Les professionnels sont – presque tous – vent debout : imposer une redevance pour les lectures publiques, gratuites et faites aux enfants, cela ressemble à un coup de folie. Et pourtant l'idée est encore loin d'être tranchée. Alexandre Jardin intervient dans nos colonnes pour défendre la gratuité de la lecture. « On parle d’enfants, là, ceux qui seront les lecteurs de demain. Si on le leur permet... »
crédits Alexandre Jardin
« C’est insensé, car c’est tout le contraire qu’il faut faire : nous devons abattre toutes les barrières qui empêchent les enfants de lire, d’écouter des histoires », explique l’auteur du Zèbre, et fondateur de l’association Lire et faire lire.
« L’association, elle a commencé quand j’ai découvert une expérience brestoise, en 1999. Et cela avait cours depuis une quinzaine d’années : pour transmettre le plaisir des livres et de la lecture, on demandait à des retraités de se rendre en école maternelle, pour lire », se souvient-il. « On s’est rendu compte que cette pratique pariait sur l’essentiel : une alliance intergénérationnelle. »
Dès lors, Alexandre Jardin a cherché comment « prolonger cette relation très affective, qui générait une magie particulière. Et qui nous montrait bien comment les petits ont besoin des anciens ». L’association s’est montée avec plusieurs partenaires (ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, la Ligue de l’enseignement, la Caisse des Dépôts, l’Union nationale des associations familiales, la Fondation EDF Diversiterre et la Fondation SNCF).
« Nous nous sommes toujours appuyés sur la transmission du plaisir de la lecture, et, à ce jour, ce sont près de 20.000 personnes qui agissent sur l’ensemble des départements français – y compris hors métropole. Et ils font lire 750.000 enfants. C’est colossal. Et toute la force de ce système réside dans sa simplicité. »
Dans les écoles maternelles et primaires, dans les crèches, les centres aérés, les hôpitaux, et, un peu dans les classes de collège, Lire et faire lire intervient, « juste pour transmettre le plaisir des livres ».
Et le lien avec les bibliothèques intervient ici : « Les établissements scolaires n’ont pas nécessairement un fonds suffisant. Nous avons donc passé des accords avec des bibliothèques publiques, au niveau départemental. Ainsi, nos lecteurs peuvent emprunter un nombre plus important de livres, pour les embarquer avec eux dans les écoles. »
Lire et faire lire entretient ainsi un lien « chaque jour plus étroit, notamment parce que nombre de bibliothécaires nous aident à former les bénévoles de l’association. Ces derniers ne connaissent pas forcément bien la littérature jeunesse : il faut les aider ». L’idée d’une redevance pour la lecture publique pose alors un double problème : elle impacterait non seulement le fonctionnement de l’association, mais également les établissements qui en accueillent les lecteurs.
« Faudra-t-il que l’on provisionne nous-mêmes pour être en conformité avec ce que souhaite la SCELF ? Et, si l’on facture les lectures publiques, notamment pour les petites bibliothèques qui les accueillent, il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte qu’on ne va pas dans le bon sens », déplore Alexandre Jardin.
« Et je ne parle que de Lire et faire lire : il existe bien d’autres associations qui seraient concernées. Ajoutons l’Heure du conte, dans toutes les bibliothèques de France qui la proposent : où va-t-on ? »
Il poursuit : « La France ne peut pas avoir un discours visant au développement de la lecture auprès des plus jeunes – ce qui devrait être une obsession nationale – et de l’autre côté, compliquer les choses. » Fort heureusement, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a affirmé son opposition à un pareil dessein, mais les négociations ne sont pas encore bouclées. « Une absurdité symbolique», assurait la rue de Valois...
Or, la part investie par l’État est déjà congrue, dans l’achat des livres pour les bibliothèques, Érik Orsenna l’a confirmé récemment.
« L’effort est fourni par les territoires, ils ne pourront pas aller au-delà. Si pour acheter des livres, et garantir une diversité de l’offre, les crédits manquent, comment un zozo dans son délire administratif a-t-il pu imaginer imposer une redevance sur les lectures publiques ? »
Mobilisé, définitivement, Alexandre Jardin rejoint à ce titre Daniel Pennac, qui l’avait assuré à ActuaLitté : « Faire payer la lecture publique, c’est non ! Il faut avoir perdu le sens commun de ce que l’on attend des bibliothèques publiques, pour avoir ce genre d’idée. Et l’on parle d’enfants, là, ceux qui seront les lecteurs de demain. Si on le leur permet... »
Une pétition a été mise en ligne.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
2 Commentaires
Forgeron17
17/01/2018 à 10:30
Je ne peux pas imaginer ce qui passait par la tête de ceux qui ont imaginé cette idée.
Dans une époque où il y a danger que les enfants soient hypnotisés par les écrans plutôt qu'enchantés par les livres, il faut absolument encourager la lecture, pas le contraire.
Lire et faire lire est une superbe idée, et toute autre forme d'encouragement à l'amour de la lecture aussi.
Il faut tuer cette proposition avant qu'elle prenne racine.
Maidon Jeanine
17/01/2018 à 11:19
Lire et Faire Lire est une superbe initiative qui fonctionne parfaitement depuis de nombreuses années.La Direction SCELF a-t-elle réfléchit aux conséquences d'une pareille décision ? arrêtons cette proposition qui va à l'encontre du développement des enfants, laissons et encourageons le plaisir de lire !