On connaît bien la théorie des humeurs de la médecine antique européenne, ainsi que la fameuse technique des saignées, pour venir à bout de nombreux maux. Mais saviez-vous qu’un autre fluide corporel serait à même de permettre des diagnostics d’une rare précision ? Gilles de Corbeil, poète et médecin du Moyen Âge, voyait en l’uroscopie — soit l’examen visuel des urines — un moyen si infaillible de soigner qu’il lui inspira un poème.
Historique des relations sexuelles, maladie, mort imminente, l’urine renfermerait bien des secrets. Si bien qu'une visite chez le médecin dans l’Europe de la fin du Moyen Âge commencerait souvent par l'analyse d'un échantillon...
Bien qu’elle remonte au moins au quatrième millénaire av. J.-C., la pratique de l’uromancie (autre nom de l’uroscopie) semble avoir été considérée comme une méthode quasi universelle au XIIIe siècle. La discipline se reposait alors sur le texte De Urinis écrit par le médecin royal de l’époque, Gilles de Corbeil.
Écrit au XIIe siècle, son Carmina de Urinarum Judiciis (Poème sur les Urines) s’étend sur 352 versets. Une traduction française aura été rendue disponible en 1907 grâce au travail de Camille Vieillard. Cette composition poétique restera la référence des praticiens jusqu’au XVIe siècle. On y découvre qu’il faut analyser les sédiments, la clarté, la mousse et la couleur de l’échantillon. Quand les plus sérieux iront jusqu’à le sentir, puis le goûter.
Le texte est par la suite accompagné de « roues d’urine » : des illustrations élaborées pour aider les médecins à identifier la teinte particulière de l’échantillon donné, chacun étant coloré avec les meilleurs techniques de pigmentation de l’époque.
D’après Gilles de Corbeil, lorsqu’un médecin qualifié examine l’urine d’un patient, « la santé ou la maladie, la force ou la faiblesse, la carence, l’excès ou l’équilibre sont déterminés avec certitude ». Une urine « obscurcie de nébulosité noire et brouillée de sédiment », « livide près de la surface », blanche ou encore couleur vin annoncerait « un danger pour la santé ».
Cette analyse précise, associée à d’autres facteurs, permet de déterminer si « le patient mourra ou guérira », nous indique la retranscription du texte par Faith Wallis sur Medievalists.
Si, 800 ans plus tard, il semble facile de s'amuser de cette théorie, comparée à d’autres méthodes de diagnostic moyenâgeuses, l’uroscopie était plutôt en bonne position. « L’urine était un outil particulièrement utile pour identifier la lèpre », explique Katherine Harvey de The Public Domain Review.
Et de rappeler que « de nouvelles formes d’analyse d’urine se sont développées à partir de ces anciennes traditions, et notre paysage médical actuel est inondé d’échantillons d’urine ».
Crédits photo : Epiphanie medicorum par Ulrich Pinder - LUNA: Folger Digital Image Collection
Commenter cet article