Une véritable basse-cour que ce week-end pascal ! Dans les magasins, l’industrie agroalimentaire change en chocolat tout ce qui est à plume, carapace ou poil. Certes, pas de gros barbu en rouge et blanc, pour porter hautes les couleurs du consumérisme. Apportons donc, livres à l’appui, quelques considérations moins culinaires et plus symboliques sur la plus importante fête du christianisme.
« Comme une poule devant un couteau », « Un lapin pris dans les phares d’une voiture »… ces expressions de sagesse populaire, un brin mordbides, trouvent une résonnance particulière quand Pâques approche . Célébration du troisième jour, celui de la résurrection du Christ, cette fête découle de Pessa’h. Une autre expression de salut, puisque la Pâque juive commémore la sortie d’Égypte pour les Hébreux, et la fin de l’esclavage. D'où l'expression apocryphe : sortir enfin de la MoÏse...
Pour le clin d’œil et les fans de super héros, soulignons le diptyque Blackest night (Urban comics, scénario de Geoff Johns) : une histoire de résurrection où Green Lantern et Flash auront fort à faire contre une invasion de super-morts-vivants…
Mais revenons aux bêtes, avec l’incontournable agneau pascal. Préparant l’exode de son peuple, Dieu indiqua à Moïse de marquer par le sang d’un agneau, avec une branche d’hysope (rien à voir avec le fabuliste), les portes des maisons. L’Ange de la Mort traînant dans le quartier, avec pour mission de tuer les premiers nés égyptiens, cette trace l’empêcherait de commettre un impair. Attendu que ce châtiment s’inscrivait dans la série des Dix plaies comme le dernier, une erreur aurait ridiculisé toute la démarche.
D'ailleurs, on trouvera un lot intéressant de recettes associant l’hysope à l’agneau – la plante condimentaire sert avantageusement à relever les plats. D’ailleurs, tant dans le pastis que dans la bière, on en retrouve. Une autre de ses propriétés en fit un agent réputé, sous forme d’huile, pour les pratiques abortives.
L’agneau comme figure christique n’est plus à rappeler : empruntant à l’image sacrificielle juive, Jesus donna lieu à une tradition culinaire dans les pays catholiques. Mais pour qui n’aime pas sortir son fait-tout, conseillons la dégustation de l’album Quand l’agneau va dîner chez le loup de Steve Smallman et Joëlle Dreidemy (trad. Sandy Julien). Une jolie rencontre et un pied de nez à la gastronomie...
Désormais pleinement intégré à l’artillerie des préparations animalières en chocolat, l’agneau se déguste symboliquement en gâteau. Le Lammele, ou Osterlammele signifie littéralement « petit agneau de Pâques » : cette tradition alsacienne réconciliera viandards et anti, avec une génoise moulée pour donner la forme de la bestiole…
Lewis Caroll invite à célébrer le lièvre de mars — qualifié de fou parce que la croyance populaire y voyait la période d’accouplement en Angleterre… à tort. Sauf que la lecture d’Alice au pays des merveilles n’attend ni Pâques ni la Saint Glinglin.
De son côté, le lapin est une star européenne : on attribue à l’Allemagne du Sud l’origine de cette célébration, associée au printemps — fertilité et renouveau, deux qualités indissociables de ces lagomorphes. Avec les vagues migratoires vers les États-Unis du XVIIIe, les colons germaniques emportèrent leur lapin… et ses œufs.
Quel lien en revanche avec les œufs ? Eh bien la légende allemande voudrait qu’une pauvre femme ait caché des œufs peints dans son jardin, à l’attention de ses enfants. Ces derniers virent un léporide traverser, et lui attribuèrent cette étrange ponte.
Dans les territoires de Saxe, on lui prête également un lien avec la déesse Éostre — devenue Easter, ou Pâques en anglais. Le lien avec la période printanière reste identique. Le reste, ce sont les chocolatiers qui l’ont décidé : il s’avère nettement plus amusant de vendre des œufs associés à un lapin — un peu comme les cigognes qui portent les bébés… Reste à savoir avec qui a couché la cigogne.
