Les livres sont vivants, même lorsqu'ils ne sont pas ouverts par les lecteurs : des micro-organismes se développent au sein des ouvrages imprimés, particulièrement aidés par le temps. Au sein de la bibliothèque de l’Institut national de l'histoire de l'art, on y trouve carrément des colonies, que l'artiste Dove Allouche a mis en scène dans le cadre d'un projet, Substrat.
Le 22/02/2021 à 12:52 par Antoine Oury
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Publié le :
22/02/2021 à 12:52
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Substrat, œuvre créée au titre du 1 % artistique, s’inscrit dans le cadre de la réhabilitation du site Richelieu menée par l’architecte Bruno Gaudin. Pour la réaliser, l'artiste Dove Allouche a cherché des traces de la présence de micro-organismes au sein du corpus Artistes de la bibliothèque de l'INHA.
« Son choix s’est resserré sur les 4 500 catalogues raisonnés en accès libre sur les rayonnages de la salle Labrouste et de son magasin central attenant, car ils constituent précisément un genre fondateur de l’histoire de l’art », rapporte l'institution.
Chaque ouvrage a fait l’objet d’un échantillonnage en suivant rigoureusement le classement alphabétique par noms d’artistes nés avant et après 1870 selon lequel les ouvrages sont répartis sur les rayonnages de la bibliothèque. La méthode utilisée reposait sur l’écouvillonnage (prélèvement à sec à l’aide d’un écouvillon) de quelques microgrammes de poussière située sur le dos des ouvrages à analyser. Cette poussière a été le matériau principal du projet. Présente dans l’environnement immédiat des ouvrages (air, surfaces, êtres humains), elle est l’un des principaux responsables des dommages engendrés sur le patrimoine, car elle véhicule des particules organiques et des micro-organismes dont certains peuvent adhérer aux surfaces et dégrader le substrat grâce aux enzymes spécifiques qu’ils produisent.
Par la suite, les prélèvements réalisés in situ ont été mis en culture selon un protocole simple et efficace : chaque écouvillon a été hydraté dans une solution pour la mise en suspension de l’échantillon puis déposé sur un Pétri film contenant un milieu de culture déshydraté. Après une période d’incubation de six jours à 24° Celsius, les Pétri films révélaient l’état de contamination fongique de l’échantillon sous la forme de taches colorées représentant les colonies de la moisissure.
À ce stade du projet, l’intention de l’artiste était d’établir une correspondance visuelle entre chaque catalogue raisonné et l’espèce vivante qui le colonise.
Les Pétri films ont été numérisés en haute définition puis imprimés. Les impressions ont été reliées en 20 volumes différents, de 225 planches chacun, réunis dans un coffret. La couleur bleu-vert des reliures fait écho à la dominante chromatique des fresques végétales d’Alexandre Desgoffe, présentes dans la salle Labrouste, ainsi qu’au phénomène de sporulation lui-même : l’apparition des premières colonies fongiques prend la forme de taches colorées bleues et vertes.
Finalement, 20 volumes, numérotés de I à XX, ont été produits et déposés en première galerie de la salle Labrouste et consultables dans l’espace Jacques Doucet.
INSOLITE : les livres, les vecteurs de la maladie ?
« Substrat est une œuvre monumentale dans le prolongement de la logique de collection de l’INHA. J’attache une importance et une attention particulière à la place qu’occupera l’œuvre au regard des collections, ainsi qu’à son choix d’emplacement », souligne Dove Allouche.
« La rénovation de la bibliothèque de l’INHA a consisté à révéler la qualité propre de chaque espace en cohérence avec la longue histoire du site. Chaque transformation a été pensée de façon globale en prenant en compte l’emboitement des espaces avec une volonté constante de rester en retrait face au monument. Soucieux de m’inscrire dans ce même mouvement de retrait, j’exclus toutes formes de dispositif ostentatoire qui viendrait s’ajouter au mobilier déjà présent dans la bibliothèque. »
1 Commentaire
Jujube
23/02/2021 à 05:37
Dove Allouche, sacré fameux intrépide super pointilleux et obsessif chercheur de la petite bête en forêts de livres, n'y découvrit pas l'oiseau rare ou l'insecte velu mais des champis en colonies bleues et vertes. Il les blottit tendrement dans le giron des XX volumes de la salle Labrousse -un nom prédestiné.
En fait, les ouvrages du lieu sont plutôt XIX. Car Dove le doux, voulant débroussailler un brin les belles étagères, ne put résister à la tentation de piquer l'un d 'eux: celui des spores hallucinogènes. Qu'on peut consulter d'ailleurs dans sa biblio perso. Gratis.