En France, 6,5 % du chiffre d’affaires est réalisé dans les ventes de livres numériques, soit 163,8 millions €. Si le secteur est toujours loin du chiffre d’affaires observés dans les pays anglo-saxons, les éditeurs constatent une progression évidente, avec quelques nuances malgré tout. En effet, les ventes grand public génèrent 63,2 millions € – encore loin d’être significative, donc.
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Sur l’année 2015, les parts de marché du livre numérique placent la France en 5e position, avec 6,5 % :
États-Unis : 24 %
Royaume-Uni : 16 %
Espagne : 10 %
Allemagne : 8,2 %
France : 6,5 %
Pays-Bas : 4,9 %
Italie : 4,3 %
Mais dans son rapport L’édition en perspective, le Syndicat national de l’édition note que les Français ne se sont pas encore emparés de ce format. Alors que l’industrie a connu un retour de croissance de 0,6 % sur l’année passée, la hausse des ventes d’ebooks est encore loin de peser dans la balance des 2,667 milliards € réalisés.
« En 2015, 2 % des Français ont acheté un livre numérique. La répartition du chiffre d’affaires de l’édition numérique montre la place importante de la littérature, proche de 20 %, et surtout celle des sciences humaines et sociales avec 62,2 % (dont l’édition juridique représente 90 %) », rappelle le SNE. Et les catégories de livres lus en format numérique n’étonneront donc pas.
Pourtant, la France accueille désormais l’EDRLab – European Digital Reading Lab – au cœur de Paris. Cette émanation de l’International Digital Publishing Forum, chargé de fixer la norme du format open source EPUB, a posé ses valises dans la capitale. En recevant le siège européen de la Fondation Readium, qui découle de l’IDPF, la France a marqué un point dans sa participation au développement de l’ebook.
« L’EPUB est un enjeu fondamental pour les éditeurs, qui se sont tous accordés pour avoir un format commun. C’est ce qui nous donne une prise sur l’avenir du livre », assure Virginie Clayssenb, directrice de l’innovation d’Editis, trésorière d’EDRLab, présidente de la commission numérique du SNE.
Et puis, il y a les opérations montées comme la rentrée littéraire accessible, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France et le Centre national du livre. 2015 aura été « un vrai succès », estime le SNE. Le principe permet de profiter de l’exception handicap, pour transformer les livres en fichiers lisibles – convertis au format Daisy – accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Ainsi, « 72 maisons ont participé (contre 49 en 2014) en rendant accessibles 330 titres contre 233 en 2014. 85 % des titres figurant sur les listes des sélections des prix littéraires sont ainsi disponibles. On cite les lauréats du Prix Renaudot, du Grand Prix du roman de l’Académie française, du Prix Décembre, du Prix roman FNAC et du Prix littéraire du Monde... sans oublier le Prix Goncourt, Boussole de Mathias Énard ».
Tout le problème vient de ce que les mesures techniques ne seront pas nécessairement les meilleures, ni les bonnes réponses, pour favoriser l'accessibilité.
Alors ce numérique, qu’en penser ? Les tentatives d’analyse des usages ou les rencontres comme les Assises du livre numérique n’apportent que rarement des visions globales – ou moins encore des réponses fermes. Si tant est qu’elles existent. En se consacrant aux usages de lecture sur mobile, on apprend surtout que 52 % des possesseurs de smarpthones consultent leur terminal toutes les demi-heures. Difficile d’y faire tenir un livre ?
Dans tous les cas, une formation nouvelle est entrée en vigueur en mars 2015 le Certificat de Qualification professionnelle, ou très sexy CQP. Amorcée par le SNE et la Commission paritaire nationale de l’emploi, cette formation est dispensée à travers trois organismes : Edinovo Formation, filiale de l’Asfored, l’École des Métiers de l’Information (EMI) et le Greta de la Création, du Design et des Métiers d’Art (Greta CDMA).
Les salariés de l’édition peuvent ainsi se former, à la conception d’ouvrages numériques, à leur réalisation en lien avec les partenaires techniques, à leur gestion et protection juridiques et à leur commercialisation. Des avancées toujours appréciables pour les salariés du secteur.
