Au cours d’expériences spécifiques, comme un spectacle, une conversation personnelle ou l’écoute d’une histoire racontée, rythme cardiaque et respirations se synchronisent entre les personnes. Ce processus, totalement inconscient, résulte de l’attention prêtée à l’événement vécu en commun et en partage. Une forme de communion aux effets physiologiques étonnants.
Le 20/09/2021 à 14:58 par Clément Solym
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Publié le :
20/09/2021 à 14:58
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On penserait volontiers que l’émotion découlant d’un récit provoque une forme de vibration — littéralement. Mais les chercheurs qui se sont penchés sur ce phénomène réfutent la dimension émotionnelle : tout réside dans l’attention que l’auditeur accorde à l’histoire. Avec pour résultat une synchronisation de la fréquence cardiaque et de la respiration de l’ensemble des auditeurs.
Présentés dans Cell Reports, les résultats de cette étude prêtent à sourire — on imaginerait volontiers une puissance de la lecture à même de faire vibrer les âmes. Mais le fait est que si le corps calque respiration et rythme cardiaque sur celui de son interlocuteur, jusqu’à correspondre aux siens, il n’est pas nécessaire d’être face à face.
Par ailleurs, la prémisse visant la réaction émotionnelle est contredite par Lucas Parra, professeur au City College de New York. « Ce que nous avons découvert, c’est que le phénomène est bien plus large et que le simple fait de suivre une histoire et de traiter un stimulus provoquera des fluctuations similaires de la fréquence cardiaque des gens. C’est la fonction cognitive qui augmente ou diminue cette fréquence. » Et tout est dans l’attention : l’engagement et l’investissement entraînent la production de signaux du cerveau, auxquels le cœur va ensuite réagir.
Quatre expériences ont analysé ces fonctionnements : pour la première, des volontaires ont écouté 20.000 lieues sous les mers de Jules Verne. Durant l’écoute, un électrocardiogramme enregistrait les mesures : aux mêmes moments du récit, les cobayes avaient les mêmes mouvements respiratoires et cardiaques.
La deuxième a consisté à regarder de brèves vidéos pédagogiques, dénuées de toute variation émotionnelle. Or, les fluctuations sont revenues, et se retrouvaient chez les participants. Dans un second temps, ces mêmes vidéos, vues à rebours, ont provoqué une diminution de la synchronisation — l’attention manquait pour se sentir impliqué.
Lors de la troisième étape, des histoires courtes pour enfants ont été récitées : l’état d’attention variait suivant les personnes, certaines captives, d’autres distraites. Mais les chercheurs traquaient autre chose : en demandant aux sujets de se rappeler des faits principaux, une corrélation s’établissait entre les fluctuations cardiaques et respiratoires et la qualité des réponses. Et les changements de fréquence révélaient un traitement plus méthodique du récit.
Pour la dernière phase, des patients souffrant de troubles (coma ou état végétatif) ont été associés à des participants sains. Tous ont reçu un livre audio à écouter : comme prévu, les patients sains avaient un taux de synchronisation supérieur.
Jacobo Sitt, coauteur et chercheur à l’Institut du cerveau (Hôpital Pitié-Salpêtrière) et à l’Inserm, souligne que l’étude est encore aux balbutiements et que de nombreuses validations sont encore à venir. Pour Parra, les neurosciences ouvrent ici des portes pour entreprendre « un plus large examen de la connexion cerveau-corps, dans la manière dont le cerveau affecte le corps ».
« Les gens pensent qu’ils réagissent au monde à leur manière. Sauf que même nos cœurs réagissent de manière très similaire lorsque nous écoutons des histoires courtes. Cela me fait sourire. Nous sommes tous humains », plaisante l’ingénieur biomédical Jens Madsen du City College de New York.
Crédit photo : CHUTTERSNAP/ Unsplash
Par Clément Solym
Contact : cs@actualitte.com
1 Commentaire
jujube
21/09/2021 à 19:03
Les neurosciences ne sont pas ma tasse de thé (elles sont, à mon avis, limitatives et trop sûrs d'elles mêmes), mais je retiens ceci du message de Clément Solym: être attentif vaut parfois le coup.
De plus, ces coeurs qui battent à l'unisson sous la musique partagée des mots ont quelque chose de touchant et romantique!
Je suppose que, hors expérience de labo, on est plus attentif aux discours qui nous intéressent vraiment et, dès lors, nous peuvent émouvoir.
Bah! A chacun ses appréciations, mythes et croyances!