Vous pensiez que le téléchargement illégal se cantonnait à vos films et à vos séries préférés ? Que nenni ! Le piratage concerne tout autant les livres. Twitter ou encore BookTube ont été désignés comme les agoras idéales de débats concernant le téléchargement illégal de livres. L’enquête américaine d’Immersive Media & Books 2020 concernent les habitudes de lecture de ces contrefacteurs.
Le 27/07/2021 à 13:05 par Marion Clousier
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Publié le :
27/07/2021 à 13:05
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Les multiples débats menés autour de la question de la légitimité du téléchargement ont divisé les internautes en 3 camps distincts. Le premier regroupe ceux qui estiment que le piratage d’un livre n’est qu’un pur vol, qui affectent auteurs et éditeurs ; pour le second, le piratage est moralement inacceptable dans la mesure où le lecteur peut s’acheter le livre ou l’emprunter.
Enfin la dernière catégorie concerne un groupe, beaucoup moins nombreux, qui estime que l’information devrait être toujours gratuite et que les auteurs n’auraient pas besoin d’argent — comment ça être auteur est un métier impliquant une rémunération ?
Au printemps 2020, l’enquête menée par Immersive Media & Books 2020, financée en partie par l’American Library Association, a réunit plus de 4 000 Américains autour de cette thématique du piratage de livres.
D’après elle, « les pirates achètent avidement des livres ». Une affirmation contradictoire en apparence, mais qui s’explique aisément : sur l’ensemble de la population interrogée, ce sont ceux qui achètent le plus de livres. Cela signifie, donc, qu’ils ne se cantonnent pas seulement au téléchargement, mais ont de réelles habitudes de consommation.
Sur les personnes interrogées, 14,4 % ont confirmé avoir déjà téléchargé des livres. Plus généralement, ce sont surtout des jeunes hommes de différentes origines ethniques.
Selon l’enquête générale par rapport à la population interrogée, pendant la pandémie, les pirates de livres auraient davantage acheté de livres électroniques (38,7 %), de livres audio (27,1 %) et de livres imprimés (33,7 %). En somme, 41,5 % d’entre eux achètent des livres sous plusieurs formats.
EBOOK: le piratage effraie toujours les éditeurs français
De plus, l’enquête a démontré que ces personnes sont des usagers de bibliothèque : 77,2 % d’entre eux possèdent une carte de bibliothèque, et dans l’ensemble empruntent davantage que la population moyenne interrogée. Les chiffres recensés démontrent que le piratage de livres est la réponse finale lorsque l’usager ne trouve pas le livre souhaité, disponible à la bibliothèque. Sinon d’ordinaire, 58,4 % des pirates ont déjà acheté un livre, découvert à la bibliothèque, à la librairie.
Une première enquête, dirigée par l’Union européenne en 2013, avait déjà révélé que le piratage, aussi étonnant que cela puisse paraître, pouvait en réalité booster les ventes. D’après l’ensemble des études menées, le piratage de livres n’est pas en mesure de condamner l’industrie de l’édition.
Enfin, l’étude ayant été menée aux États-Unis, l’idée que le piratage de livres puisse être justifié par un manque d’accès aux ressources ne peut pas être, ici, prise en compte. En réalité, les pirates de livres consomment à la bibliothèque, en librairie, sous plusieurs formats et achètent davantage de livres que le lecteur moyen. Au final, il semblerait donc qu’ils achètent des livres dans la mesure où ils jugent que leur valeur en vaille la peine.
Pour soutenir les éditeurs, l’enquête a suggéré une solution assez radicale — qui frôle avec le légal : collecter les données des pirates en proposant des téléchargements gratuits de livres, qui seraient équipés d’un logiciel de suivi.
Idéal, pour renforcer une société de la surveillance, non ?
Source : Bookriot.
Crédit : Mika Baumeister, Unsplash
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Hacker
28/07/2021 à 08:19
« Pour soutenir les éditeurs, l’enquête a suggéré une solution assez radicale — qui frôle avec le légal : collecter les données des pirates en proposant des téléchargements gratuits de livres, qui seraient équipés d’un logiciel de suivi. »
Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux... dixit Franklin.
Les DRM feront toujours ce qu'ils voudront chez vous : c'est une boite noire que vous laissez à un éditeur qui lui permet de faire ce qu'il veut sur votre ordinateur. En plus de connaître vos habitudes et votre vie, il peut absolument en faire ce qu'il veut.
Au fait, il manque une info à cet article (intéressant : pour une fois que les « pirates » ne sont pas caricaturés : bravo !). Les pirates ne sont pas bêtes (contrairement aux éditeurs) : ils lisent des livres piratés (dont « on » a ôté les DRM). Ils ne sont près d'être pistables !
Par définition, on ne peut lire un livre DRMisé qui a été loué (Eh oui, vous n'en êtes jamais le propriétaire) à quelqu'un d'autre. Il faut que ce quelqu'un casse la clé du DRM (ce qui est toujours possible : une clé reste une clé !). Du coup, les livres numériques qui circulent sous le manteau (comme les films et tutti quanti) sont des trucs justement accessibles à tout le monde.
De fait, il manque une information capitale à votre article : je connais plein d'usagers de contenus « piratés » qui ont la version originale chez eux. Pourquoi ? Lisez un divX et lisez un DVD et vous aurez la réponse. Le premier commence immédiatement et le second vous oblige par passer par une série d'étapes de publicités insupportables et de manipulations débiles.
La simplicité et la paix. Le moteur principal du piratage...
