À la cérémonie de remise de prix Astrid Lindgren, l’auteure jeunesse Meg Rosoff était émue, mais préoccupée. Dans son discours de réception, elle a condamné l’éducation britannique en la qualifiant de « prise d'otage de l’enfance ». Pour l’auteure, la politique éducative britannique conduit professeurs et enfants à enseigner ou apprendre « sans joie ».
Le 01/06/2016 à 14:47 par Joséphine Leroy
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01/06/2016 à 14:47
(Undotter / CC BY SA 4.0)
Meg Rosoff a été distinguée à plusieurs reprises pour ses livres jeunesse, en particulier, Maintenant, c’est ma vie (éd. Abin Michel, trad. par Hélène Collon, 2004). Reconnue pour sa vision juste de l’enfance et de l’adolescence, elle tire désormais la sonnette d’alarme sur un sujet qu’elle connaît bien : l’éducation. En recevant le prix Astrid Lindgren, l’un des prix les plus prestigieux de littérature jeunesse, elle a insisté sur son importance et a soulevé les problèmes qui paralysent enfants et professeurs.
« J’ai vu trop d’enfants qui se sont scarifiés avec des rasoirs, se sont laissé aller à des grèves de la faim, ont souffert de dépression, d’anxiété, qui ont cru que le gouvernement leur disait que rien n’était plus important que les examens. Mais également que l’art, la musique, les livres ne les aideraient pas à gagner de l’argent. Qu’il était normal que les bibliothèques ferment et qu’il était nécessaire de supprimer les postes de bibliothécaires », alerte-t-elle.
« Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’au Royaume-Uni, un nombre record d’enseignants démissionnent. C’est devenu un métier que l’on exerce sans joie. Apprendre est également devenu triste, mais les élèves, eux, ne peuvent pas démissionner. En Angleterre, nous nous prêtons, de façon assez littérale, à une prise d'otage de l’enfance. »
Ce discours fait écho à une vague de fermetures de bibliothèques. L’auteure avait elle-même signé une lettre ouverte, dès 2012, contre le sort réservé à celle de Newcastle. En tout, 350 bibliothèques auraient été ferméesces six dernières années au Royaume-Uni. Il y a quelques semaines, deux bibliothèques ont été particulièrement mises en danger : celle de Carnegie et de Minet. Le Lambeth Council avait décidé de la fermeture temporaire de ces établissements afin de mener à bien des travaux.
Ces travaux, censés diviser le lieu en un espace gym et un espace bibliothèque sans bibliothécaire, ont pris des allures de catastrophe pour des habitants, qui ont occupé les bibliothèques en question pendant plusieurs semaines, suivis par 220 auteurs. Des données avaient même montré que la fermeture temporaire coûtait trois fois plus cher que l’ouverture.
Par contraste, Meg Rosoff fait l’éloge du système suédois et cite une phrase assez rousseauiste d’Astrid Lindgren : « Tout le bien arrivé à l’Humanité est un jour né de l’imagination de quelqu’un. »
Et d'ajouter, en référence à Astrid Lindgren, que « quelqu’un, en Suède, a imaginé que l’on pourrait accepter 6 000 enfants réfugiés dans nos écoles et que, d’une manière ou d’une autre, ce serait normal. Que l’on pourrait encourager les enfants à devenir écrivains, et même, pendant une semaine, les traiter comme des stars du rock ! Quelqu’un a imaginé que les bibliothécaires et les enseignants étaient aussi importants que les banquiers ou les avocats. Peut-être est-ce parce que ce “quelqu’un” a pensé que, sans l’imagination des enfants, il n’y aurait plus aucun espoir pour l’Humanité. »
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