Le Festival d'Angoulême ne rencontre pas seulement des problèmes vis-à-vis de son organisation interne : le Grand Prix BD, récompense ultime de cette manifestation centrale pour le 9e art, est chaque année critiqué par la profession. En 2013, les auteurs dénonçaient un choix des académiciens qui ne leur apparaissait pas conforme à l'esprit d'une génération, celui d'avoir honoré Willem.
Le 16/01/2014 à 16:20 par Antoine Oury
Publié le :
16/01/2014 à 16:20
Angoulême à l'heure du Festival, en 2012 (sebgonza, CC BY 2.0)
Une sorte de bataille des Anciens et des Modernes, semble-t-il, pour le domaine de la bande dessinée. En 2013, alors que le Grand Prix était attribué à Willem, un ex-lauréat commentait les résultats, en citant les autres auteurs en lice, et en mettant en cause la partialité des académiciens : « A la rigueur, Taniguchi, qui a un trait moins manga, aurait pu avoir une majorité, mais Otomo et Toriyama ont exacerbé à plein le racisme anti-manga de certains membres de l'Académie, nous a révélé un ex-Grand Prix. Quant à Chris Ware et Alan Moore, ils n'avaient tout simplement pas lu leurs œuvres. C'est un peu la honte. »
Les électeurs étaient alors les auteurs accrédités par le Festival, qui devaient déterminer les 5 finalistes sur une liste de 16 personnalités choisies par le « comité électoral du Grand Prix d'Angoulême » sur des critères qui n'ont pas été rendus publics. Le choix final était réservé à l'Académie des Grands Prix, ce qui avait provoqué le courroux des auteurs.
« Sur 1.400 auteurs présents, 537 se sont exprimés » expliquait alors Franck Bondoux, le délégué général du Festival. Ce mode de scrutin n'en était alors qu'à sa première année d'existence.
Et également sa dernière, puisque la manifestation a rapidement annoncé une révision du mode de désignation.
Des Sages bien agités par les événements
Et, cette même bataille des Anciens et des Modernes est aujourd'hui relancée, avec la signature par 16 membres de l'Académie des Grands Prix, sur les 33 qu'elle compte, d'un texte fustigeant ce mode de scrutin inédit. Ainsi, Willem, Philippe Druillet, José Muñoz, Enki Bilal, François Schuiten, Florence Cestac, René Pétillon, André Juillard, Daniel Goossens, Frank Margerin, Philippe Vuillemin, Martin Veyron, Jean-Claude Denis, Baru, François Boucq et Philippe Dupuy dénoncent une « usine à gaz », générée par l'ouverture des votes à tout les auteurs.
« Nous restons attachés au Festival (et à la région Poitou-Charente) et voterons ou nous abstiendrons à titre individuel avec l'ensemble de la profession », signalent toutefois les signataires.
Près de 1.300 auteurs se seraient déjà exprimés via le site dédié : on réalise bien, avec ce chiffre, que le scrutin préalable est loin d'être véritablement ouvert à tous. Les accès au site dépendent bien entendu du FIBD, ce qui semble nécessaire pour éviter un trucage des scrutins par n'importe quel quidam.
Deux collèges ont été constitués : celui des auteurs et celui de l'Académie. Un premier tour, ouvert jusqu'à vendredi, permet aux deux collèges de choisir ensemble trois noms de la liste. À partir du 19 janvier, les trois noms arrivés en tête de ce vote électronique seront proposés séparément aux suffrages des deux collèges, lors d'un second tour, afin d'aboutir à la désignation du Grand Prix 2014, rappelle l'AFP.
Du côté des auteurs, le nouveau mode de scrutin satisfait, sans surprise. Trondheim, qui avait l'an passé dénoncé le mode de désignation final du lauréat, sans remettre en cause la légitimité de celui-ci, déclare : « Je trouve très bien le nouveau mode d'élection. D'autant qu'il y a déjà eu 2 élections au suffrage universel des auteurs dans les années 90 avec Goossens puis Crumb l'année suivante comme lauréats. Et à ce moment, les Grands prix n'avaient pas 50 % des voix comme maintenant. Et ils n'avaient pas été consultés non plus. Si les académiciens étaient capables de se mettre d'accord sur un nom, ils auraient de facto la majorité », note-t-il, contacté par email.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
Commenter cet article