Et puis, si l’on parle de livre numérique, ou de numérique, on pense actuellement à la loi Lemaire, République numérique : le domaine commun informationnel, l’Open Access, ou encore le Text et Data mining représentent autant de motifs de préoccupation pour le SNE.
« L’ère du numérique, avec l’injonction du “tout gratuit” démentie par la prospérité des Gafa, attaque ce droit souverain. Face à la loi “pour une république numérique”, aux tentations de l’Union européenne et de l’OMPI de menacer le droit auteur, le SNE défend l’œuvre de création, aux côtés des auteurs et de ses partenaires », réaffirme le Syndicat.
Et puis, il y a l’Europe, en embuscade avec ses exceptions au droit d’auteur et la réforme qui est portée. Avec la Fédération européenne des éditeurs, le SNE tente de résister aux différentes menaces dénoncées :
• une nouvelle exception pour la fouille de textes et de données (« text and data mining/ TDM »). Elle répondrait à une demande des chercheurs et (en cas de fins commerciales) de Google, souhaitant pouvoir effectuer une recherche au sein de textes et de données et d’en croiser les informations pour mettre à jour une tendance ;
• la clarification de l’application de l’exception pédagogique aux usages numériques et transfrontaliers, déjà en vigueur en France ;
• une clarification de l’exception « bibliothèques » pour reproduction des publications numériques à des fins de conservation, qu’il conviendrait de restreindre aux bibliothèques du dépôt légal ;
• Un élargissement de l’exception « bibliothèques » pour consultation afin de permettre les usages sur Internet. Il est essentiel d’obtenir dans ce cas la prévalence des licences ;
• une clarification de l’« exception de panorama », pour l’utilisation de photographies d’œuvres protégées par le droit d’auteur et situées dans l’espace public (concept éliminé du rapport Reda, mais présent dans les amendements au projet de loi Lemaire).
Enfin, last but not least, le numérique et le monde scolaire : le plan amorcé par François Hollande en mai 2015 devait accompagner une mutation globale des classes vers des outils numériques. Il incluait la création d’un portail de présentation et de recherches des ressources numériques du ministère de l’Éducation, des enseignants, des éditeurs et des entreprises. Perspective : 100 % des collèges équipés en tablettes et ordinateurs pour 2018.
Mais à ce jour, on en est encore loin : « 35 % des enseignants utilisent déjà un manuel numérique. Que ce soit au primaire, au collège ou au lycée, le numérique est un vecteur d’innovation pédagogique, de personnalisation de l’enseignement et d’individualisation de l’apprentissage. Cet enthousiasme réel ne peut faire oublier la réalité du terrain : si le ministère de l’Éducation nationale attendait 40 % d’établissements participant à l’appel à projets, fin février, environ la moitié ont répondu “présents”», note le SNE.
• 30 € par collégien et par enseignant seront alloués pour acquérir des ressources numériques (soit près de 100 millions d’euros).
• 3,2 millions de collégiens devraient disposer d’une tablette ou d’un ordinateur d’ici à trois ans, pour un coût de 380 euros par élève et par enseignant. Les départements devraient en financer la moitié dans les années à venir, en fonction de leurs possibilités et priorités...
• 24 millions d’euros seraient alloués pour former les enseignants.
• Les banques de ressources numériques offriront aux cycles 3 et 4 (du CM1 à la 3e), des contenus complémentaires aux manuels scolaires en français, histoire-géographie, mathématiques, sciences, anglais, allemand, espagnol...
Budget : 18 millions d’euros étalés sur trois ans, répartis en 14 lots allant de 0,4 million à 2,4 millions d’euros. Suite à cet appel d’offres, les éditeurs scolaires ont remporté 75 % des lots attribués.
Bien entendu, il reste encore bien des sujets, avec ce maudit livre numérique : l’autopublication, le prix de vente des livres numériques pour le grand public, ou encore le développement des solutions de publication sur internet. 2015 n’a finalement pas été une annus horribilis pour le développement de ce format : gageons que 2016 nous réserve encore quelques surprises.
Joe Loong, CC BY 2.0
Par Clément Solym
Contact : cs@actualitte.com
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