Si vous souhaitez envoyer un livre, que ce soit en France ou à l’étranger, vous avez le choix entre plusieurs acteurs. Ce marché de la livraison à domicile continue de s’étoffer en France pour répondre au plus près à toutes les demandes des clients. Mais est-il vraiment opportun de continuer à prôner son développement à outrance ?
Le 09/01/2024 à 10:34 par Victor De Sepausy
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Publié le :
09/01/2024 à 10:34
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Si le marché des lettres, n’en déplaise à Mme de Sévigné, est en perte de vitesse depuis plusieurs années, au grand dam du groupe La Poste, celui du colis ne connaît pas la crise. Avec la montée en puissance, favorisée par la pandémie, de la vente en ligne, la livraison de petits paquets fait la joie des acteurs de ce secteur. Même si de joie, il n’est pas toujours question, quand, en bout de chaîne, les géants de la logistique préfèrent laisser la main à de petites sociétés équipées de quelques camionnettes blanches et de livreurs souvent embauchés dans le cadre de contrats précaires.
Toujours moins de lettres, mais toujours plus de colis
Historiquement en France, c’est le groupe La Poste qui détient la haute main sur le trafic de colis à destination des particuliers. Et, la période de Noël étant passée, il est temps de se reposer quelque peu pour Jean-Yves Gras, directeur général de Colissimo. En effet, livrer sans trop d’anicroches pas moins de 15 millions de colis avant la date fatidique du 25 décembre a demandé une gestion de la logistique pharaonique.
A ce titre, de nombreux acteurs du secteur proposent la possibilité de suivre son paquet, directement via un tracker, comme gsl suivi qui propose une vision précise, ce qui donne, en temps réel, l’évolution de la situation de votre envoi, ou du colis que vous attendez de recevoir. On peut admirer les progrès de ces suivis numériques, car ils nous permettent de détecter une faille dès qu’elle intervient, et ainsi d’en faire état au plus vite dans la chaîne du transport.
La vente en ligne, un secteur en croissance
Si l’année 2022 a un peu marqué le pas dans l’ascension du colis (après les hausses considérables du temps de la pandémie), la tendance de fond reste haussière, avec une progression moyenne de 11 % entre 2017 et 2021. Et Jean-Yves Gras s’attend à des chiffres très positifs sur les années à venir, prévoyant même un milliard de colis par an pour Colissimo en 2030. L’activité colis, qui représente désormais plus de la moitié du chiffre d’affaires de La Poste, est donc devenu le cœur du réacteur pour ce qui fut anciennement les PTT.
Ce qui rend le patron de Colissimo optimiste, c’est le regard porté sur la pénétration du e-commerce chez nos voisins, que ce soit chez les Allemands ou chez les Anglais par exemple. En effet, au Royaume-Uni, les chiffres sont même plus élevés qu’aux États-Unis, avec plus de 90 % de la population qui pratiquent l’achat en ligne, et souvent directement sur mobile. On compte près de 10 000 nouvelles boutiques qui ouvrent en ligne en Franche chaque année. Cela laisse donc présager un trafic colis en constante augmentation.
La vente en ligne : un modèle souhaitable ?
Pour autant, on ne peut pas dire que cette personnalisation extrême des envois soit vraiment écologique. Est-elle par ailleurs souhaitable humainement ? Ce n’est pas sûr non plus. En effet, cette situation génère une difficulté croissante pour le commerce de proximité, avec des centre-villes, notamment pour les villes moyennes, qui se retrouvent en grande difficulté, concurrencés à la fois par les centres commerciaux qui ont envahi les zones périphériques et le commerce en ligne, avec en plus une restriction de l’usage des voitures dans les centres urbains.
Par ailleurs, les emplois générés par le développement de la logistique dans les transports ne sont pas vraiment tous enviables, que ce soit en termes d’épanouissement personnel, de condition de travail, ou bien encore de rémunération. Quand certains s’émerveillent de l’ouverture de nouveaux centres logistiques toujours plus vastes et toujours plus automatisés, il serait peut-être temps de s’inquiéter pour les êtres humains qui sont obligés d’oeuvrer dans ses usines 2.0 à des cadences infernales, sans voir le jour, et avec des pauses qui sont toujours remises en cause.
