L'auteur américain Chris Ware a été désigné par ses pairs Grand Prix de la ville d'Angoulême, dans le cadre du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême (FIBD) 2021. Il faisait face à Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse.
Le Grand Prix du 48e Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême revient donc à Chris Ware, qui succède ainsi à Richard Corben, Rumiko Takahashi ou encore Emmanuel Guibert.
« Comme il a d'ores et déjà été convenu avec lui », indiquent les organisateurs, « le Festival sera très heureux de l'accueillir à l'occasion de son édition 2022 et de consacrer une exposition à son œuvre. Chris Ware a également accepté de respecter la tradition en réalisant l'une des trois affiches officielles de l'événement. »
L'Américain Chris Ware, dans une lettre, remercie vivement les auteurs votants, mais aussi le FIBD, pour l'honneur qui lui est fait. « Aux États-Unis, la bande dessinée n'est même pas considérée comme un art, tout neuvième soit-il... je vous suis tellement reconnaissant, à vous les Français, d'avoir ce grain de folie, celui de me faire un tel honneur, sans parler de cette généreuse ouverture aux dessinateurs du monde entier grâce à laquelle ils me témoignent de leur amitié artistique », écrit-il.
Né en 1967 à Omaha (États-Unis), Chris Ware est publié très tôt dans RAW, la revue d'avant-garde d'Art Spiegelman et Françoise Mouly. Il entame au début des années 1990 une œuvre d'envergure avec la série des Acme Novelty, vraie-fausse revue à la forme et à la pagination changeante qui installe les personnages bientôt fameux de l'auteur : Quimby the Mouse, Rusty Brown et surtout Jimmy Corrigan. Tous se démarquent par leur timidité, par leur fragilité et par l'empathie immédiate qu'ils suscitent chez le lecteur...
Depuis 25 ans, c'est ainsi une œuvre originale, qui oscille entre une douce mélancolie et une profonde tristesse, que propose Chris Ware, s'attachant toujours à regarder au microscope le quotidien de ses personnages et leurs gestes les plus dérisoires. Par ailleurs, ses livres se distinguent par leur générosité, avec un graphisme immédiatement reconnaissable et une fabrication soignée. La force et la densité de cette œuvre n'ont jamais échappé à la critique.
Salué à chaque nouvelle parution, Chris Ware a reçu de très nombreux prix, dont 28 Harvey Awards et 22 Eisner Awards. L'auteur publie en 2012 le remarqué Building Stories, un livre-objet impressionnant constitué d'une quinzaine de livres de formats divers pouvant être lus dans un ordre choisi par le lecteur – ce dernier livre a reçu le Prix Spécial du Jury au Festival d'Angoulême en 2013. Après sa publication aux États-Unis, sort fin 2020 aux éditions Delcourt, Rusty Brown, présent dans la Sélection Officielle du Festival 2021.
Chris Ware se trouvait aux côtés de Pénélope Bagieu et Catherine Meurisse dans la liste des finalistes de ce Grand Prix 2021, et avait déjà été nommé à plusieurs reprises parmi les favoris pour cette récompense prestigieuse.
Rappelons que le Grand Prix de la ville d'Angoulême, décerné dans le cadre du FIBD, est nommé par les auteurs et autrices eux-mêmes, « quelle que soit leur nationalité, mais dont les œuvres ont été traduites en français ou sont diffusées dans l’espace francophone, et qu’ils/elles soient publié.e.s par des sociétés d’édition ou pas (autoédition, édition à compte d’auteur, édition par une association) », selon le règlement.
En cette année 2021, celle de la BD selon la décision du gouvernement français, une partie des auteurs professionnels avait décidé de transformer le vote en geste contestataire, en élisant Bruno Racine. Ce dernier, haut fonctionnaire et écrivain, avait signé un rapport remis au président de la République et au ministre de la Culture en 2020, qui notait que « la dégradation de la situation économique et sociale des artistes-auteurs se traduit par une érosion de leurs revenus, en dépit de l’augmentation générale de la valeur créée ».
Autrement dit, il pointait un appauvrissement général de la profession, malgré une hausse du chiffre d'affaires du secteur de la bande dessinée. Un paradoxe et une inégalité que les mesures du ministère, prises après ce rapport, ne résoudront pas, selon certains auteurs. Le collectif Autrices Auteurs en Action (AAA) avait ainsi appelé les auteurs à un vote pour Bruno Racine, afin de mettre en avant l'inaction politique.
L'organisation du Festival d'Angoulême et du Grand Prix avait décidé d'invalider ces votes, considérés comme non conformes au règlement de la récompense.
Photographie : Chris Ware (crédits Seth Kushner)
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
Commenter cet article