La septième édition du Prix du roman d'Écologie entend témoigner d'une riche diversité et d'une remarquable audace, embrassant dystopies, éco-fictions, et narrations éco-poétiques. Son jury a retenu six d'entre eux, dont les œuvres envisagent un monde alternatif, où une coexistence harmonieuse entre l'humanité et la nature est (parfois) possible.
Le 15/03/2024 à 16:05 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
15/03/2024 à 16:05
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La remise du prix se tiendra le 14 mai prochain au Mob Hôtel, à Saint-Ouen.
Ces romans ne sont pas des objets de consommation, ils sont là, à lire et relire, reliques d'un temps passé, totems d'une ère prochaine. Ils témoignent d'une époque charnière, la nôtre, où le monde s'assombrit, s'éteint petit à petit, mais où des étincelles d'espoir subsistent et apparaissent. Des soldats de l'ombre s'attellent à créer une vie nouvelle, l'écologie est son cœur, le roman, ses poumons.
Le corpus qui vous est présenté symbolise ce regain de passion pour la nature. Le renouveau d'un émerveillement millénaire, enfoui sous le béton de l'époque, hérité d'un ailleurs. Ces six textes nous emmènent en balade, sans nier la brutalité de la confrontation des êtres humains à leur environnement. Les existences s'y frottent, s'y déchirent et s'y réunifient. Le romanesque y apparaît comme une entreprise périlleuse, mais salvatrice.
- Prix du roman d'écologie.
Voici les finalistes 2024 :
Humus, de Gaspard Koenig, L'Observatoire
Deux étudiants en agronomie, angoissés comme toute leur génération par la crise écologique, refusent le défaitisme et se mettent en tête de changer le monde. Kevin, fils d’ouvriers agricoles, lance une start-up de vermicompostage et endosse l’uniforme du parfait transfuge sur la scène du capitalisme vert. Arthur, enfant de la bourgeoisie, tente de régénérer le champ familial ruiné par les pesticides mais se heurte à la réalité de la vie rurale. Au fil de leur apprentissage, les deux amis mettent leurs idéaux à rude épreuve.
Du bocage normand à la Silicon Valley, des cellules anarchistes aux salons ministériels, Gaspard Koenig raconte les paradoxes de notre temps – mobilité sociale et mépris de classe, promesse de progrès et insurrection écologique, amour impossible et désespoir héroïque… Une histoire de terre et d’hommes, dans la grande veine de la littérature réaliste.
Et vous passerez comme des vents fous, de Clara Arnaud, Actes Sud
Gaspard, un berger pyrénéen, s’apprête à remonter en estive avec ses brebis, hanté par l’accident tragique survenu la saison précédente. Dans le même temps, Alma, une jeune éthologue, rejoint le Centre national pour la biodiversité, avec le projet d’étudier le comportement des ours et d’élaborer des réponses adaptées à la prédation.Sur les hauteurs, les deux trentenaires se croisent de loin en loin, totalement dévoués à leurs missions respectives. Mais bientôt les attaques d’une ourse les confrontent à leurs failles.
Les audaces de la bête ravivent les peurs archaïques, révélant la crise du pastoralisme et cristallisant des visions irréconciliables de la montagne : elle devient l’ennemie à abattre.
Dans cette vallée où jadis le dressage des ours était une tradition, la réintroduction du plantigrade exacerbe les tensions.
Le jour des caméléons, de Ananda Dev, Grasset
Une île : Maurice, la narratrice du roman. Quatre personnages : un oncle las de la vie, sa nièce, unique lumière pour lui, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance. Une journée où tout va exploser : la cité, les haines, peut-être l’île. Enfin, d’étranges animaux qui attendent patiemment que les humains finissent de détruire ce qui leur reste – leur humanité, leur foyer – pour vivre seuls, en paix : les caméléons.
Unité de lieu, de temps, d’action. Le compte à rebours est lancé, le drame peut commencer. Mais reprenons. Le roman s’ouvre, la ville est à feu et à sang. Zigzig, le caïd meneur, tient dans ses bras une fillette ensanglantée. Les plus pauvres viennent de s’attaquer aux plus riches dans le centre névralgique de l’île : le shopping center, désormais en ruines. Au loin, un volcan gronde. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelques heures plus tôt, Zigzig partait avec les siens attaquer ses rivaux tandis que Sara regardait danser une femme libérée sur une plage abandonnée.
Feu le vieux monde, de Sophie Vandeveugle, Denoël
« L’aube s’ouvrit sur un ciel de fumée. La ville, entourée de collines qui la regardaient, semblait bien frêle là-dessous, presque prise en étau, et n’avait plus pour horizon que ce ciel anthracite qui, à mesure que se levait un soleil de feu, s’orangeait. »
La petite ville de Bas-les-Monts a subi la mobilisation de ses jeunes et vit, depuis, au rythme des avions et sous la menace.
