Il aurait pu citer Flaubert : « Et ce fut comme une apparition. » Il aura préféré évoquer Fondation d’Asimov, et le personnage d’Hari Seldon. Jean-Luc Mélenchon aime manifestement les références à la science-fiction, et cela ne peut que plaire que d’entendre parler de littérature. Mais tout de même, cette idée d'hologramme...
Le 21/04/2017 à 13:14 par Nicolas Gary
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21/04/2017 à 13:14
Son grand outil, au cours de la campagne présidentielle, fut incontestablement l’hologramme. Et lors de son meeting à Toulouse, JLM avait fait sensation : il valorisait l’importance des créateurs dans la société, assurant que toute nation était inspirée par eux. Pour preuve : « Et c’est comme ça qu’ayant lu Isaac Asimov, la série Fondation, Fondation et empire que j’ai eu l’idée de l’hologramme puisque c’est comme ça qu’apparaît Hari Seldon, le principal personnage de ce roman. »
Isaac Asimov à l’origine de l’hologramme qui a permis à Mélenchon de pouvoir être à plusieurs endroits simultanément, et de la sorte, il pouvait soulever les foules d’une ville à l’autre. Une ubiquité qui facilite la vie, mais qu’en est-il véritablement ?
Nous avons sollicité un grand lecteur, connaisseur reconnu de Fondation et d’Asimov. Sans aucun parti pris, nous avons décidé d’analyser le processus et l’idée : « A mon sens, ce que recherche JLM c’est le côté High Tech – d’autant qu’il y a beaucoup de jeunes qui vont voter pour lui. »
Difficile en effet de croire que JLM se place donc dans la continuité d’une manière ou d’une autre, d’Hari Seldon. En réalité, il y aurait une véritable opposition entre le personnage littéraire d’Asimov et le candidat de la France insoumise. En cinq points qu'établit notre interlocuteur, voici ce que l’on pourrait noter :
Lors de ses apparitions dans la caverne, Hari Seldon est décédé depuis longtemps (aspect temporel). Au contraire JLM est plutôt bien vivant (aspect spatial du dédoublement).
Hari Seldon a été le Premier ministre de l’empereur galactique après Eto Demerzel. En face, on positionnerait plutôt JLM comme un républicain.
Hari Seldon est un mathématicien, quand JLM un littéraire. Bon, les deux ne sont pas antithétiques, mais cela pose déjà deux approches distinctes.
La psychohistoire est une science déterministe. JLM ne semble pas avoir cette tournure d’esprit. Il faudrait lui demander.
Les peuples galactiques sont soumis à la première fondation (qui est une civilisation de techniciens et de marchands) qui est elle-même manipulée par la seconde fondation qui est elle-même manipulée (spoiler) par les derniers robots. On ne retrouve pas vraiment le style de JLM qui est plutôt pour redonner le pouvoir au peuple.
« Quant à l'hologramme, toujours à mon avis, je pense qu'il ne faut pas aller chercher plus loin que l'évidence : c'est marrant, c'est un gadget mais cela n'a aucun lien intellectuel avec Hari Seldon en soi ou avec Fondation. JLM qui est manifestement quelqu'un de très cultivé s'est peut être souvenu (ou l'un de ses conseillers) de l'idée et la mise en oeuvre. » ActuaLitté aurait volontiers sollicité le candidat ou son entourage pour en savoir plus...
D'ailleurs, le personnage de Hari Seldon ne s'explique à aucun moment par son hologramme. C'est comme une photographie souvenir ou un livre de prophéties passées. Or, comme ses interventions sont destinées au futur, c'est un hologramme préenregistré qui intervient.
« Pour finir, il me semble que l'idée de l'hologramme existe dans d'autres livres. Plus récemment, dans SF contemporaine on trouve l'idée du "construct" c'est à dire une personne virtuelle émulée en temps réel à partir de données historiques », conclut LordTonPère.
Moralité, la dimension salvatrice que peut incarner Hari Seldon dans les livres de Fondation – rappelons qu'il intervient toujours quand la Fondation se trouve à la croisée des chemins, pour lui apporter des pistes – sera appréciée par chacun, à l'aune de ses convictions politiques. Nul doute qu'un candidat, quel qu'il soit, rêverait d'incarner un rôle aussi précieux que celui de Seldon – pas nécessairement sous la forme d'un hologramme en revanche.
“La France a un problème avec l'imaginaire” (Stéphane Marsan, Bragelonne)
Récemment encore, invité par Jean-Jacques Bourdin, Jean-Luc Mélenchon s'est également revendiqué de Ray Bradbury : « Il n’y a pas d’être plus rationnel que moi, qui essaye de l’être. Et en même temps, plus nous organisons notre pensée, plus les failles qui s’y manifestent ouvrent des béances pour des choses plus poétiques », dégaine Jean-Luc.
« Moi je me sens rattaché, comme disait Bradbury, à la plus petite poussière de l’univers, par un lien magique. Mais ce lien magique, je ne peux pas vous le décrire, précisément, parce qu’il est magique. Ayons l’idée que nous sont rattachés aux choses de cette façon, et tout d’un coup, la vie est enchantée. »
Par Nicolas Gary
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