Nous avions opéré un petit bond dans le temps, en découvrant un compte rendu de réunion du groupe Sciences économiques et sociales. En mai 2010, ce dernier indiquait que le principe de l'opt-out était définitivement entériné, et que ce dernier constituerait la clef de voute du processus ReLIRE. Charge à l'auteur de se rendre compte que l'un de ses ouvrages figure dans la base du registre, et d'en demander, s'il a bien tout compris des enjeux, le retrait ou non.
Le 24/06/2013 à 11:16 par Nicolas Gary
Publié le :
24/06/2013 à 11:16
En revenant un tout petit peu dans le temps, on découvre, dans une réunion du 15 avril 2010, toujours portée par le groupe Sciences économiques et sociales, que la question des oeuvres épuisées compte parmi les sujets à l'ordre du jour. C'est le ministère de la Culture qui aurait «ouvert le débat sur les œuvres épuisées afin de développer une offre légale de livres numériques dans le cadre du Grand Emprunt et ainsi de proposer une alternative à Google ». Le projet présenté était, selon une première proposition, de
mettre en place une gestion collective obligatoire des œuvres non commercialement disponibles (sur tout format et toute édition, sur la base des informations qui seront fournies par le FEL) et publiées avant 1995, à en permettre leur numérisation et leur mise à disposition par des bibliothèques agréées, grâce au Grand Emprunt en vue d'une consultation sur place
On y évoque également l'opt-out, présenté comme un droit de sortie ou de retrait, avec une impérieuse nécessité :
Les participants insistent pour que ce droit de retrait puisse à la fois être actionné en amont, avant la mise en place du système et en contrepartie d'un engagement à prochainement republier, et en aval, en cas de republication.
Or, peu après la séance du 23 février, réunissant le groupe universitaire, le groupe Numérique avait également présenté à ses membres. Madame Isabelle Ramond-Bailly évoque ainsi, devant le groupe, tout d'abord l'avis du CSPLA, alors favorable à une « gestion collective obligatoire des œuvres orphelines, puis l'évolution du contexte avec la mise en ligne par Google d'œuvres épuisées ». Puis, elle cite la proposition faite par la DGMIC :
de numérisation massive de livres épuisés (non disponibles sous aucun format). L'idée du MCC est de constituer une offre concurrente à Google en permettant la numérisation, sur les fonds du grand emprunt, d'œuvres épuisées en instituant une gestion collective obligatoire (présomption de cession des droits numériques à une société de gestion si l'œuvre est épuisée sur tout support et sous toutes formes).
Une mesure à laquelle les auteurs auraient répondu « plutôt favorablement », assure-t-elle, «dans la mesure où elle permettrait de redonner vie à des livres épuisés». Nul doute qu'à ce moment, les conditions de la numérisation étaient encore loin d'être fixées, bien que le principe de l'opt-out ait déjà été approuvé. En outre, un groupe de travail devait alors voir le jour « pour travailler sur ce que pourrait être le périmètre de cette GCO (œuvres concernées, usages limités dans les bibliothèques, mécanisme révocable, etc.)».
"Les participants insistent pour que ce droit de retrait puisse à la fois être actionné en amont, avant la mise en place du système et en contrepartie d'un engagement à prochainement republier,
et en aval, en cas de republication."
Pourtant, à l'occasion d'une nouvelle réunion de ce même groupe numérique, le 4 mai 2010, c'est cette fois Christine de Mazières qui prend la parole pour évoquer la question des épuisées.
Les différents rapports évoquant le livre dans l'univers numérique (Zelnik, Tessier, Albanel) ont pris position pour un financement des œuvres dites de la zone grisevia le grand emprunt (500 000 à 1 million d'ouvrages seraient concernés). Les services du ministère de la Culture ont produit des avant-projets de dispositifs sur lesquels ils attendent nos réactions. Une série de réunions est en cours de programmation avec la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), sachant que le Conseil du Livre du 22 mars a souligné l'objectif d'aboutir à une solution d'ici l'été.
Par zone grise, il faut comprendre :
les œuvres orphelines (pour lesquelles aucun ayant droit n'a pu être retrouvé malgré des recherches diligentes avérées et sérieuses, dont la première étape sera l'utilisation d'ARROW) et les œuvres épuisées (c'est-à-dire les œuvres non exploitées commercialement quel que soit le support – papier, numérique, audio – et la forme – grand format, poche, impression à la demande – au sens du Fichier Exhaustif du Livre, soit en arrêt définitif de commercialisation)
En outre, le 3 mai, une réunion des membres du bureau du SNE et des experts des commissions juridiques et numériques, ont présenté un accord portant sur les trois points suivants :
N'oublions pas, dans le rapport Albanel, cette zone grise portant l'accent sur les oeuvres épuisées :
C'est essentiel parce qu'on ne peut prétendre à l'exhaustivité de l'offre, qui est en elle-même très attractive, si on fait l'impasse sur une grande partie des œuvres du 20ème siècle.