Depuis, la littérature a pleinement emboîté le pas et consolidé la légende. À titre personnel, je suggérerais de découvrir le livre de Philippe Matter : Mini-Loup et le lapin de Pâques. Probablement une histoire où l’accent est porté sur l’extraordinaire : le léporide livre ses œufs à scooter et s’est blessé à la patte. Mini-loup et ses copains lui donneront donc un coup de main…
Ce cher Lafontaine sait combien les gallinacées se montrent parfois coquettes. Rappelons tout de même que le Carême, autre temps liturgique d’envergure, interdit de manger de la viande ou des œufs — commode, pour un clergé, quand de toute manière ses ouailles n’ont pas les ressources ni le droit de s’en procurer le reste de l’année. Et que le point d’orgue de cette passe de jeûne n’est autre que… Pâques.
Quarante jours durant, se serrer la ceinture, voilà qui rendait tout le bestiaire pascal plus savoureux encore : des agneaux, des lapins et des lièvres — on ne fera pas la fine bouche — ou encore des œufs miraculeux… Mais la sagesse populaire, prompte à gober des paraboles, sait aussi que la poule n’est jamais loin de l’œuf. De là à dire qui arriva en premier…
Ces œufs magiques ont plusieurs ramifications : ceux que l’on trempe dans l’eau salée en mémoire des morts, lors de Pessa’h… ou ceux que les druides peignaient pour rendre hommage au soleil. À mi-chemin de la vie et de la mort, l’œuf incarne un bien particulier. Et si, durant Carême, on avait interdiction de les manger, on n’allait pas les perdre pour autant…
T’Choupi, Petit Ours Brun ou Augustin ont tous vécu leur lot de chasse confortant l’imagerie enfantine de l’exercice. Ah, la joie de « émerveillement simple », comme disait Christian Bobin…
Brigitte Bardot nous pardonnera (ou pas…) le détournement de sa Madrague : c’est pour la bonne cause. Car une autre offre de confiseurs puise dans le monde marin cette fois de quoi contenter les gourmands : poissons, fritures, crustacés… et pourquoi pas du plancton ? Pourtant, crevettes ou étoiles de mer auraient toute leur place dans les sachets de Pâques.
Les Évangiles racontent en effet non pas un, mais bien deux épisodes de pêches miraculeuses : l’une précède, l’autre suit, précisément, l’épisode de la résurrection. Chaque fois, Jésus encourage les apôtres, rentrés bredouilles de leur séance en mer, à relancer leurs filets. Et chaque fois, ils ramènent une quantité de poiscaille colossale. (voir Luc 5. 1-11 et Jean 21. 1-24)
Évidemment, les chocolats en forme de poisson rappellent gentiment les autres poissons qui inaugurent le mois d’avril — autrement appelés Easter Eggs chez les Britanniques. L’épisode de pêche évangélique n’aurait pas de lien avec les plaisanteries facétieuses du moment. Encore que ne pas envisager que Jésus n’ait pas eu le sens de la blague serait, en soi, une triste chose.
Si ce papier s’est concentré sur les animaux fétiches de la période pascale, rendons tout de même grâce à celles qui furent les DHL de l’époque, en matière de livraison d’œufs : les cloches. Ces dernières respectent en effet un silence à compter du Jeudi Saint, pour trois jours — jusqu’à la résurrection.
La légende, toujours imaginative, se devait d’expliquer aux plus jeunes non pas la mort et le retour du sauveur, mais plutôt les raisons du silence des clochers. On leur prêta alors le pouvoir de voyager jusqu’à Rome, afin d’obtenir la bénédiction papale. Sur le retour, elles dispersèrent des friandises pour les enfants. L’album de Claire Maurin et d’Anne-Sophie Droulers, Aglaë et les cloches de Pâques, évoque avec beaucoup de poésie le sujet – pour ouvrir un peu plus la conversation.
Les cloches, support logistique complétant (ou suppléant) le travail des lapins, pas toujours très fiables. D’où l’expression quand on ne trouve rien : s’être fait poser un lapin… une chose qui n'arrive pâque aux autres...
Crédits photo : Kenny Eliason / Unsplash
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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