Pendant quelques mois de l'année 1530, un des plus grands artistes de la Haute Renaissance italienne vécut entre quatre murs, dans un espace de quelques mètres carrés. Soutien du régime républicain de Florence contre ses propres mécènes, les Médicis, Michel-Ange court un grand danger au moment de leur retour dans la ville. Caché, il entretient néanmoins ses talents, sur un terrain inattendu...
Le plafond de la Chapelle Sixtine, un David de 5 mètres de haut... On associe plus volontiers Michel-Ange à la démesure et aux grands espaces. Alors, quand l'artiste se retrouve confiné dans une petite pièce sous les chapelles des Médicis, que fait-il ? Il s'exerce et dessine, évidemment, couvrant les murs de croquis saisissants.
Depuis leur découverte en 1975, les dessins sont attribués à l'artiste florentin, et font référence à ses multiples œuvres. « Il a dessiné des visions passées comme s'il remontait le temps et ses souvenirs. C'est un peu comme un album de ses différents travaux », explique Paola D’Agostino, directrice du musée national du Bargello, au Guardian.
S'étalent sur les murs un visage proche d'une des figures du groupe du Laocoon, une jambe sortie d'un marbre sculpté pour la tombe de Julien de Médicis, des fragments du célèbre David ou encore des esquisses pour Léda et le Cygne, tableau perdu du maitre...
Dans cette petite pièce, Michel-Ange s'abritait de la fureur des Médicis et du Pape Clément VII, dont il était pourtant proche — les Médicis assumant un rôle de mécènes. En 1527, les Florentins ont bouté hors de la ville Alexandre de Médicis, particulièrement honni, et installé un régime républicain. Michel-Ange s'implique aux côtés de ce dernier, mais la riposte est violente et, en 1530, Florence assiégée plie face à Clément VII.
Compromis, Michel-Ange se cache au plus près de ses ennemis, sous les chapelles privées de la famille Médicis... Il n'y serait resté que quelques semaines, jusqu'à apprendre que Clément VII lui accordait son pardon, à condition qu'il remette son talent au service de la gloire des Médicis.
Effectués au fusain et à la craie rouge, les dessins de Michel-Ange ont été recouverts de plâtre à deux reprises, pour une pièce qui, jusqu'à la moitié du XXe siècle, servait de local pour entreposer du charbon, avant d'être condamnée.
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Elle ne sera rouverte qu'en 1975, quand Paolo Dal Poggetto, directeur des chapelles, commandera des travaux pour ménager une nouvelle sortie au bâtiment. En raison de l'exiguïté de la pièce et de la fragilité des œuvres, impossible de la faire visiter au grand public, pendant des années.
À présent, l'espace s'ouvre un peu plus, mais reste réservé à un public restreint : si les places sont en vente, seules 4 personnes sont admises en même temps dans la salle, pour 100 visites par jour seulement. Des éclairages spécifiques, conçus pour ne pas détériorer les œuvres, amélioreront la durée de conservation des petits chefs-d’œuvre.
Photographie : la pièce secrète de la Basilique San Lorenzo de Florence (Francesco Fantani, Musei del Bargello)
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