Le livre qui a fait consensus cette année a été qualifié par Mariusz Szczygieł de « livre le plus antidépressif du monde ». Voilà une accroche qui avait de quoi séduire, pour qui recherche toujours à mettre entre les mains des lecteurs la perle rarissime : le livre qui fait se sentir bien, mais quand même bien écrit !
Le 09/08/2018 à 09:13 par Auteur invité
Publié le :
09/08/2018 à 09:13
Le réseau de librairies Initiales a choisi pour son Prix Mémorable l’écrivain et journaliste tchèque Ota Pavel pour son livre Comment j’ai rencontré les poissons, paru en 2017 aux éditions do.
La cuvée 2017 est exceptionnelle et croise plusieurs axes chers à nos cœurs. Le titre le suggère déjà : il sera beaucoup question de poissons dans ce livre, et Ota Pavel entre tout à fait dans la case du poète et du naturaliste, aussi à l’aise avec une canne à pêche qu’un crayon en main ! On retrouvera aussi la figure de l’antihéros avec ce portrait du père, brillant vendeur d’aspirateurs, toujours prompt à mettre sa famille en difficulté financière.
Et enfin, ce recueil est également une évocation extrêmement sensible de la Shoah. Dans une suite de récits écrits indépendamment les uns des autres, le narrateur dresse par petites touches expressionnistes le portrait de son père, Leo Popper, personnage fantasque, champion du monde de la vente d’aspirateurs Electrolux.
Il nous emmène dans sa besace le long des rivières de Křivoklát, à la recherche des énormes carpes, des plus grosses truites et des mythiques anguilles d’or qui, lorsqu’il les ramène chez lui, le feront exister un court instant à côté de la personnalité écrasante du père. La Seconde Guerre mondiale vient détruire l’harmonie des lieux et abîme la famille Popper, qui survit aux camps de concentration mais perd son argent et sa joie de vivre.
C’est tout un petit monde que le narrateur nous avait appris à aimer qui se retrouve soudainement détruit par l’histoire et sa grande hache. Adulte, Ota Pavel fait une grave dépression. Il va alors se mettre à l’écriture et c’est en repensant à ses parties de pêche qu’il retrouve le goût de vivre : « Je sais désormais ce qui attire la plupart des gens, ce n’est pas seulement la quête du poisson, mais la solitude des temps révolus, le besoin d’entendre l’appel de l’oiseau et du gibier, encore tomber les feuilles d’automne.»
Comment j’ai rencontré les poissons est un texte magique que l’on savoure lentement, acceptant de nous abandonner à la prose hypnotique d’Ota Pavel, cheminant avec lui le long de cette longue rivière sinueuse nommée « Souvenir » et qui nous bouleverse complètement une fois la dernière page tournée.
Claire Nanty, libraire
Responsable du comité Mémorable
Ota Pavel est né en 1930, à Prague, en Tchécoslovaquie. Fils d’un père juif, Leo Popper, et d’une mère chrétienne, Hermína Popperová. Pour tenter d’échapper à la répression faite aux juifs, la famille s’exile en Bohême. Mais le père et les deux frères d’Ota sont déportés dans le camp de concentration de Terezín à partir de 1943.
Ota, lui, reste avec sa mère. Après la guerre, Leo et ses fils reviennent de captivité ; la famille change alors son nom pour Pavel. Ota restera marqué à jamais. Devenu journaliste sportif, il souffrira de crises maniaco-dépressives jusqu’à sa mort en 1973.
Son réconfort, il le puisera dans l’écriture, la fréquentation des bords de rivières et le souvenir des parties de pêche de son enfance. Considéré comme un auteur classique dans son pays — Comment j’ai rencontré les poissons est un livre culte en Tchécoslovaquie —, il a été adapté à plusieurs reprises au cinéma.
Ota Pavel, trad. Barbora Faure — Comment j’ai rencontré les poissons — Éditions do — 9791095434023 – 20 €
Par Auteur invité
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 01/10/2016
225 pages
Do Editions
20,00 €
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