverneur du Mississippi et 75e secrétaire de la Marine Ray Mabus a participé à la collecte, ce sont bien les furries qui ont massivement contribué à la sauvegarde des emplois de la bibliothèque. Une véritable réussite pour ces amateurs de fourrure (synthétique), qui se félicitent sur Twitter : « Ça, c’est le Mississippi comme je l’aime. »
Photographie : illustration, Julian Hodgson, CC BY 2.0
Dossier : Aux États-Unis, une inquiétante vague de censure de livres
DOSSIER - Aux États-Unis, une inquiétante vague de censure de livres
Par Clémence Leboucher
Contact : cl@actualitte.com
1 Commentaire
Aleph
10/02/2022 à 15:09
Comme quoi, telle ou telle communauté est parfaitement capable de financer et d'avoir sa propre bibliothèque sans faire du prosélytisme agressif pour rebuter les autres dans sa quête de reconnaissance.