Excusif : Depuis l'entrée en fonction du gouvernement Ayrault, plusieurs ministères assurent qu'ils déchantent en découvrant l'héritage laissé par François Fillon et ses ministres. L'Éducation nationale compte parmi les très mauvaises surprises, notamment pour ce qui est des subventions accordées aux associations dans le cadre de leurs missions. Or, le ministère va mettre en place une mesure inédite, en créant un fond de solidarité exceptionnel. Du jamais vu, pour tenter de « faire au mieux ».
Le 10/11/2012 à 10:16 par Clément Solym
Publié le :
10/11/2012 à 10:16
Vincent Peillon, ministre de L'Education nationale
Parti socialiste, (CC BY-NC-ND 2.0)
L'une des associations frappées qui a fait beaucoup parler d'elle, c'est le Printemps des poètes : 60.000 € manquent à l'appel dans le cadre de la subvention qui lui est allouée. Benoît Pichard, chef de cabinet de Vincent Peillon, interrogé par ActuaLitté, explique combien la situation actuelle, pour les subventions, est désastreuse. « Quand nous sommes arrivés, l'ensemble des crédits était consommé, totalement épuisé, et l'arbitrage avait été expédié entre le 30 avril et le 4 mai. Des centaines d'associations, aidées par le ministère de l'Éducation nationale, étaient laissées sur le carreau par ce que l'ancien cabinet avait pu réaliser. »
'Nous n'avions plus aucun crédit'
Dans le cadre du Printemps, ce sont 160.000 € que le ministère devait apporter. Cependant, avec des caisses vides, difficile de faire quoi que ce soit. Benoît Pichard avait d'ailleurs répondu en ce sens aux organisateurs, dans un courrier du 17 octobre :
Dans ce contexte, et malgré les contraintes fortes qui pèsent sur le budget de l'État, le ministère de l'Éducation nationale a mobilisé dans l'urgence des moyens exceptionnels pour permettre aux associations les plus en difficulté de poursuivre malgré tout leurs activités. Grâce à cette enveloppe, nous avons pu aider le "Printemps des Poètes", et faire passer la subvention annuelle 2012 des 0 euro prévus par Luc CHATEL à 100 000 euros. (voir notre actualitté)
« Nous n'avions plus aucun crédit, le ministère avait réduit à rien ce que l'association devait percevoir, et en grattant littéralement les fonds de tiroir, nous sommes parvenus à trouver 100.000 €. C'est l'une des plus importantes subventions accordées, il faut le souligner. Mais je précise qu'il nous est également impossible de donner d'autres subventions aussi importantes à d'autres organisations. Le Printemps des poètes n'a pas été favorisé, mais nous ne l'avons pas non plus abandonné, contrairement à ce qu'avait décidé le cabinet de Luc Chatel. Aujourd'hui, il nous est simplement impossible de donner un argent que nous n'avons pas. »
Coupe budgétaire regrettable et dangereuse
À ce jour, les organisateurs du Printemps mobilisent tout le réseau possible et imaginable pour attirer l'attention du public, clamant que ce manque est catastrophique pour la tenue de la manifestation et son déroulement annuel. Récemment, c'est une pétition, doublée d'une tribune qui en faisait état. « Nous ne pouvons pas imaginer que, malgré les restrictions budgétaires, on ne trouve pas dans le budget de l'état 60.000 € pour sauver une association dont le travail incarne les priorités du gouvernement, à travers le plan d'éducation artistique et culturelle. » Et de proposer deux axes au ministère pour que continue le Printemps des Poètes :
Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps, renchérissait : « Nous continuons donc à demander une réponse au ministre , et un engagement écrit à résoudre les difficultés financières du Printemps des Poètes, dont nous rappelons qu'elles ne sont pas un fantasme, mais une réalité objective. » Dernièrement, c'est un nouveau courrier qu'avait reçu le ministère, pour demander des engagements fermes. Mais rue de Grenelle, si l'on entend bien les revendications, et que l'on n'y est clairement pas insensible, on reste sans réponse.
