Aussi concentrées que silencieuses, les sculptures installées à Saint-Savinien (Charente-Maritime) surprennent le visiteur. La quiétude de leur visage, autant que la sérénité qui s’en dégage, montre toute l’attention portée à des lectures figées dans la pierre. Et pas n’importe laquelle : celles de Crazannes.
S’étendant sur une vaste étendue de 13 hectares, les anciennes carrières de Crazannes dévoilent un panorama étonnant. Ce site, autrefois exploité pour ses ressources minérales, présente aujourd’hui des falaises abruptes et des gorges sinueuses. Ces formations rocheuses, sculptées par des années d’extraction, sont désormais le refuge d’une végétation foisonnante. On y observe l'harmonie instaurée entre le lierre qui s’accroche aux parois, les fougères scolopendres qui tapissent le sol et les clématites sauvages qui ajoutent une touche de couleur à ce tableau naturel.
Mais ce qui rend ces carrières encore plus fascinantes, c’est leur histoire. Pendant près de 2000 ans, elles ont été le berceau de l’extraction d’une pierre blanche d’une résistance remarquable. Cette pierre a été choisie pour sa robustesse et sa beauté dans la construction et la restauration de nombreux édifices emblématiques. Parmi les plus notables, le Fort Boyard, gardien de l’Atlantique, et la cathédrale de Cologne en Allemagne, qui témoignent de la renommée et de la qualité de la pierre de Crazannes.
C’est sur cette matière de très belle qualité que le sculpteur Cédric Hennion (Cedricovich, de son nom d’artiste - voir son site) a travaillé pour donner vie à ces personnages. À 39 ans, il est également très à l’aise avec la sculpture sur glace ou sur neige (souvenirs d’un voyage d’une année en Finlande, peut-être ?). La ville de Saint-Savinien, où il réside, le présente comme « acharné du marteau et du burin ».
« L’artiste sculpteur exerce un art ardu mêlant brutalité, vivacité et force. C’est donc dans un antagonisme saisissant qu’il façonne son art dans la rigidité de la matière pour en déceler toute la finesse et en révéler sa délicatesse. De là se crée un style épuré, proche du minimalisme, permettant à la matière d’exprimer toute sa fragilité », explique la municipalité.
Réalisée en 2016, cette femme lisant à la taille d’un être humain, ou peu s’en faut, est exposée dans le centre-ville, les carrières elles-mêmes étant très proches. Un hommage aux carriers qui ont extrait la matière – dont certaines des églises romanes de la région sont d’ailleurs fabriquées, c’est dire si l’exploitation ne date pas d’hier. Il propose d’ailleurs des stages pour découvrir le métier et, qui sait, découvrir des talents qui compléteront cette famille de lecteurs si absorbés.
Notons par ailleurs que l’abandon de l’exploitation des carrières a donné à la nature l’opportunité de reconquérir son territoire, métamorphosant ainsi les gorges rocheuses en une jungle luxuriante. Ce décor naturel est devenu un havre pour les mammifères, les oiseaux et les chauves-souris. Et les visiteurs profiteront du musée racontant l’histoire de cette activité aussi bien que d’une visite guidée : une heure de promenade dans un environnement des plus apaisant.
On découvrira un portrait de l'artiste, tourné en 2021.
Crédits photo : Mimiche/ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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