Dans le monde des idées reçues sur la culture, les livres ont tiré le gros lot, considérés comme le fin du fin de l'occupation bénéfique. Ces a priori positifs ont la peau dure, et des chercheurs ont voulu les soumettre à un protocole scientifique. Alors, lire des livres nous rend-il vraiment plus heureux ?
Le 17/01/2022 à 10:07 par Antoine Oury
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Publié le :
17/01/2022 à 10:07
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Une équipe de quatre chercheurs Niklas Johannes, Tobias Dienlin, Hasan Bakhshi et Andrew K. Przybylski, venus d'Oxford, de Vienne et de Londres, s'est intéressée aux activités culturelles d'un peu plus de 2000 citoyens britanniques âgés de 16 ans et plus, pendant 6 semaines, entre avril et mai 2020, pendant un confinement.
L'étude s'est penchée sur quatre points précis : d'abord, les effets de 7 médias culturels, musique, télévision, film, jeu vidéo, livre (dont numériques), magazines (dont numériques également) et livres audio, sur les personnes qui s'y confrontaient. Deuxièmement, un examen de la réciprocité : écouter de la musique peut rendre heureux, mais écoute-t-on de la musique lorsque l'on est heureux ? Ensuite, une comparaison entre l'usage et le non-usage de ces médias, et enfin, une étude de l'impact sur le sentiment de bonheur, d'une part, et sur la satisfaction générale, d'autre part.
Les analyses des résultats des sondages, menés une fois par semaine auprès de tous les participants, font apparaitre des effets assez négligeables des médias culturels sur le sentiment de bonheur. Ainsi, « les gens qui sont en contact avec de la musique, la télévision, des films ou des jeux vidéo se sentent généralement plus mal que ceux qui ne le sont pas. Ceux qui lisent des livres, des magazines ou qui écoutent des livres audio ne se sentent pas mieux ou moins bien que ceux qui ne le font pas », indiquent les chercheurs.
De la même manière, la sensation de bien-être déclarée par les participants au sondage varie très peu en fonction du temps passé au contact de ces médias, ou lorsqu'un participant se confronte à un média qu'il fréquente assez peu habituellement.
L'un des objectifs de l'étude était aussi de confronter les médias « traditionnels » aux « nouveaux » médias, à savoir les réseaux sociaux. Sur ce point, les chercheurs restent prudents. « Les nouveaux médias comme les réseaux sociaux sont réputés avoir un effet addictif sur les utilisateurs, quand les livres sont vus comme un passe-temps plus bénéfique. Toutefois, les avantages associés aux médias traditionnels restent spéculatifs, sans preuve d'un effet sur le bien-être », relèvent les chercheurs en considérant leurs résultats.
Une des observations récurrentes semble indiquer que les utilisateurs d'un médium se sentent un peu moins bien, en général, que ceux qui ne se confrontent pas au même médium. Toutefois, pas d'inquiétude, « cet effet semble trop faible pour avoir une conséquence sensible sur le vécu des personnes ».
Que ces conclusions ne fâchent personne avec la culture : les chercheurs soulignent eux-mêmes les nombreuses difficultés posées par leur étude et sa méthodologie. Avec, pour commencer, le faible laps de temps de mesure, 6 semaines, qui interdit la considération des effets à long terme. Par ailleurs, le contexte du sondage lui-même importe : en plein confinement, difficile de se sentir particulièrement enjoué, sans doute, malgré des œuvres bouleversantes.
Par ailleurs, le lien de causalité reste difficile à établir, aussi bien pour les sujets de l'étude que pour ses auteurs : écouter de la musique rend-il triste, ou écoute-t-on de la musique parce que l'on est triste ? Enfin, et évidemment, l'attachement initial d'un sujet avec un médium a aussi son importance : un grand lecteur ouvrira avec un plaisir non dissimulé un nouvel ouvrage...
L'intégralité de l'étude, publiée dans Scientific Reports, est accessible à cette adresse.
via Popular Science
Photographie : scène totalement fictive (CollegeDegrees360, CC BY-SA 2.0)
4 Commentaires
Alina Reyes
18/01/2022 à 23:23
Pour être heureux, faites quelque chose de votre corps, de vos pieds et de vos mains.
Michel BLAISE
20/01/2022 à 07:37
Afin de faire tant de mal aux mouches, des chercheurs étatsuniens ont réuni deux groupes de personnes - le premier composé de non lecteurs, le second non lecteurs. Je simplifie.
Le résultat de l'enquête est sans appel. Selon celle-ci, les premiers "experienceurs" (on se rapproche du jour où l'on posera la question : lire nuit il à la vie ?) ne se "sentiraient" pas plus heureux... que leurs collègues "hardcore gamers".
Je ne sais pas la qualité, la fiabilité, l'intérêt ou encore la portée (de quoi veut-on nous convaincre ?) de cette expérience outre atlantique - la géographie à, ici, un sens. En revanche, j'ai la certitude que ceux qui ne lisent pas ne savent pas le plaisir auquel ils renoncent.
J'ai aussi la faiblesse de croire que :
"Bienheureux les pauvres en esprit, le Royaume de Dieu est à eux".
Bonne lecture.
Pascal SOLAL
22/01/2022 à 16:24
Je trouve l'énoncé de cette étude assez bizarre. Je n'ai jamais lu, ni écouté de la musique, ni regardé un film, pour être plus "heureux". Je l'ai fait parce que j'en ressentais le besoin, c'est tout... Et que je me sentais mieux après, plus intelligent, ou plus conscient, selon l'œuvre écoutée ou lue...
Thibaut
25/01/2022 à 18:57
J'imagine que cela dépend surtout du livre...