#PrixdesDeuxMagots2023 — Historiquement, le Prix des Deux Magots ressemble au monde littéraire de ce dernier siècle : en 90 ans d’existence, une dizaine de lauréates, soit une minorité, mais comme toujours, quantité n'est pas qualité... Voici quelques auteures choisies par le jury de la prestigieuse récompense littéraire du café des écrivains.
Le 09/08/2023 à 15:29 par Hocine Bouhadjera
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09/08/2023 à 15:29
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Dans un précédent article, nous évoquions la mystérieuse Pauline Réage, lauréate 1955, ou « cette figure très sympathique du monde parisien, qui n’avait pas sa langue dans sa poche », Geneviève Dormann, qui reçu le prix des Deux Magots en 1975.
La première femme a recevoir la prestigieuse récompense est la journaliste et écrivaine quelque peu oubliée Paule Malardot, en 1947, pour L’Amour aux deux visages, avant Elvire de Brissac en 1969 pour son premier roman, À pleur-joie, édité chez Grasset.
Cocagne, jeune femme de vingt ans, est bouleversée par son amour ardent pour Vincent. En général, une passion estivale s’évapore au retour dans le quotidien. Mais quand celle-ci se transforme en un amour véritable... Qui est vraiment Vincent, à la fois dominateur, espiègle, et tourmenté ? Un idéaliste cynique ? Un séducteur à l’âme sombre mais touché par celles qu’il ensorcelle ? Ce premier roman d’Elvire de Brissac dépeint une relation tumultueuse, marquée par l’infidélité, les difficultés financières, les séparations, et les raisons que la raison ignore.
Autant romancière que biographe et essayiste, elle reçoit le prix Femina essai en 2001 pour son Ô dix-neuvième !, qui évoque l’épopée de la célèbre famille industrielle Schneider du Creusot, dont sa mère est une descendante. Son dernier ouvrage, Le long du Luxembourg, est paru en 2022, toujours chez Grasset, et raconte quatre siècles d’histoire de France, de 1613 à nos jours, à la lisière du palais et du jardin du Luxembourg.
Sa mère évoquée plus haut, May de Brissac, était mariée au mémorialiste Pierre de Cossé, duc de Brissac, mais elle avait également un amant, l’écrivain Paul Morand. Une autre lauréate du Prix des Deux Magots, en 2013, Pauline Dreyfus, révélait dans sa biographie de l’auteur de Lewis et Irène, que le père d’Elvire était en réalité l’écrivain de la vitesse. Philippe Lançon qui la rencontrait en 2014, témoigne : « Elle ne nie pas être la fille de l’auteur de Hécate et ses chiens, mais refuse d’en parler. » Elle serait par ailleurs cette E. du Journal inutile...
Pauline Dreyfus est aujourd’hui membre du jury du Prix des Deux Magots. Dans son ouvrage, récompensé en 2013, « à l’unanimité », nous confie Étienne de Montéty, elle met en scène la campagne de Paul Morand pour entrer à l’Académie française, malgré ses casseroles qui provoquèrent son exil suisse.
Une opération rondement menée puisqu’il deviendra un immortel en 1968, succédant à Maurice Garçon au fauteuil 11. Si Paul Morand a toujours été admiré des amoureux du style en littérature, parfois en se bouchant le nez, Pauline Dreyfus a participé à une redécouverte de l’écrivain du voyage et de la Dolce vita.
Le diplomate de carrière écrivit comme il a conduit sa vie, en mouvement, fusionnant prose poétique et fines observations des sociétés qu’il côtoya, la plupart du temps huppées. Durant l’Occupation, il s’afficha en sympathisant du régime de Vichy et de l’idéologie nazie, ce qui lui vaut d’être écarté du monde des lettres français après la guerre.
Le soutien des Hussards, surtout son ami Roger Nimier, et son entrée à l’Académie lui offrirent un second souffle. Son Journal inutile, dans une moindre mesure, et surtout sa correspondance avec Jacques Chardonne, tous deux édités après sa mort en 1976, révélèrent un racisme et un antisémitisme virulents, qu’il garda jusqu’au bout.
8 ans après le Prix des Deux Magots, le cas Paul Morand permit à Pauline Dreyfus de recevoir le Prix Goncourt de la biographie et le Prix de la biographie de l’Académie française en 2021. En 2022, elle a publié Le Président se tait chez Grasset, qui raconte les conséquences d’un scandale politique de la fin des années 1970, « l’Affaire des diamants » qui coûta cher à Valéry Giscard-d’Estaing.
La romancière et biographe est accompagnée dans le jury par la journaliste et écrivain Laurence Caracalla, fille de l’ancien président Jean-Paul Caracalla, et auteure notamment d’un guide, Le savoir-vivre de la Parisienne... ou pas ! Mais aussi la rédactrice en chef Livres chez L’Express, Marianne Payot, et deux nouvelles têtes à l’occasion de cette édition des 90 ans, Isabelle Carré et Clara Dupont-Monod.
L’actrice Isabelle Carré débuta en littérature comme lectrice de livres audio - de Colette, Paule du Bouchet, Sylvia Plath, Boris Vian... –, avant de sauter le pas en 2018 et de publier son premier roman, Les Rêveurs, chez Grasset. Son quatrième roman, Le jeu des si, est paru en 2022.
