Star du Covid lors des premières semaines de confinement, le papier toilette s’arrachait partout dans le monde, tant la crainte panique de manquer rendait les consommateurs idiots. Or, il existe une Journée mondiale du petit coin, depuis le 19 novembre 2001, précède, le 26 août, celle du Papier Toilette. Une célébration qui se déroule aux États-Unis, depuis quelques années…
Le 24/08/2023 à 11:13 par Nicolas Gary
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Publié le :
24/08/2023 à 11:13
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S’il est bien un trait commun à toute espèce, c’est la production de déchets organiques — car, oui, même les végétaux produisent des excréments. Cela se nomme la lignine, sauf qu’arbres et plantes se montrent plus écolos avec leurs déjections : ils les réutilisent et mettent à profit cette molécule sécrétée pour assurer leur propre croissance. On se référera au bel album de Sébastien Perez et Annelore Parot, Comment les arbres font-ils caca ?, pour une première approche du sujet.
Côté humanité, l’hygiène personnelle a connu de réelles évolutions : feuilles, bâtons, épis de maïs ou même sable servirent dans les premiers temps pour nettoyer la zone concernée.
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Les Romains avaient des toilettes publiques (les fameuses latrines) librement accessibles, donc sans grande intimité. Une fois la grosse affaire achevée, ils recouraient à une éponge fixée à un long bâton, le “tersorium”, un instrument collectif, dont chacun se servait à son tour. Et que l'on replaçait dans un récipient d’eau salée ou de vinaigre, quand on s'était lavé le fondement...
Plus personnel, moins confortable, les Grecs usaient de pierres, appelées pessoi, ainsi que des éclats de poterie en céramique, appelés ostraka. Ça pique.
Le papier toilette encore loin des rouleaux modernes apparut et se généralisa en Chine à compter du VIe siècle. Et au XIVe, les Chinois avaient fait des progrès dans l’entretien des toilettes : ils produisaient des paquets de papier spécial que les gens utilisaient pour s’essuyer. En 1391, des témoignages rapportent d’ailleurs que l’empereur disposait d’une version dont chaque feuille était parfumée…
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Si se torcher dans les rideaux ne fait plus recette, parler d’un torche-cul pour désigner un journal, s'entendra littéralement : de fait, le développement au XVIIIe siècle de périodiques imprimés a conduit à ce que les lieux d'aisance pullulent de publications trouvant là un nouvel emploi. On raconte même que le Farmer’s Almac et le catalogue Sears, aux USA, finissaient dans les WC — au point que le premier perça deux trous dans ses livres, dès 1919, pour faciliter leur accroche et leur utilisation.
Mais ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe que le papier toilette connut un développement industriel. En 1857, Joseph C. Gayetty fut le premier à vendre du papier toilette tandis que, deux ans plus tard, l’homme d’affaires britannique Walter Alcock conçut la version en rouleaux. Puis, aux États-Unis, les frères Scott fondèrent la Scott Paper Company en 1879 et commercialisèrent leurs rouleaux en 1890.
Restait alors à travailler la matière même du papier : plus de douceur, moins d’irritation. Autrement dit, peu de changements de design, depuis les années 1900, au profit de quelques améliorations sensitives.
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Que le PQ soit devenu rouleau amusera les curieux : de fait, les livres de l’Antiquité étaient eux-mêmes sous un format de rouleau, appelé Volumen. Ce dernier fut remplacé par le Codex — originellement des tablettes de bois assemblées, qui laissèrent place aux feuilles de parchemin. Nous sommes aux alentours de 14 apr. J.-C. : le livre moderne était né.
Mais l’anecdote ne s’arrête pas en si bon chemin : une étude du Syndicat national de l’édition, en octobre 2021, indique que 5,4 % des livres invendus sont remis en stock pour être réapprovisionnés, tandis que 13,2 %, représentant 26.300 tonnes, sont destinés à être détruits pour être transformés en papier recyclé. Si certains jurent que 100 % de leurs ouvrages sont ainsi transformés, cela n’enlève rien au fait qu’ils ont été produits et, puisqu' invendus, transformés en déchets. Le pilonnage, d’accord, mais pourquoi imprimer si l’on sait que les ouvrages seront détruits ?
Une logique marchande fantastique impose aux éditeurs d’être présents en librairies, donc que leurs productions soient visibles. Quand personne n’en veut, les libraires les renvoient au distributeur et là, la douloureuse grimpe : stocker des livres coûte cher. Les pilonner, non.
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Or, on n’utilise pas le papier recyclé pour produire de nouveaux ouvrages — les consommateurs n’apprécieraient pas ces pages moins blanches, moins lisses. Seul un très faible nombre de bouquins est ainsi fabriqué : que faire, alors, des livres invendus, non-lus et recyclés ?
Eh bien, la pâte est réemployée pour devenir essuie-tout, carton d’emballage ou, on l’attendait, du papier toilette. Voir, plus spécifiquement encore, les cartons de nos chers rouleaux. Un cycle étonnant qui va de la connaissance aux nettoyages anaux et rappelera le destin des journaux dans les latrines… Qui sent désormais une once de culpabilité, en découvrant que n'avoir pas cédé à l'impulsion d'achat de cet essai, de ce roman, l'a conduit à finir dans le tout-à-l'égout ou la fosse... septique ? (NdR : jeu de mots assumé)
De quoi célébrer, doublement, ce 26 août : pour ce faire, plongez dans le livre de Natacha Seret, Rouleaux de papier toilette & carton, expliquant comment transformer des rouleaux de papier en jouets, avec découpage et coups de pinceau. Si vous le trouvez : il est désormais indisponible à la vente... peut-être changé à l'état... de papier toilette ?
Crédits photo : Tama66, CC 0
Paru le 03/02/2021
30 pages
Flammarion
7,90 €
Paru le 03/01/2008
40 pages
Editions Clair de Lune
9,50 €
8 Commentaires
Aurelien Terrassier
24/08/2023 à 16:31
C'est du vrai recyclage pragmatique. Comme pour les CD transformés en panneaux solaires, c'est bien que des livres invendus soient recyclés en papier toilette. Rien ne remplacera le livre mais les liseuses nouvelles génération qui font aussi bloc-notes et dotés d'un grand écran, du WiFi et d'Android peuvent remplacer une bibliothèque, des carnets et des agendas!
jujube
25/08/2023 à 04:54
Nicolas Gary,
Super épatant votre texte, avec sous-titres d'un humour flamboyant. "Etron, étron petit patapon" est une perle; oui on y met la patte, al étron, faut bien, avec ou sans papier et tant pis pour le menaçant bâton-ton-ton!
Nicolas Gary - ActuaLitté
25/08/2023 à 09:06
*rougissements d'adolescent*
jujube
25/08/2023 à 17:26
Waaaw, mon vieux!
Marie
25/08/2023 à 10:01
Encore heureux que ActuaLitté ne soit pas sur papier, q ou autre. Les rouleaux de papier sont par contre des allumeurs de feu très efficaces. Tout peut se recycler.
Aurelien Terrassier
25/08/2023 à 13:14
Le mieux serait évidemment de pouvoir avoir des romans https://www.neozone.org/insolite/toilet-books-du-papier-hygienique-imprime-avec-des-oeuvres-litteraires-pour-ceux-qui-passent-leur-vie-aux-toilettes/ Après il est vrai que pour allumer le feu de cheminée c'est aussi bien que du papier journal.
Béchir MEZNI
25/08/2023 à 18:18
j'adore. Merci !!!
Roland Albertini
25/08/2023 à 19:39
Le rouleau Yann Moix est déjà cul/te.