Envie de se défouler tout en se cultivant ? Nul doute que le Bookfighting saura répondre à vos attentes. Ce sport artistique qui consiste à se battre avec des livres est souvent décrié en France, mais bien reçu à l'étranger. Après tout, il s'agit de « valoriser » la culture plutôt que de la « détruire », selon son créateur, Yves Duranthon, avec qui nous nous sommes entretenus. Focus sur une activité assez inhabituelle...
Le 11/07/2017 à 17:09 par Bouder Robin
Publié le :
11/07/2017 à 17:09
Séance de Bookfighting © Lucie Cluzan
Un point si je te refais le portrait avec une édition poche des Misérables ! Égalisation si tu me fracasses l'épaule avec La Condition humaine. Mais j'ai pas dit pour autant mon dernier mot... au contraire.
Sport intellectuel ? Art de combat ? Tout cela en même temps, en fait. Yves Duranthon a conçu le « Bookfighting » après avoir lu le manga Combats, de Yuichi Yokoyama. Inspiré par l'histoire de ce personnage qui tente d'échapper à des samouraïs en leur balançant des livres à la figure, il décide en 2008 de reproduire ce qui lui avait causé « un véritable choc esthétique. Je voulais voir ça en vrai », déclare-t-il à ActuaLitté, toujours enthousiaste.
Pas de sabres (trop dangereux), juste des livres dans ce nouveau sport dont, accompagné par un groupe d'amis, Yves Duranthon a déterminé les règles, qu'il a par la suite publiées dans un véritable guide intitulé The Bookfighting Book, chez Hyx. Sur un terrain divisé en deux, les combattants cherchent à toucher l'adversaire avec les livres fournis tout en évitant d'être touchés. Protections obligatoires pour pratiquer cette activité qui mine de rien pourrait rapporter quelques bleus...
Dans cette « performance artistique qui dérive vers le sport », le règlement est somme toute assez simple : 2 livres chacun, 1 point si on touche l'adversaire, annulé s'il le rattrape au vol, pas de smash, fin du jeu si les 4 livres se retrouvent au sol, fin du match au bout de 7 jeux... Et surtout, le but est d'allier sport et culture ; car, oui, il y a finalement autant de lecture que de combats.
Un joueur fatigué peut ainsi choisir d'ouvrir un livre et d'en lire le texte pour mettre la partie en pause. C'est d'ailleurs le moment que préfère Yves Duranthon. « Le Bookfighting permet de donner un coup de fouet à la culture, de sortir les livres de leur torpeur. Les plus beaux combats sont des combats de lecture. »
Et n'en déplaise à ceux – ils sont très nombreux – qui maudissent sur 7 générations ce destructeur de livres, véritable « organisateur d'autodafés », ainsi qu'il a été décrit, l'activité n'a rien d'impure. « On nous déteste pour de mauvaises raisons. On ne détruit pas les livres, on se bat avec. » D'ailleurs, toute destruction est prohibée et entraîne l'interruption du combat. Dans le pire des cas, si des pages s'envolent, elles sont récupérées après le match, estampillées à l'aide d'un tampon puis distribuées au public : « Aucune destruction, mais une valorisation du déchet. »
Autre argument en faveur de la défense : seuls des livres de poche sont utilisés. « En soi, il s'agit de produits industriels, ce ne sont pas des incunables. » Une différence qui malheureusement a du mal à s'imposer en France, à l'image du succès de cet art nouveau. « Le livre a une histoire particulière en France, jouer avec les livres est très difficile. C'est pour ça qu'on y trouve beaucoup de réfractaires à ce type d'activités. »
À l'étranger en revanche, les codes sont différents, comme le souligne Yves Duranthon en reprenant l'exemple de ces produits d'utilisation courante que sont finalement les livres. « Aux États-Unis, on fait clairement la différence entre le support et le contenu. En France, on fusionne le livre, même de poche, et le contenu sacré. Je suis plus dans mon élément à l'étranger. »
Après les 3 sessions organisées du 3 juin au 1er juillet à Sportmania, programme d'expériences contemporaines participatives à la croisée du sport, des arts et la culture, c'est d'ailleurs la Belgique qui devrait accueillir les prochaines prestations de ce créateur peu ordinaire. « En Belgique, à l'inverse de la France, ça fait rire. »
Finalement, et quand bien même Zola et Maupassant se retourneraient dans leur tombe, où est le mal ? La pratique du Bookfighting permet d'entraîner à la fois le corps et l'esprit. Heureux celui qui rêvait de faire la blague de prendre son exemplaire de L'Assommoir pour frapper son prochain, le voilà enfin légitimé.
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