Étienne de Montety nous confiait : « Isabelle Carré vient d’autres mondes et porte donc une sensibilité différente : du cinéma, du théâtre. C’est l’idée que les lecteurs peuvent venir d’autres univers. Elle n’est pas inscrite dans tous les réseaux littéraires, et amène avec elle une sorte de fraîcheur. Elle ne réagit pas comme certains, avec des codes qui sont ceux du milieu. Qui est lié à qui, à quel éditeur... La passion est encore brute. »
Clara Dupont-Monod a de son côté connu la consécration pour son dernier texte, S’adapter, paru chez Stock en 2021, qui remporta le Prix Femina, le Prix Landerneau et le Prix Goncourt des lycéens.
Une autre lauréate du Prix des Deux Magots, Solange Fasquelle, pour L’Air de Venise en 1967. Carla est une séduisante quadragénaire sans véritable amour... Après avoir épousé un Américain fortuné par convenance, elle reste hantée par un amour de jeunesse perdu. Elle revient à Venise, deux décennies plus tard, cherchant à raviver ses souvenirs...
En parallèle, Antonella, la quarantaine également, est sans ressources et paumée dans sa petite ville du sud de l’Italie. Pour elle, ce voyage à Venise est une percée de lumière. Les deux femmes vont se croiser, et même se lier d’une curieuse amitié, entre moments partagés et cruauté réciproque...
Née Solange de La Rochefoucauld et fille de l’écrivaine Edmée du même nom, la lauréate 1967 épouse l’éditeur Jean-Claude Fasquelle avant de divorcer. Elle fut notamment présidente du PEN Club français entre 1990 et 1993.
Pile 30 ans plus tard, c’est l’écrivaine Ève de Castro qui remporte la récompense littéraire du café d’Alfred Jarry et Simone de Beauvoir, avec un roman des plus sulfureux, Nous serons comme des dieux, qui raconte le supposé amour incestueux de Philippe d’Orléans et de sa fille aînée, Marie Louise Élisabeth d’Orléans, Duchesse de Berry.
Le libertin petit-fils de Louis XIII, neveu de Louis XIV et fils de Philippe de France, duc d’Orléans, est Régent de France de 1715 à 1723 durant la minorité du futur Louis XV. Dans un contexte de crises économiques, sociales et politiques, il tente des réformes audacieuses, qui aboutirent à la première bulle spéculative et à un effondrement financier en France... La période de sa gouvernance est souvent perçue comme une ère de décadence et d’excès, avec une vie de cour marquée par des scandales et de nombreuses festivités...
En 2022, celle qui remporta également le Grand prix littéraire de l’Académie nationale de pharmacie en 2013 pour Le Roi des ombres, a publié L’autre Molière, chez L’Iconoclaste.
Dans les années 2000, trois auteures ont été distinguées par le jury des Deux Magots : Dominique Barbéris, Kéthévane Davrichewy et Julie Wolkenstein. La première, lauréate en 2008, est un autre cas d’autrice remarquée à recevoir sa première importante récompense littéraire de la part des Deux Magots, pour son ouvrage Quelque chose à cacher, publié chez Gallimard.
Une femme a été découverte sans vie dans l’ancienne propriété de la famille où elle avait décidé de passer la nuit. Que s’est-il produit cette soirée d’automne pluvieuse près de la Loire, entre le restaurant des Chaînes d’Or, le musée local, et le chemin étroit qui borde le cimetière et longe le mur de la résidence ? « Une Modiano en jupons », décrit Étienne de Montety au sujet de l’écrivaine et universitaire. Son prochain texte, Une façon d’aimer, paraît ce 17 août, toujours chez Gallimard.
Enfin, Kéthévane Davrichewy et Julie Wolkenstein, respectivement lauréates 2017 et 2018. La première pour L’Autre Joseph, édité chez Sabine Wespieser : « Joseph Djougachvili, dit Staline, surnommé Sosso dans les premières années de sa vie, est né en Géorgie, à Gori, en 1878. Quelques années plus tard, à quelques rues de là, naissait un autre Joseph, Davrichachvili, ou Davrichewy. » Son dernier texte, Nous nous aimions, a été édité en 2022 chez le même éditeur.
Julie Wolkenstein a elle remporté le prix pour son ouvrage Les Vacances, paru chez P.O.L, qui raconte l’enquête d’une universitaire à la retraite experte en comtesse de Ségur, et d’un jeune doctorant étudiant, sur le mystère du premier long-métrage d’Éric Rohmer, Les Petites Filles modèles, jamais projeté en salle et volatilisé... L’occasion d’une réjouissante pérégrination dans la Normandie... Son dernier texte en date, La route des estuaires, est paru en mars dernier.
Le 3 juillet dernier, le jury actuel du Prix des Deux Magots s’est retrouvé pour déterminer les derniers livres en compétition pour la 90e édition de la récompense littéraire. Les finalistes seront annoncés le 4 septembre, suivis de la proclamation du gagnant le 25.
À LIRE - Étienne de Montety : “Soyons un petit peu plus innovants, audacieux”
Alors que le prix était traditionnellement décerné fin janvier, le lauréat sera dorénavant révélé le dernier lundi de septembre. Ce changement positionne le Prix des Deux Magots comme la première grande récompense de la rentrée littéraire d’automne, soulignant son rôle majeur dans les Lettres françaises.
Crédits photo : Roger Salz (CC BY-SA 2.0)
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