« Le Printemps mobilise tous les acteurs possibles, nous demande des engagements pour 2013, mais il nous est pour le moment impossible d'en donner, puisque les crédits alloués à la subvention pour cette année ne sont pas encore accordés. Et nous n'oublions pas, surtout, qu'il existe tout un faisceau d'associations qui sont dans le même cas de figure, qui ne dispose ni des mêmes ressources humaines, ni des réseaux d'influence du Printemps, et qui pourtant sont privées pareillement de leur subvention. Crier plus fort que les autres ne changent malheureusement rien : je veux bien céder et accorder des subventions, mais où prendre les crédits ? »
Les enveloppes 2013 dans un sacré brouillard
Benoît Pichard assure n'avoir d'ailleurs aucune visibilité sur les crédits qui seront alloués pour l'an prochain. « Le montant de l'enveloppe globale, qui sert aux fonds sociaux et autres, n'est pas encore défini : comment pourrais-je m'engager sur 2013 dans ces conditions ? Mais un autre problème se pose : de quel droit prendrais-je des engagements avec le Printemps, alors que d'autres associations, qui ne seraient pas en mesure de solliciter l'attention du ministère, ne pourraient pas le solliciter autant ? »
On nous promet qu'il n'y a aucune mauvaise volonté, que « le ministère veut bien aider », mais « au détriment de qui ? » Aider spécifiquement le Printemps reviendrait à « prendre une décision qui lèserait plus encore les autres organisations ». Une décision au détriment des acteurs associatifs, « dont je ne peux pas prendre la responsabilité. Mais nous travaillons sur des moyens concrets pour en aider le maximum, autant que possible ». Et de nous expliquer que jusqu'à lors, les associations travaillaient à l'aveugle, demandant une subvention pour laquelle la réponse ministérielle n'arrivait qu'à l'automne. « Désormais, nous souhaitons mettre en place un agenda qui permette des délibérations pour le premier trimestre, afin que tout le monde sache sur quelle somme il est possible de compter. »
Appel global à la solidarité
L'autre point, majeur, concerne les grands partenaires de l'Éducation nationale, qui ont des conventions en fonction d'objectifs pluriannuels, et disposent de subventions avec de gros montants. « À ce jour, 200 associations n'ont pas eu la chance de bénéficier de leur subvention. Pour leur venir en aide, nous avons demandé à ces partenaires de diminuer le montant de leur subvention, pour 2012, afin de créer un fonds de solidarité, qui assurera à ceux qui n'ont pas reçu d'argent de recevoir une partie de cette cagnotte. Toutes les organisations, ont accepté, sans exception et sont prêtes, par solidarité, pour faire face à la crise, à abonder en ce sens. »
Un montant qui représentera jusqu'à 20 % des sommes allouées, le tout reposant sur la base du volontariat, « et par solidarité, j'insiste. Le ministère était dans un embarras terrible pour aider tout le monde, nous avons fait tout notre possible, mais cela ne pouvait pas se faire au détriment de qui que ce soit ».
Les associations qui ont donné leur accord sur ce principe de fonds de solidarité exceptionnel sont :
Toutes sont des associations éducatives populaires, et grâce un à elles, un fonds de solidarité sera donc constitué, pour subventionner entre 50 et 100 associations, pour un montant total qui avoisinerait un million d'euros. « Nous devrions parvenir à cette somme. Les acteurs sont mobilisés pour alimenter ce fonds, pour tous ceux qui attendent aujourd'hui un message du ministère. Nous nous voulons pas monter les associations les unes contre les autres. »
Alors, concernant le Printemps des Poètes, l'heure est probablement venue d'accepter de relativiser. « J'entends bien que cette coupe budgétaire met en difficulté l'association. Mais la totalité de son budget avoisine les 530.000 €. Les 60.000 € manquants représentent donc un peu plus de 10 % du budget total. »
Une manière polie d'expliquer que la manifestation devra faire ce que l'on peut avec ce que l'on a déjà reçu, sans trop s'attendre à en recevoir plus. « Certaines associations fonctionnent avec des aides de 40 à 80.000 €, et permettent de financer des emplois, de mettre des personnes au travail. Si nous sommes dans l'incapacité de leur donner le moindre euro, elles seront contraintes à des licenciements économiques. Nous devons préférer une solidarité globale, collective, et tenter de colmater les brèches les plus importantes, sans léser aucune des associations que le Ministère soutient. »
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
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