FIBD22 — Le Prix Éco-Fauve Raja, récompense qui devait être décernée pour la première fois lors du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, du 17 au 20 mars prochain, traverse de sacrées turbulences. Après le départ des membres du jury, qui dénoncent une opération de verdissement au profit du principal sponsor du festival, le spécialiste de l'emballage Raja, des auteurs de la sélection préfèrent s'écarter de la récompense.
Sauve qui peut : à quelques semaines du Festival international de la bande dessinée et de la première édition de son Prix Éco-Fauve Raja, ce dernier est abandonné de toutes parts. Présentée en novembre 2021, cette récompense doit saluer une bande dessinée sur le thème de l'écologie, ou avec des thématiques écologistes.
Des auteurs s'étaient déjà étonnés de la création de ce prix alors qu'en marge du festival était décerné chaque année le Prix Tournesol, depuis 1997, à l'initiative du parti Les Verts, devenu EELV. Ce Prix Tournesol récompensait justement une œuvre aux thématiques écologistes, lui aussi. L'organisation du festival avait indiqué qu'elle ne pouvait pas s'associer à un prix porté par un parti politique.
Le 9 février, une autre polémique a pris le relais, cette fois de « l'intérieur » du prix : les 5 membres du jury ont annoncé leur démission, indiquant qu'il leur paraissait « inapproprié qu’une marque industrielle soit associée à un prix récompensant la bande dessinée écologiste à des fins de communication et de promotion de son image ». « Nous avons découvert après coup, sans en avoir été informés lors de l'invitation, que le nom du prix était associé à celui d’une marque, Raja, multinationale de l'emballage et partenaire/sponsor du festival », ajoutaient-ils.
Le FIBD avait riposté, assurant que les membres du jury, et notamment l'auteur François Olislaeger, avaient été informés très tôt de l'implication de la société Raja. « On ne m'a même pas précisé le nom du prix. On m'a simplement demandé si j'étais d'accord pour être jurée de la première édition du prix de l'écologie, et j'ai répondu un grand oui ! », a témoigné dans nos colonnes l'autrice et journaliste Inès Léraud, ex-membre du jury.
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Répondant aux arguments du FIBD, François Olislaeger répliquait : « En quoi est-ce que ce nom de marque va aider les auteurs ? Le prix n'est pas doté. Raja ne donne pas d'argent aux auteurs. Mais il s'offre un beau stand pour parler des résultats de son entreprise et laisser penser qu'il soutient les bandes dessinées qui parlent de l'écologie ? »
Suivant la décision du jury et les arguments de ce dernier, plusieurs auteurs dont les albums ont été sélectionnés ont fait le choix de quitter eux aussi l'aventure, rapporte La Charente Libre. Étienne Lécroart, sur Facebook, fait ainsi part de sa décision, indiquant : « Accoler le nom d'une entreprise, quelle qu'elle soit, à un prix sur l'écologie revient à lui accorder une sorte de caution écologique. » Il avait vu son album Urgence climatique (Casterman), cosigné avec Ivar Ekeland, être sélectionné pour le prix.
D'autres auteurs avaient fait de même, après la médiatisation de la polémique de la semaine dernière, à savoir Étienne Davodeau (sélectionné pour Le droit du sol - Journal d'un vertige, Futuropolis), ainsi que le duo Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici (Le monde sans fin, Dargaud).
A priori, seuls quatre titres restent donc en lice, qu'il sera d'autant plus difficile de départager. Au moment du départ des membres du jury, le FIBD avait indiqué qu'un autre jury, « pas forcément de même nature », serait convoqué dans les meilleurs délais. Mais la récompense elle-même semble compromise, désormais...
Dossier : Le FIBD 2022 à Angoulême : auteurs, programme et événements
Photographie : Cactus Acide et Beurre Fondu, de Nicole Claveloux, au FIBD 2020 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
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