La solidarité s’exprime parfois par de surprenantes manières. Et quand c’est dans la ville de Naples qu’elle s’instaure, on dirait volontiers que les voies du Seigneur sont impénétrables. Antonio, un SDF qui s’était fait dérober son sac à dos servant d’oreiller, a passionné toute la ville. Et provoqué une vague sans précédent de générosité : privé de coussin, le voici pourvu de dizaines de livres…
Au petit matin, ce 8 juin, des malfrats ont agressé Antonio, dans la rue Benedetto Croce : un couteau dégainé a rapidement convaincu l’homme de céder son sac — qui contenait toutes ses richesses : des livres de théologies, des essais de mathématiques et d’architecture. Au lendemain de ce larcin, le conseiller municipal Pino De Stasio diffusa un message à l’attention des citoyens.
« Je me demande quelle tête auront tiré ces misérables, quand, au lieu de trouver de l’argent ou autre chose, ils sont tombés sur des livres », se révolte-t-il. Et d’inviter toute personne sensible à cette sordide histoire à apporter des livres, qui seront remis à Antonio, pour remplacer sa bibliothèque perdue. Il suffisait de déposer les ouvrages au 7 Bello, un café de Naples… Avec un peu de chance, les Napolitains rapporteraient une dizaine d’exemplaires, imaginait-on.
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Sauf que non : « Les livres arrivent par dizaines, une avalanche », commente, ébahi, Pino De Stasio. Au lendemain de son appel, les citoyens mobilisés ont cheminé jusqu’au café et déposé leurs contributions. Y compris un précieux volume de théologie, qu’avait publié la maison spécialisée Queriniana. « Je remercie les nombreuses personnes qui réconfortent notre cher ami, victime d’un braquage ignoble, d’une solidarité réelle », poursuit-il.
Il Mattino raconte que la critique littéraire et écrivaine Carmen Pellegrino fut l’une des premières à emboîter le pas : « Dans ce monde si cruel existe encore quelqu’un dont le bonheur découle d’un livre », indiquait-elle. Et, à son tour, de mobiliser la bonne volonté de chacune et chacun, pour aider Antonio, dont « le sac à dos rempli de livre était tout ce qu’il possédait. Antonio, lit, lit en permanence, en plein jour ou à la lueur des réverbères ».
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Il est d’ores et déjà impossible que le nouveau sac à dos d’Antonio contienne tous les dons récoltés : ce 10 juin, plus de 120 livres furent apportés au 7 Bello. Conclusion, l’établissement met en place une « salle d’urgence », offrant, aussi bien aux clients qu’aux étudiants ou encore aux sans-abri, un accès libre et gratuit à ces lectures.
Carmen Pellegrino estime qu’Antonio a lui-même fait un cadeau aux habitants : « Nous rappeler, encore un peu, qu’un livre contient tout ce que nous recherchons, et qu’il suffit en soi. Et quelle magnifique source d’espoir, quelle belle espérance. Je propose donc de nommer Antonio ambassadeur national de la lecture on the road. »
Crédits photo : Pino De Stasio
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