Des messages secrets parsèmeraient l'oeuvre de l'archange maudit ? La théorie n'a rien de farfelu. Notamment si l'on considère que Poe nourrissait une véritable passion pour le sujet, et que d'autre part, le siècle de l'écrivain n'était pas celui du web, ni-même du téléphone. En ce temps, l'art cryptographique jouait son rôle important dans les correspondances que pouvaient entretenir politiciens, hommes d'affaires et autres amants adultères. Pour les adeptes de l'écrivain américain qui n'auraient pas eu leur compte de spéléologie de l'esprit, ne resterait plus qu'à reprendre la lecture... désormais entre les lignes.
Le 30/04/2013 à 16:25 par Julien Helmlinger
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30/04/2013 à 16:25
Le père du Chevalier Dupin, au travers de ses poèmes, essais comme de ses articles de presse, n'aura pas été avare en mystères. Et la cryptographie, que l'homme a possiblement mise en pratique lors de son service au sein de l'armée confédérée, ou au cours de ses études à West Point, se trouve notamment au coeur de l'intrigue du Scarabée d'or. Une histoire encore utilisée aujourd'hui comme support didactique pour les classes de cryptologie.
En sa qualité de rédacteur en chef du Graham's Magazine, il arrivait à Poe de mettre à profit les chiffres et les lettres afin de jouer avec son lectorat. Résolvant les énigmes soumises par les lecteurs, et leur posant ses propres devinettes en retour. Exemple plutôt ardu, une des colles que le journaliste n'avait pas su démêler, serait restée insolvable jusqu'en l'an 2000, ou elle fut résolue par l'expert canadien en logiciels, Gil Broza.
Le cryptage par clé et la porte du décodage
En 1841, sous le titre Quelques mots sur l'écriture secrète, le reporter sudiste a publié plusieurs articles sur la thématique de la cryptologie. Sa méthode favorite était de procéder avec une « clé » replaçant les 26 lettres de l'alphabet dans un ordre différent.
Une « clé » qui peut également comporter moins de 26 lettres, selon le choix de l'émetteur et du récepteur des échanges, particularité qui rend encore plus complexe la phase de décryptage. Le codage d'un message tient dans le remplacement des lettres véritables par leurs pendantes respectives.
Edgar Poe livrait l'exemple ci-dessous :
a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z
s u a v i t e r i n m o d o f o r t i t e r i n r e
Après cryptage, «Edgar Allan Poe» devient « ivest sooso ofi », et vice versa.
Une clarté apparente pour un secret encore plus opaque
Ainsi, selon le procédé énoncé ci-dessus, les messages cryptés ressembleraient à des suites de lettres, ou de chiffres, incompréhensibles. A première vue sans aucun sens, un peu comme si le café venait à manquer dans les locaux d'ActuaLitté, et que le nez de votre serviteur finissait par piquer un peu trop près du clavier. Un expert néanmoins ne se laisserait pas berner.
Mais il existe des méthodes de cryptages plus subtiles, au travers desquelles il s'agit de glisser le message codé au coeur d'un texte porteur d'un sens apparent. Et avec cette seconde méthode de codage, l'aspect clair et significatif du premier texte servirait finalement de couverture au message caché.
Cette dernière pratique est généralement dénommée sténographie, et son décryptage peut souvent nécessiter une mise au point entre émetteurs et récepteurs de la correspondance. Il peut s'agir d'acrostiches, ou de toute sorte de systèmes de filtrages. Là ou l'affaire se corse alors, c'est dans la phase de rédaction du message qui doit s'accorder avec les contraintes inhérentes au système de codage choisi.
Et Poe maîtrisait parfaitement les principes de la sténographie, comme en atteste un poème qu'il rédigea à destination de la poète Sarah Anna Lewis. En effet, si l'on considère la 1ère lettre de la 1ère ligne, puis la 2e lettre de la 2e ligne, et ainsi de suite, en faisant exception de tous les autres caractères du poème, on se retrouve avec le nom de la muse de l'écrivain.
Un rêve imbriqué dans un autre rêve ?
Au cours de sa carrière journalistique, comme lors des publications de certains essais, Poe a du faire face à l'incompréhension du public et des critiques. Partant de cet autre constat, il n'y a qu'un pas pour penser que l'écrivain ait pu crypter certaines de ses pensées secrètes, afin de les glisser au coeur d'ouvrages publiés au grand jour.
C'est pourquoi certains observateurs sont intrigués par les phrases d'introduction de certaines histoires extraordinaires de l'écrivain du 19e siècle. Comportent-elles 26 lettres ? Moins que cela ? Pourrait-il s'agir de clés de décryptage ? La voie est ouverte à toutes les tergiversations et enquêtes plus approfondies.
Si on considère aujourd'hui le poète maudit comme aussi talentueux qu'incompris, son oeuvre pourrait receler encore bien des trésors dissimulés, et qui un jour peut-être, permettront de mieux comprendre le personnage et sa pensée.
Mais il faudra sans doute à ces explorateurs du verbe bien de l'imagination. Car comme le disait Poe lui-même : « Ceux qui rêvent éveillés ont conscience de mille choses qui échappent à ceux qui ne rêvent qu'endormis. »
Par Julien Helmlinger
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