Le dépôt légal donne déjà à la puissance publique, on le sait, le droit de les numériser. Mais numériser et offrir à la lecture ne sont pas la même chose, et il serait légitime que cet accès à la consultation soit créateur de valeur pour les ayants droit.
le rapport Albanel mettait en avant la nécessité d'une offre de livres numérisés qui « donnera au livre numérique toute sa place ».
Mais si le rapport apportait quelques pistes pour les oeuvres orphelines, pour les ouvrages épuisés « tout le processus reste à construire. En l'espèce les éditeurs français sont dans des situations très différentes vis-à-vis de leurs fonds ».
Notons également ce passage :
Il pourrait le faire aussi pour les œuvres orphelines et les œuvres épuisées, du moins pour les fonds que les éditeurs auraient fait le choix de ne pas exploiter eux-mêmes. La vente en ligne serait effectuée à un prix fixe et forfaitaire, qui ne saurait dépasser quelques euros. Les ressources issues de cette exploitation seraient partagées entre le GIE et la société de gestion des droits, précédemment évoquée, et assurant par ailleurs la gestion des droits liés aux œuvres orphelines.
Toutefois, parce qu'il importe que cette démarche soit fondée sur les principes de subsidiarité et de rétroactivité, les éditeurs seraient naturellement tenus informés de la nature et du volume des transactions. Si un livre faisait l'objet d'une réelle demande, et l'on sait que les circonstances ramènent parfois certains auteurs en pleine lumière, redonnant vie à leurs œuvres, l'éditeur pourrait, à tout moment, racheter pour exploitation le fichier numérique concerné dans des conditions à fixer.
À l'époque, le rapport mettait en avant la nécessité d'une offre qui « donnera au livre numérique toute sa place ».
Celui de Zelnik n'évoquait pas le cas des oeuvres épuisées, alors que celui Tessier, sur la numérisation du patrimoine, en janvier 2010, pose clairement les questions.
Il serait même souhaitable à cet égard que l'on puisse tirer profit de la concentration physique, dans les locaux de la BnF, d'ouvrages réunis au titre du dépôt légal, pour engager un processus de numérisation de masse, non seulement pour le patrimoine hors droits, mais aussi pour les livres épuisés ou orphelins ; sous réserve, bien entendu, de la signature préalable d'une convention-cadre entre les éditeurs, les ayant-droits et les pouvoirs publics sur les conditions de cette numérisation et, bien sûr, l'exploitation ultérieure.
Au fil du temps et de ces articles, on a pu voir que dans la préparation de la future loi sur l'exploitation numérique des oeuvres indisponibles, l'un des enjeux majeurs fut de contrer la numérisation opérée par Google Books, qui faisait peur. Mais c'était également un outil nécessaire pour préserver la France de la directive européenne, qui était encore à l'étude en février 2012, alors même que la loi fut adoptée le 1er mars 2012.
Plutôt que d'attendre l'adoption définitive de la directive, l'État, le SNE, la SGDL et la BnF ont opté pour un accord, signé en février 2011, avec la présence du Commissariat général à l'investissement du gouvernement.
Depuis septembre 2010, le projet avait été retenu dans le cadre du grand emprunt, où 750 millions € avaient été attribués à « la numérisation et la valorisation des contenus culturels ». À la date de cette signature, on estimait que pour la numérisation de 500.000 titres, le coût était de 50 millions €. Cependant, une étude de faisabilité devait être mise en place, assurait le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, afin de « préciser les modèles économiques et financiers ».
Une étude dont on attend toujours qu'elle soit présentée au public... Celle-ci devait être mise en place dans le courant du 1er trimestre de l'année 2011 - avec un coût total qui ne dépasserait pas 150 K€ « financée à 60 % par le SNE et à 40 % par l'État via le FSN » (ou Fonds national pour la société numérique).
Selon l'accord-cadre, le projet de numérisation devait toutefois assurer que le « droit moral des auteurs, dans tous ses composants, ne sera en rien affecté par la mesure ». Toutefois, il est clairement noté que le texte législatif « apporterait une dérogation à certaines dispositions du code de la propriété intellectuelle portant sur les droits patrimoniaux, applicables à un champ strictement circonscrit et pour une période transitoire vouée à s'éteindre avec l'entrée de ces livres dans le domaine public ».
Et là encore, on sait ce qu'il en est.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Commenter cet article