J'aurais voulu voir Godard

À l'approche du festival de Cannes, Philippe Dupuy sort son dernier album, J'aurais voulu voir Godard. Pour ce livre, le dessinateur a rencontré le réalisateur...ou pas...enfin peut-être...on sait pas vraiment...et peu importe...on s'en fiche bien, finalement, de savoir si les deux hommes se sont vus, car indéniablement, Philippe Dupuy dialogue dans cet ouvrage avec Jean-Luc Godard.

Et plutôt que dans un café, cette conversation s'ancre dans les écrits et films de ce dernier, dans son œuvre dont la modernité résonne encore avec autant de force. L'auteur s'interroge à travers le prisme de ce réalisateur unique, à travers la fascination qu'exercent sa liberté de création et l'articulation de sa pensée.

Cette rencontre n'est pas tout à fait fortuite et survient alors que l'auteur semble en pleine introspection sur sa pratique artistique. En effet, celui qui a débuté en démontrant une pleine maîtrise du récit classique ne cesse de déconstruire les supposées ontologies du médium pour développer une pratique singulière qui tend vers le sensible.

Il l'écrit lui même dans ce livre : "Je rêve d'une bande dessinée INSTANTANÉE que je dessinerai sur le même fil temporel que mes pensées", ajoutant plus loin "mais peut-être qu'il faudrait moins la lire que la ressentir". Abrogeons alors le conditionnel car justement, dans ces pages et dans ses albums précédents, Philippe Dupuy parvient justement avec une grande finesse à mettre en oeuvre des expériences de lecture singulières qui mêlent réflexions sur le fil et expérimentations graphiques dans une parfaite synchronie.

Il bouleverse alors notre rapport à la lecture et au récit de bande dessinée, mais n'est-ce pas ce que l'on cherche aussi, dans une œuvre d'art : être bousculer dans nos certitudes pour redéfinir voire redécouvrir notre perception du monde.

Le dessin est libre, beau, vivant, incarné, il ne s'épuise jamais et se ressource sans cesse, et l'on se plaît à imaginer des albums entièrement composés de ces interludes graphiques qui racontent autant que les planches de dialogues, juste différemment.

Une michronique de
Jean-Charles Andrieu de Levis

Publiée le
15/05/2023 à 17:27

1 Commentaire

 

Marie

18/05/2023 à 08:45

Ce bande dessinéeiste est-il celui préféré des cruciverbistes?

J'aurais voulu voir Godard

Philippe Dupuy

Paru le 03/05/2023

104 pages

Futuropolis Gallisol Editions

22,00 €