Derrière les colis, les ouvriers de la logistique
Plusieurs sociologues ont commencé à s’intéresser à la vie de ces ouvriers d’un nouveau genre, petites mains des géants de la logistique aux profits astronomiques. C’est un secteur qui compte plus de 1,4 million de salariés (dont 800 000 ouvriers, soit un quart du monde ouvrier), soit plus que celui de l’hôtellerie-restauration. Ce sont à 75 % des hommes qui travaillent dans ce domaine, avec un salaire moyen qui tourne à 24 000 euros brut annuel. On ne peut pas dire que ce soit la panacée.
David Gaborieau, sociologue du travail, qui a notamment signé en 2020, avec d'autres collègues, On n'est pas des robots - Ouvrières et ouvriers de la logistique, tire la sonnette d’alarme depuis la rédaction de sa thèse sur la question. Ce fin connaisseur des conditions de travail qui règnent dans les grands entrepôts, avec une robotisation des humains qui y travaillent, rappelle qu’en 2008, la France comptait 32 millions de mètres carrés d’entrepôts. Aujourd’hui, on est plutôt à 80 millions...C’est ce que l’on appelle aussi l’économie numérique...qui reste bien ancrée dans des contraintes physiques.
Des entrepôts qui poussent comme des champignons
Face à ce développement effréné, le sociologue demande aux pouvoirs publics de légiférer sur la question, et de limiter la croissance de ce secteur. Certaines régions de France sont particulièrement touchées par ce phénomène. C’est notamment le cas du département de l’Oise, véritable base arrière de l’Ile-de-France, qui concentre à lui seul un nombre très important d’entrepôts géants. Mais un mouvement d’opposition à l’installation de ces grands centres logistiques commence à se développer au sein même de l'Oise. Et, à travers l'Hexagone, il fait des émules depuis maintenant quelques années.
Si autrefois, les élus accueillaient les bras ouverts ce type de projets, en voyant seulement les emplois et les diverses taxes professionnelles, ils déchantent de plus en plus. Avec l’automatisation galopante des tâches, le nombre d’emplois se réduit comme peau de chagrin. Et l’on commence aussi à regarder avec objectivité le faible intérêt des emplois que les géants du transport proposent. Sans compter l'artificialisation des sol que ces implantations occasionnent. Si vous voulez vous prolonger dans le monde qui nous attend, rien de tel que la dystopie de l'écrivain américain Rob Hart, L'Entrepôt (MotherCloud pour le titre original), proposée chez Pocket, dans une traduction de Michael Belano.
Une croissance de la vente en ligne inéluctable ?
Face à cette situation, comme le client est roi, il n’est peut-être pas trop tard pour reprendre la main, et chercher à limiter le recours à la commande en ligne. Si on limite ses achats à ce qui est utile, et à ce qui est véritablement hors de portée, on parvient à une conduite plus raisonnable. Sans compter que plus on commande en ligne, et plus on pousse de nombreux commerçants à ne plus vendre certains produits peu rémunérateurs et ayant des gammes très étendues, ce qui demande trop de stock. Résultat, le commerce en ligne finit par cannibaliser le commerce de proximité.
Dans un tel cadre, la librairie indépendante résiste plutôt bien, grâce à la protection du prix unique, mais aussi sans doute grâce à un côté plus militant des acheteurs de livres. Cette logique pourrait donc être amenée à gagner du terrain. Tout du moins à faire barrage sur la tentation de gros acteurs du commerce en ligne de grignotter des parts de marché dans l’alimentaire, et même dans le frais, ce qui peut paraître, pour le moins, absurde. Alors, adieux les charmes du petit marché, avec ses étals et ses petites camionnettes vendant les meilleures victuailles qui soient !
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
1 Commentaire
Tiempos Futuros
10/01/2024 à 18:29
Dixit Léo Ferré: "quand ma femme part au marché je lui dis de m´ram´ner..."