On lui avait déjà recensé une bonne partie de tous les défauts de la Terre, et la mule était sacrément chargée. Fallait-il alors la finesse de l’humour norvégien pour trouver dans le discours de Donald Trump, des notes de poésie ? Manifestement, et le créateur de la collection Chris Felt, qui vient de sortir un recueil de ses plus beaux mots, en est — presque — convaincu.
Le 13/05/2017 à 10:59 par Nicolas Gary
Publié le :
13/05/2017 à 10:59
Chris Felt (c) Owen Behan HOY
En guise de recueil, ce sont en réalité les pires citations que l’on ait trouvées dans la bouche du président américain, et ce même avant qu’il ne le devienne. Dans les discours, les interviews, chacune de ses interventions sur Twitter : Donald est un vivier sans fin, de petites phrases — des paroles en archipel, oserait-on ?
Et Chris Field, ancien journaliste, de souligner : « Il peut se montrer terriblement machiste, impitoyable, chaotique, mais quand ses citations sont alors mises en forme, on lit d’autres choses sur sa personnalité. » Les sentiments qui s’en dégagent feront peur, exemple à l’appui, tiré de l’un de ses interventions.
Je l’ai dit
si Ivanka
n’était pas ma fille
peut-être
je lui proposerais un rencard.
Si l’écœurement ne vous est pas immédiatement monté à la gorge, alors relire cette sorte de haïku trumpien n’est pas nécessaire. Ces propos, Trump les a tenus voilà une dizaine d’années…
Pour l’éditeur de ce texte, Kagge, les Américains ont été séduits par le langage même de Trump — bien que l’on ne puisse pas lui en attribuer tout le mérite. « Il est si effrayant de voir que cet homme fictionnel est en réalité vrai. »
Les discours sont des accumulations de clichés, de phrases simples, voire rudimentaires : une rhétorique primitive, en mesure de toucher n’importe quel citoyen. « La langue est liée au message et le message est lié à ce qui a fait de Trump un président. Mais ses électeurs ne sont pas en mesure de distinguer le faux du vrai, ou même si Trump est réellement susceptible de joindre le geste à la parole. »
Le livre lui-même ne manque pas d’humour : son titre, Make Poetry Great Again, est une parodie du slogan de Trump, Make America Great Again, par lequel il sut galvaniser les foules. Le tirage de 2000 exemplaires, proposé pour 299 couronnes l’unité, a connu un certain engouement médiatique. Et le président a bien entendu reçu une copie.
Le livre contient uniquement des discours. « Je connais des mots. J’ai les meilleurs » avait un jour déclaré Trump. « Ce qu’il dit est plus proche de la poésie et de la fiction que de la réalité », commente Chris Felt.
L’AFP qui a enflammé le monde avec ce sujet, reprenant l’entretien donné à l’Aftenposten, oublie toutefois de préciser que l’initiative originale de Chris Felt… manque en fait d'originalité. En effet, le 45e président des États-Unis avait déjà fait l’objet d’un recueil, avec exactement le même titre, Make Poetry Great Again.
C’est l’auteur Pedrito Ortiz, originaire du Mexique, qui en février 2016 avait autopublié un ouvrage présentant exactement les mêmes caractéristiques. Des discours, des interventions, des commentaires de Trump, le tout compilé dans un ebook — et surtout, comble de l’humour, préfacé involontairement par Sarah Palin, une autre forme d’extrémisme américain.
Et en février 2016, cette même idée avait également jailli dans l’esprit d’Hart Seely, qui mettait en ligne Bard of the Deal : The Poetry of Donald Trump, le même type d’approche. Avec en guise d’accroche, ce poème, traduit par nos soins :
J’ai été attaqué insidieusement
Par ces femmes
Bien sûr, c’était très difficile pour elles
De m’attaquer sur mon look
Parce que je suis plutôt pas mal
Mais j’ai été attaqué insidieusement
Par ces femmes
La poésie trumpienne méritait donc que les tromettes de la renommée sonnent bien fort, afin de rendre à ce César, ce qui lui revient…
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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