Accueil, ordinateurs, technologie, bricolage : les bibliothèques ont bien des services à offrir à leur public. Et parfois, ce ne sont plus des cartes que l'on trouve sur les présentoirs, mais bien des petites graines. Aubergines, choux, salade : gratuites, ces semences permettent de lutter contre l'insécurité alimentaire. De quoi cultiver son amour du livre... et son jardin.
Le 09/05/2022 à 15:27 par Clémence Leboucher
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Publié le :
09/05/2022 à 15:27
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Une « grainothèque » pour améliorer la biodiversité de la ville, et l'assiette de ses usagers ? C'est l'idée portée par la bibliothèque publique d'Oakland, aux États-Unis, dès 2012. Et cela a bien fonctionné : en 2020, huit sites de la ville de la côte ouest proposaient, parmi les étalages, des dizaines de petites graines destinées à être plantées dans le jardin des usagers. En Géorgie, en Californie, au Colorado, en Arizona ou dans le Maine, l'idée s'est développée, réjouissant petits et grands.
« Le rôle d’une bibliothèque ne se limite plus au prêt de livres. Nous devons nous réinventer et aller à la rencontre des gens », explique Mary A. Coe, bibliothécaire à Fairfield, ville située à 50 km d'Oakland. Le principe : offrir aux usagers des graines gratuites, permettant de lutter contre l'insécurité alimentaire, qui a atteint de nouveaux records en 2021, selon le Programme alimentaire mondial (WFP). Cette initiative permet également de compenser la perte de biodiversité, et de renforcer la résilience des populations après la pandémie COVID-19.
Le fonctionnement est différent selon les bibliothèques. En général, les graines sont complètement gratuites - issues de dons d'organisations comme Seed Savers Exchange, ou Hudson Valley Seed Company. « Il a toujours été important pour nous de partager ce potentiel de nourriture et de beauté. Les gens méritent une bonne nourriture et des légumes qui font partie de leur culture et de leur communauté » explique Catherine Kaczor, responsable des ventes et du marketing à l'HVSC.
Parfois, comme à Fairfield, les graines sont seulement empruntables : il faut pouvoir en ramener à la fin de la saison. Mais si l'on n'a pas la main verte, pas d'inquiétude - tout repose sur la confiance. De quoi créer une banque autosuffisante, qui subsiste au fil des années. « On peut obtenir 20 graines avec une seule tomate. C’est incroyable, j’ai pu rendre tout ce que j’avais emprunté avec un seul fruit » se réjouit Kate, usagère de la bibliothèque de Fairfield.
Cet engouement pour la plantation de graines et pour le jardinage a largement progressé durant la pandémie de Covid-19. L'initiative s'est d'ailleurs déployée dans des centaines de bibliothèques d'outre-Atlantique.
Lors de la fermeture de la bibliothèque Jefferson, en Géorgie, pas question pour les bibliothécaires de se reposer sur leurs lauriers. Ni une ni deux, sur le site internet de l'établissement, se crée un « guichet unique pour l'expertise en jardinage ». Conservation et nettoyage des semences, compostage et conservation des aliments, et même concours de notes de jardinage sont lancés sur Internet. À San Francisco, c'est la bibliothèque universitaire qui a proposé des cours en ligne dédiés au jardinage, et a contribué à animer des discussions en classe sur l'industrie mondiale des semences.
En 2019, l'American Library Association a ajouté la durabilité comme valeur fondamentale de la bibliothéconomie : « Les bibliothèques jouent un rôle important et unique dans la sensibilisation de la communauté à la résilience, au changement climatique et à un avenir durable », a-t-elle expliqué. Une valeur fondamentale qui est aujourd'hui largement reprise par les bibliothécaires. Selon Jenny Rockwell, bibliothécaire à Oakland, « Soutenir une relation avec la nature par le biais du jardinage et de la gestion des graines va dans le sens de cette intention. »
Ainsi, si les confinements successifs ont permis à chacun de se remettre à la cuisine, ou à la fabrication de son pain, cette initiative a aussi permis de montrer aux usagers qu'il n'est pas difficile de créer son propre jardin. Pour les étudiants sans petit coin de terre, l'Université de San Francisco a même prévu le coup : fleurs et herbes, plus faciles à cultiver sur le rebord de la fenêtre d'un dortoir, ont été mises en circulation au sein du programme USF Seed Library, en collaboration avec le département d'agriculture urbaine.
Les « grainothèques » se développent aujourd'hui un peu partout, même en France. À la Bibliothèque Municipale de Lyon, on peut échanger et emprunter librement des graines de fleurs, de légumes, d’aromates. Dans la capitale également, on favorise l'agriculture urbaine : à la médiathèque Marguerite Yourcenar, la bibliothèque Parmentier, le troc de graines est également légion. Mieux encore : la bibliothèque Louise Michel (20e) propose même une « bouturothèque » pour troquer vos plantes !
Via CivilEats, Kaizen, Bibliothèques Paris
Crédits illustration : Pixabay / PublicDomainArchive
2 Commentaires
DL
10/05/2022 à 12:56
Ce service est également proposé dans plusieurs médiathèques de la Ville et de l'Eurométropole de Strasbourg
Emmanuelle D.
11/05/2022 à 09:47
A la médiathèque de Lannion dans le 22 en Bretagne, notre grainothèque a éclos le 1er mars dernier : le principe est simple, il s'agit de donner, de prendre, bref d'échanger des graines, graines de plantes potagères, aromatiques, ornementales et de créer un espace d’animation permanent.
Il est prévu d'adhérer à deux associations 'Graine de Troc' et 'Kaol Kozh', qui mettent à disposition des kits de graines, de la documentation et des éléments de communication et d'échanges.