S’il aime le papier par-dessus tout, Salman Rushdie a décidé de passer par la populaire plateforme Substack pour son prochain livre. L’accord est conclu, l’ouvrage sera diffusé sous la forme de feuilleton… « J’ai été très attiré par cette idée, récemment, en cette étrange année et demie, d’essayer des choses que je n’avais jamais faites auparavant », indique-t-il.
Le principe de newsletter payante continue de faire des émules, et l’on ne s’étonnera pas de retrouver un certain Andrew Wylie, agent littéraire surnommé Le Chacal, non loin. C’est d’ailleurs lui qui a suggéré à Rushdie de tenter l’aventure sur une plateforme qui séduit principalement des journalistes – mais tente de convaincre des auteurs depuis quelque temps. Pour preuve, Patti Smith s’y est retrouvée ainsi que le scénariste de comics, Chip Zdarsky.
Le principe, connu désormais, réside en un abonnement par lequel l’utilisateur reçoit des emails : Rushdie, comme d’autres, proposera une formule premium, alternant gratuit et payant.
Au menu, moins un roman que des « nouvelles, des potins littéraires », précise l’écrivain au Guardian, « tant qu’ils ne sont pas diffamatoires ». Il entend aussi assouvir son secret désir de devenir critique de cinéma – voilà bien longtemps, l’opportunité s’était présentée au New Yorker, mais sans se concrétiser.
La pandémie lui ayant permis de rattraper un certain retard cinématographique, sur la production des années 60 et 70, il ira de son commentaire personnel sur le monde du cinéma. Une nouvelle, The Seventh Wave, touchera également à ce monde audiovisuel.
En somme, Rushdie veut expérimenter un modèle économique de sérialisation de ses écrits, à travers un outil qui met les auteurs en relation directe avec leur public. Pas question de basculer dans des messages politiques, même si la situation en Afghanistan le motivait bien à la rédaction d’un texte.
Ce système de monétisation l’engage sur 12 mois – avec le versement d’une avance pour cette première année – mais il entend surtout conserver son indépendance. « Je ne veux pas être leur pom-pom girl. C’était pour moi intéressant d’essayer […]. Dans un an, je verrai où nous en sommes et soit je continuerai, soit j’arrêterai. »
En attendant, le dialogue s’ouvrira avec les lecteurs abonnés, dans une relation plus directe et assez nouvelle pour lui. Après ses interactions sur Twitter, qui lui permettait de rester connecté aux personnes résidant en Inde, cette nouvelle approche offrirait un échange plus complexe, permettant d’aborder des sujets que les tweets ne peuvent appréhender.
« Je pense que les nouvelles technologies rendent toujours possibles de nouvelles formes d’art, et il me semble que la littérature n’a pas trouvé sa nouvelle forme dans cette ère numérique… Quelle que soit la nouveauté qui jaillira de ce Nouveau Monde, je ne crois pas que nous l’ayons encore vue », relativise l’écrivain.
Lui-même ne le verra peut-être pas, assure-t-il en référence à son supposé grand âge – 74 ans. Pour autant, il apprécierait que le papier coule encore de beaux jours : « Les gens parlent de la mort du roman, presque depuis la naissance du roman. Mais la vraie chose, à l’ancienne, le livre papier, est incroyablement mutine et vivante. Et là, j’essaie à nouveau, j’imagine, de la tuer. »
Le coup mortel attendra.
Crédit photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Paru le 02/09/2020
425 pages
Actes Sud Editions
24,00 €
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