Mathias Lair
28/07/2021 à 09:44
Cet article me fait penser la Fable des abeilles de Mandeville publié en 1714. Selon lui, ce sont les vices individuels qui sont à la source de la prospérité collective : il faut donc encourager, ou du moins laisser faire (un maître mot du libéral-capitalisme) tous les vices : égoïsme, rapacité, goût pour les transgressions diverses… En soutenant que le piratage serait bon puisqu’il permettrait de développer les ventes, cet article fait preuve de la même perversité. L’astuce consiste à renverser la logique pour déséquilibrer l’adversaire, pour l’amener à ne plus savoir quoi penser, puisque ce qui serait mauvais devient la bonté même : une manœuvre classique ! Du même type que le harceleur qui dit à sa victime : si je te fais cela, c’est pour ton bien.
Hacker
29/07/2021 à 08:14
Pas vraiment, non. Ici, les éditeurs (et surtout les Majors qui ont encore une autre force de frappe) sont officiellement vent debout contre le « piratage ».
Je vous mets au défi de trouver ne serait-ce qu'une déclaration qui positive de près ou de loin l'action de pirater parmi ces gens-là.
En revanche, ils se trouvent que la réalité est conforme à celle décrite dans cet article (saleté de réalité ! Jamais conforme aux rêves !). Les pirates sont aussi les plus gros acheteurs et pour simplifier, le piratage sert davantage l'édition et les majors qu'elle ne les dessert.
Mais jamais jamais jamais vous ne trouverez une déclaration dans ce sens... En fait, il existe même des bas de plafonds (sans doute énarque ou assimilés) pour penser (et malheureusement affirmer) qu'un objet piraté est une vente perdue !
Un monde déconnecté de la réalité... ou les raisonnements binaires sont la règle. On pourrait tous les embaucher au gouvernement et aucun ne déparierait !
ninja
02/08/2021 à 12:05
Regardons la réalité
(les faits sont têtus disait un russe bien connu et assez révolutionnaire ...)
Il y a un secteur, c'est même le premier, où le piratage est et a été très significatif, c'est la musique. Si l'on veut vérifier l'hypothèse que le piratage ne réduit pas les revenus des créateurs, il suffit de regarder l'évolution des revenus des musiciens (y compris compositeurs).
Le mp3 date de 1995, mais les premiers appareils datent de 1997 et c'est à peu près à ce moment là que la vitesse d'internet a pris de l'ampleur (Napster date de 2000).
Regardons le marché de la musique aux US, pour prendre un point de référence.
En 1997 c'était 21mds de dollars, en 2018 c'est 8mds, c'est à dire que les revenus des créateurs ont été divisés par 2,6. Si vous voulez vérifier, regardez ce que gagner les musiciens sur Spotify (en notant que Spotify lui même perd de l'argent...).
(On glissera sur le fait que le texte des pochettes d'albums, assez souvent plus longs qu'un tweet, ou les listes de musiciens et de producteurs ont disparu des téléchargements et donc de la culture musicale de ceux qui les écoutent, on considérera cela un épiphénomène)
On en déduit assez facilement que ceux qui prétendent que le piratage ne réduit le revenu des créateurs n'aiment pas regarder la réalité. (ce qui est un souci assez fréquent ces derniers temps...)
La seule raison pour laquelle le piratage de livres n'a pas encore complètement laminé les revenus des créateurs de littérature, c'est possiblement parce que, (il ya probablement d'autres raisons) 1) les acheteurs de livres continuent à en acheter indépendamment (en quantité, si non en qualité) de leur âge, tandis que les acheteurs historiques de cd ont cessé d'en acheter, en grande partie parce que les disquaires, quand même dépendants des acheteurs jeunes, ont disparu, en partie, à cause du piratage, à la différence des libraires. 2) les acheteurs de livres tendent sans surprise à avoir fait un peu d'études et qu'ils arrivent à faire le lien conceptuel entre piratage et disparition des auteurs et sont souvent contents par leur achat de contribuer à la survie des dits auteurs... 3) le format livre papier est générateur de plaisir en soi et conserve un attrait intrinsèque marqué.
Ninja
Mathias Lair
02/08/2021 à 14:39
Merci Ninja ! Votre article est celui d'une journaliste, car fondé sur des faits.
Mais pourquoi prendre un pseudo qui vous permet de dire n'importe quoi , cela vous crédibilise.
Mathias Lair Liaudet
hacker
04/08/2021 à 13:55
Les faits sont têtus, mais comparaison n'est pas raison (disait un autre célèbre...).
L'industrie de la musique s'est (en partie) effondrée parce que le modèle ancien a disparu avec l'apparition du numérique.
Même s'il existe un retour de mode des vinyles, qui achètent encore des CD ? Je ne connais pas un moins de 30 ans qui sache qu'un morceau de musique n'est qu'autre chose... qu'un fichier informatique.
Le monde a changé : les majors se faisaient de scandaleuses c(censuré) en or, mais la poule aux œufs d'or a pris la tangente. Je ne suis toutefois pas inquiet pour ces majors, car ce n'est pas le chiffre d'affaires qu'il faut regarder, mais le bénéfice (et surtout la rentabilité).
L'industrie du livre a une peur bleue de vivre ce même changement, car ça signifierait peu ou prou l'effondrement de la poule aux œufs d'or que sont les livres papiers. Le piratage n'a rien à voir là-dedans, où tellement à la marge que ce n'est pas significatif. Tant que les liseuses n'offriront pas le même confort qu'un livre, ce n'est pas prêt de changer (donc les éditeurs respirent... tout en freinant des quatre fers...)
On parle bien de gens qui en sont encore à demander des manuscrits papiers aux auteurs, et à les faire envoyer par la Poste...