Les dessins dans les marges et autres gribouillages fascinent depuis l'invention de l'écriture, comme une expression plus libre des pensées de l'écrivant. Dans une lettre au peintre Robert Pinchon, en 1876, Maupassant explicite les siennes en entourant le nom de l'actrice Suzanne Lagier de... phallus dressés. Cette lettre pornographique sera mise en vente par la maison Aguttes le 22 février prochain.
Le 15/02/2023 à 12:00 par Antoine Oury
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15/02/2023 à 12:00
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La vente aux enchères de la maison Aguttes, le 22 février prochain, réunit un certain nombre de pièces exceptionnelles pour les bibliophiles. Un manuscrit complet du roman Jean qui grogne et Jean qui rit de la Comtesse de Ségur, un document unique sur la conception du parachute par Joseph-Michel de Montgolfier, ou encore une lettre du peintre Paul Gauguin.
Mais le document le plus insolite restera sans doute ce courrier de Guy de Maupassant adressé à son ami le peintre Robert Pinchon, en date du 11 mars 1876. Cette longue lettre, rédigée sur un papier bleu affiche plusieurs portraits réalisés par l'auteur, dont ceux de ses collègues Gustave Flaubert, Alphonse Daudet et Ivan Tourgueniev, qu'il admirait.
L'auteur de Boule de suif admirait aussi Suzanne Lagier (1833-1893), mais avec d'autres motivations. Cette comédienne et chanteuse, très célèbre au XIXe siècle, défrayait la chronique avec des textes grivois et délurés.
Maupassant n'y était pas insensible : son poème 69 — tout à fait ce à quoi vous pensez — lui serait entièrement dédié.
Ça, monte sur ton lit sans te laver la cuisse ;
Je ne redoute pas le flux de ta matrice ;
Nous allons, s’il te plaît, faire soixante-neuf !
J’ai besoin de sentir, ainsi qu’on hume un œuf,
Avec l’âcre saveur des anciennes urines,
Glisser en mon gosier les baves de ton con,
Tandis que ton anus énorme et rubicond
D’une vesse furtive égaye mes narines !
– Guy de Maupassant, 69, 1877 (extrait)
Dans sa lettre de 1876, Maupassant révèle déjà sa fascination érotique pour Suzanne Lagier, qu'il vient tout juste de rencontrer et qu'il décrit comme « une admiratrice passionnée ». Lui attribuant le titre de « première Baiseuse, Pompeuse, Gamahucheuse, enculée » d'Europe, l'écrivain précise qu'« elle déborde des histoires les plus excessivement cochonnes et drôles ».
Comme si son attirance érotique n'était pas assez sensible pour son correspondant, Maupassant entoure le nom de Lagier de deux pénis.
L'auteur fréquente Lagier régulièrement, mais n'hésite pas, auprès de son confident, à révéler qu'elle l'épouvante en raison de « la grosseur de son ventre ». Ou ne serait-ce qu'un prétexte, pour ne pas révéler combien l'artiste l'impressionne ? Plus loin, il admet ainsi : « Avec une femme de cette expérience et de cette dépravation, qu'arrivera-t-il ? Je me creuse le cerveau depuis 2 mois pour trouver ce qu'elle pourra bien en faire (de ma queue) [...]. »
En 1878, décidément obsédé par le corps de Lagier, il remarque qu'elle « était énormément maigrie de partout », comme le lui avait montré l'actrice elle-même.
Guy de Maupassant aurait-il craint la panne ? Rien n'est moins sûr, puisque l'époque exploitait le fantasme masculin par l'intermédiaire du cancan et de la réputation des cancaneuses : les rumeurs de rivalité entre artistes ou, au contraire, de relations homosexuelles, participaient à l'exploitation de leurs talents. Mais ces femmes portaient aussi une certaine conception de la liberté et de l'indépendance, qui pouvait effrayer quelques hommes...
La lettre de Maupassant est estimée entre 8000 et 10.000 €.
Si le dessin de pénis peut donc s'inscrire dans une certaine tradition littéraire, n'oubliez donc pas de vous entrainer aux croquis de clitoris et autres vulves...
Photographie : caricature de Guy de Maupassant par Coll-Toc en 1884, Les Hommes d'aujourd'hui, n°246 (détail), Getty Research Institute (domaine public)
1 Commentaire
jujube
16/02/2023 à 16:45
Avec Maupassant il faut s'attendre à tout.
Pas bête de dessiner des zizis partout, ça permet de donner une belle image du sien ou de le remplacer par un joujou en papier si le vrai se perd dans une latrine, une piscine, ou pendant une promenade à la campagne, en cas d'agression suivie de castration par un malfrat ou perte de mémoire avant de passer à l'acte: "Au secours, j'sais plus où j'ai laissé Michou!"
Vous captez l'horreur?
De tous temps, l'humain a décoré ses murs de ces petites merveilles anatomiques. C'est une profession de foi et d'orgueil mêlés. Vive les méli-mélo, les gars!