L’ennemi est d’une inhabituelle envergure, la ligne de front se déplace au gré des vents : en ce nouvel été caniculaire, ce sont d’effroyables incendies que les appelés combattent. Séparés de leurs familles, Nino, Joseph, le Moineau et les autres découvrent la camaraderie de la troupe et les limites de la docilité. Sous les frondaisons de la forêt suppliciée, le règne animal paie lui aussi un lourd tribut à cette guerre moderne…
Ardente et engagée, cette fable confie à la jeunesse la capacité de lucidité, le pouvoir de l’indignation et la volonté d’inventer l’avenir.
Dans la réserve, d'Hélène Zimmer, P.O.L.
Le chantier du mur érigé par la Wild French Réserve (WFR), entre les espèces protégées et le reste du territoire, est achevé. En se confrontant à ce mur, les trois protagonistes du roman, en proie chacun à des bouleversements personnels, racontent trois expériences sensibles de la crise écologique et de la sauvagerie capitaliste.
Arnaud, marginal, s’est donné les moyens de vivre la vie qu’il désirait, une vie d’autosuffisance et de solitude. Un avis d’expulsion met brutalement fin à ses rêves. Arnaud ne revient pas en arrière. Il se fond dans le territoire et l’état sauvage. Nassim, journaliste, relate le combat de la résistance écologique, mais quand sa compagne, Solveig, lui annonce qu’elle veut faire un enfant seule alors que grandit son désir de paternité, la nouvelle est une déflagration.
À la fin de son service civique, Eva-Lou décide de quitter sa coloc’ pour faire une pause chez sa mère. La tendresse du foyer la maintient dans une posture de post-adolescente avec laquelle elle rompt brutalement en s’engageant comme éco-sentinelle à la WFR. Ce contrat passé avec la société militaire privée la pousse à une émancipation vertigineuse. Elle se voit catapultée dans une mission spéciale. Une bête autrement plus sauvage que les bisons et les loups a franchi le mur.
Orchidéiste, de Vidya Narine, Les Avrils
Sylvain est orchidéiste. Chaque jour, il prend soin de ses fleurs pour une clientèle exigeante. Des orchidées, il sait tout : la symbolique, l’aventure de leur découverte et les ravages sur la nature de leur commercialisation massive. Aujourd’hui, il aimerait céder sa boutique. Mais dans sa famille, une dynastie d’industriels lorrains, on n’a pas su comment transmettre. Alors, pour mieux habiter l’avenir, Sylvain répare les racines abîmées du passé.
Le Jury, co-présidé par Laurent Quintreau, écrivain, et Lucile Schmid, vice-présidente de La Fabrique Ecologique, est constitué de : Sébastien Billard, journaliste à l'Obs, Anais Denoits, directrice associée d'Utopies, Alice Ferney, romancière, Pauline Frileux, ethnobotaniste, maître de conférences à l'Ecole nationale supérieure de paysage de Versailles, Camille Guichard, écrivain, Elizabeth Guillon, directrice animation et coordination transition écologique au Groupe La Poste, Alexis Jenni, écrivain, Christophe Manon, professeur à l’ENSAPC (école nationale supérieur d’arts de Paris-Cergy), Pierre Schoentjes, professeur de littérature française à l’Université de Gand, Jacques Tassin, écologue.
Ainsi que d'étudiantes et d'étudiantes de l'École Nationale Supérieure de Paysage de Versailles et de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy.
Depuis sa fondation, le Prix a distingué les œuvres suivantes : Emmanuelle Pagano avec Saufs riverains chez P.O.L., Serge Joncour pour son œuvre Chien-Loup chez Flammarion, Vincent Villeminot et son roman Nous sommes l’étincelle publié par Pocket Jeunesse, Lucie Rico pour Le chant du poulet sous vide également chez P.O.L., Indice des Feux d'Antoine Desjardins chez La Peuplade, et Peine des Faunes d'Annie Lulu chez Julliard la dernière édition.
Retrouver la liste des prix littéraires français et francophones
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Paru le 23/08/2023
370 pages
Actes Sud Editions
22,50 €
Paru le 23/08/2023
379 pages
Editions de l'Observatoire
22,00 €
Paru le 16/08/2023
262 pages
Grasset & Fasquelle
20,90 €
Paru le 10/05/2023
166 pages
Editions Denoël
17,00 €
Paru le 05/01/2023
320 pages
P.O.L
20,00 €
Paru le 23/08/2023
144 pages
Les Avrils
18,00 €
3 Commentaires
Michel
15/03/2024 à 21:15
En bref...
Bouvard et Pécuchet, La bête du Gévaudan, Je suis une légende, Fahrenheit 451, Walden ou la vie dans les bois, Le Baron perché !
Et bien sûr, tous ces romans passablement anti-capitalistes sont en vente sur Amazon...
Raymond Carlson
16/03/2024 à 17:43
I vote for "Dans la réserve", by Hélène Zimmer. It's prose that strikes like a jackhammer. A bold and incandescent writing on the conservation of nature and the human condition. With this book, she makes herself the feminist Edward Abbey.
Raymond Carlson
17/03/2024 à 03:22
Je vote pour "Dans la réserve", d'Hélène Zimmer. C'est une prose qui frappe comme un marteau-piqueur. Une écriture audacieuse et incandescente sur la conservation de la nature et de la condition humaine. Avec ce livre, elle se fait la féministe Edward Abbey.