L’homélie du Pape François a eu quelques accents d’héroic fantasy, quand le locataire du Vatican s’est mis à citer… Tolkien. Un plaisir qu’on ne boude pas d’évoquer, d’autant que le souverain pontife n’en est pas à son coup d’essai avec le romancier britannique. Et qu’il l’apprécie tout particulièrement.
Le 25/12/2023 à 18:36 par Clément Solym
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25/12/2023 à 18:36
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On sait que, parmi les grands admirateurs de l’œuvre, se trouvent des personnalités telles que l’acteur Nicolas Cage ou encore la comédienne Megan Fox, qui l’a citée un peu à tort et à travers — selon les puristes. Alors que la fumée blanche du célèbre Habemus Papam s’élevait dans les cieux romains le 13 mars 2013, le site italien Inoltre rapportait que le Cardinal Bergoglio s'était déjà inspiré de l’œuvre de Tolkien pour ses sermons.
Jorge Mario Bergoglio, alors en fonction en Argentine et bien avant d’être élu Pape François, avait recommandé la lecture de Tolkien à ses fidèles. C’était à l’occasion de l’homélie pascale, qui mettait en lumière l’importance du voyage : étaient évoqués Ulysse, Énée, mais aussi, dans une littérature plus contemporaine, les deux Hobbits. « Tolkien a conféré à Bilbo et Frodon cette image d’êtres appelés à marcher. Et ses héros, autant dans leur quête que dans leur interprétation, incarnent ce choix entre le bien et le mal. Voici une lutte où la dimension du réconfort et de l’espoir est omniprésente. »
Dans ce discours, il faisait également référence à Borges, Hölderlin et Dostoïevski, abordant le parcours de l’homme dans cette quête duale. Et depuis, les références à l’œuvre de J.R.R. Tolkien, tant de la part du Cardinal que du Pape, n’avaient pas été fréquentes. S’agissait-il alors d’un clin d’œil circonstanciel ? Non seulement la messe de Noël démontrerait que non, mais surtout, en tant qu’homme de lettres, il avait récemment utilisé l’une des sagas les plus appréciées pour illustrer une idée.
En août dernier, Monseigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, relevait ainsi, lors du discours prononcé à l’occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse, un clin d’œil papal, de nouveau à Tolkien. Il s’agissait là d’une lettre datée de mars 1941 : un texte intime et personnel, certes, où l’écrivain évoquait sa propre relation à la foi. Mais tout de même, une nouvelle incursion de François dans les écrits de JRR.
On comprend bien que les Hobbits, perdus dans une aventure qui les dépasse, symbolisent aisément la petitesse des individus dans un monde marqué par la violence et la puissance. L’intensité de leur périple avait des résonances bibliques, chose que J.R.R. Tolkien n’a jamais niée, avec également une dimension sacrificielle — comment, sans succomber, se défaire de ce maudit anneau de pouvoir ?
Or, devant environ 6500 personnes rassemblées à la Basilique Saint-Pierre, le Saint-Père a livré une homélie où la guerre constituait le fond du tableau : celle entre Israël et la Palestine, bien évidemment, alors que le Pape incitait chacun à vivre « le temps de l’adoration ». En ce jour, il affirmait : « Notre cœur ce soir est à Bethléem, où le Prince de la Paix est encore rejeté par la logique perdante de la guerre, avec le rugissement des armes qui, aujourd’hui encore, l’empêche de trouver une maison dans le monde ». Il soulignait que « Jésus est rejeté par la logique de la guerre ».
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Cette petitesse attribuée aux Hobbits se retrouvait dans la suite de son discours : « Pendant que l’empereur recensait les habitants du monde, Dieu entrait presque secrètement. Alors que les dirigeants tentent de s’élever parmi les grands de l’histoire, le Roi de l’histoire choisit la voie de la petitesse. Aucun des puissants ne le remarque, seulement quelques bergers, relégués en marge de la vie sociale ». Un Jésus dont Frodon et Bilbo pourraient refléter le parcours ? Être un humble parmi les autres, tout en affrontant un destin redoutable…
Et pour sa conclusion, il s’est référé à la fameuse Lettre 43 de mars 1941, adoptant les mots « d’un grand conteur d’exploits épiques, qui écrivait alors à son fils ». Les mêmes paroles qu’en août, le même appel, la même grandeur.
Cette histoire serait anecdotique, dans l’univers de la papauté et celui de la littérature si, depuis quelque temps, l’extrême droite italienne ne s’était emparée des figures du Seigneur des Anneaux. Mieux : une certaine Giorgia Meloni a fait de l’univers romanesque un faisceau de référence où puiser.
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Plus qu’une œuvre littéraire, la Première ministre il lisait un idéal commun. Car LotR n’est « pas une simple saga de fantasy, comme le pensent certains (qui ne l’ont pas lu), mais une extraordinaire métaphore sur l’homme et le monde. Un livre empli de grands et intemporels enseignements », affirmait-elle en octobre 2022. Et de conclure : « Si ce n’est pas déjà fait, lisez-le absolument. » Une tendance qui séduit une partie de la jeunesse portant à droite et une influence de la politicienne dans laquelle puiser sans peine.
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Cette reprise par le Pape François renverse-t-elle la tendance ? À écouter à partir de 56'30 :
Par Clément Solym
Contact : clements@actualitte.com
4 Commentaires
Forêt
25/12/2023 à 23:53
Le pape et Meloni, å l'unisson, salissent Tolkien en l'instrumentalisant. J'ai honte pour eux
Bois
26/12/2023 à 11:26
L'instrumentaliser pour quoi ? Pour la promotion du catholicisme et de ses valeurs ? Tolkien lui-même promeut la foi catholique, et bien davantage que ce que beaucoup de "fans" (qui bien souvent ne l'ont pas lu) semblent penser. Le Pape et Meloni ont le mérite de reconnaitre l'évidence de l'influence de cette religion dans les écrits de Tolkien, et s'ils s'en réfèrent, c'est tout à l'heure honneur, cela montre qu'ils connaissent un auteur profond et fantastique.
Luc
29/12/2023 à 07:50
Quand on est vicaire du Christ et que le public est la planète entière (pas que la frange littéraire occidentale), n'y aurait-il pas d'autres références à citer? Si Tolkien était chrétien, son œuvre est elle ésotérique, avec son univers d'elfs et de sorcellerie. Tout ce dont Jésus Messie est venu nous délivrer.
Paradiski. Vous ne comprenez rien au symbolisme de la quête et de la lutte du bien etdu mal!
31/12/2023 à 13:44
C'est une excellente allégorie du combat du bien contre les gorges du mal.