Des besoins nutritionnels largement exagérés
Parmi les différents voyages qu’il va connaître, le capitaine Lemuel Gulliver, le personnage de Jonathan Swift échoue tout d’abord à Lilliput. Les habitants de cette île ne mesurent que 15 centimètres, en regard de quoi le chirurgien semble un géant. Et mange donc comme tel. Mais selon un scientifique japonais, Gulliver engloutit bien trop pour un être humain.
Swift a-t-il tenté de concurrencer les repas de Pantagruel et Gargantua ? Toshio Kurkori publiait dans le Journal of Physiological Science une très sérieuse étude sur l’alimentation de Gulliver durant son séjour à Lilliput. En effet, Swift écrit que son voyageur avait besoin de la nourriture de 1724 Lilliputiens pour satisfaire sa faim. Un chiffre totalement erroné et excessif affirme le chercheur, avec un sérieux désarmant.
L’ouvrage, publié en 1726 est une utopie satirique, dont le genre fit recette durant bien des années. Mais les conclusions du Japonais l’affirment, « les besoins alimentaires de Gulliver, dans le texte originel, devraient être corrigés, après quasiment trois siècles ».
Pour aboutir à ses résultats, le scientifique a compilé une analyse multifactorielle, en s’appuyant sur les différents éléments concernant les habitants de Lilliput. Swift fournissait manifestement assez de détails pour aboutir à des représentations de la pression artérielle, cumulée à la durée de vie des Lilliputiens.
Ainsi, ce n’est pas la quantité de nourriture ingérée par 1724 Lilliputiens que Gulliver aurait pu absorber : il en serait mort bien avant. Mais plutôt, le repas de 42 d’entre eux. A contrario, Kurkori a pointé que le voyageur n’aurait besoin que de 40 secondes d’un repas typique des Brobdinagiens pour se remplir la panse. Et 1/42e de leur banquet, quantitativement... Evidemment, ce sont des géants qui y vivent...
C’est d’ailleurs ce qui permet au scientifique japonais de conclure qu’entre les Lilliputiens et les Brobdinagiens, il y a le même rapport physiologique qu’entre un rat et de grands dinosaures. Or, par rapport à l’époque, le poids de Gulliver devrait être de 67 kg – pour une taille de 1,5 mètre.
Etonnant, en revanche, que le scientifique japonais n’ait pas tiqué sur la présence d’êtres immortels et de chevaux qui parlent. Après tout, on fait moins attention à sa ligne, quand on voyage – et l’air de la mer ouvre l’appétit c’est connu.
« Après ma présentation, les collègues du club de lecture ont admis qu’ils avaient désormais une meilleure image de ces peuples fictifs. Mais ils ont souligné que ce point de vue, certes unique, n’était pas nécessairement le plus approprié pour enter dans le livre », reconnait Kuroki.
« Je soupçonne que Swift aurait lui-même été amusé par l’exercice. » Ah, c’était donc pour rire... Rappelons que l’intérêt du Japon pour Gulliver est en revanche très sérieux : à proximité du Mont Fuji, avait été ouvert en 1997 un parc d’attractions entièrement consacré à l’univers de Swift – il fit faillite en 2001 et fut détruit six ans plus tard.
L’Archipel fait en effet partie des multiples points de chute du chirurgien au cours de son périple : dans la troisième partie, Lemuel se rend au Japon. Le pays sert la satire de Swift, qui raille farouchement les Hollandais et les Britanniques.
via Ars Technica
Par Clément Solym
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