ENTRETIEN – L’engagement de la région Île-de-France en faveur de la lecture compte parmi les priorités qu’a établies Agnès Evren, vice-présidente. La récente implantation de boîtes à livres dans des gares franciliennes, ou la création de Leçons de littérature dans les lycées, en sont les plus visibles manifestations.
Le 12/02/2018 à 15:04 par Nicolas Gary
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12/02/2018 à 15:04
Agnès Evren - © William Alix/Région Île-de-France
« L’enjeu est pour nous de corriger les inégalités d’accès à la culture », précise Agnès Evren. Le constat ne date pas d’hier : sur huit départements franciliens, l’hyperconcentration parisienne en activité et infrastructure est patente. « Durant la précédente mandature, 50 % des dotations régionales étaient destinées à Paris et au département de la Seine-Saint-Denis. Afin de gommer ces disparités entre les territoires franciliens, la stratégie culturelle de la Région Île-de-France est de faciliter l’accès à la culture partout et pour tous, en ciblant les territoires éloignés de l’offre culturelle, comme la grande couronne. »
Car dans les faits, sur 12 millions de Franciliens, seuls 3 millions étaient finalement concernés.
Pour y remédier, la Région s’appuiera sur ses deux compétences propres : les lycées – 465 sur le territoire – et les transports, qui relèvent de son champ d’action : « Nous voulons faire des lycées la porte d’entrée vers la culture, les lycées peuvent concourir à l’inclusion culturelle. » Il s'agira de la base de la stratégie culturelle régionale, articulée autour de deux autres points : l’itinérance et le soutien à la création.
« Placer le livre au centre de la vie des Franciliens commence par ce contact entre les jeunes et la lecture. Nous avons augmenté le budget dédié à la politique du livre pour le porter à 8 millions € cette année – et au global, c’est une hausse de 12 % en deux ans (+ 10 M€) du budget culture porté à 93 millions €, et un engagement – qui sera tenu – d’augmenter de 20 % au cours de la mandature les crédits régionaux dédiés à la culture. »
On estimera à raison que développer le goût de la lecture auprès d’adolescents est un brin tardif. « Nous intervenons là où notre compétence s’exerce », rétorque Agnès Evren, « avec la perspective de développer et de structurer l’Éducation artistique et culturelle qui est un facteur d’inclusion fondamental ». L’EAC, un des chevaux de bataille d’Aurélie Filippetti quand elle était rue de Valois, sera celui de la Région.
«Les Leçons de littératureproposées dans les lycées désacralisent la littérature, les auteurs et suscitent un rapport plus vivant des jeunes aux livres. L’importance de ces moments, pour des adolescents qui n’ont jamais rencontré d’écrivains, leur permet d’entrer dans une connaissance sensible de la littérature. »
Il s’agit de faire tomber « la barrière psychologique que les jeunes peuvent parfois ériger, se faisant des écrivains une image de personnalité inaccessible ». La rencontre entre Gaëlle Nohant et les élèves du lycée Michel-Ange de Villeneuve-la-Garenne démontre que la méthode fonctionne. « Elle a su leur montrer qu’elle n’avait rien de si différent d’eux, c’est notre objectif : rapprocher ces deux mondes. » Le tout en apportant un revenu aux auteurs sollicités : la boucle est vertueuse.
Boîte à livres de la gare d'Arpajon (91) : © Jean Larive/MYOP/Région Île-de-France
À travers 30 lycées seront données 30 leçons, et le programme pour 2019 devrait aboutir à une centaine d’interventions. « Ces rencontres aboutissent également à une collaboration accrue avec la bibliothèque de la ville, les enseignants, et les documentalistes. L’interprofession se retrouve concernée. » Et substantiellement dans des lycées et territoires éloignés du foisonnement de l’offre culturelle parisienne.
Les boîtes à livres, « plutôt qu’une fois encore, travailler avec des smartphones, non que l’on veuille les exclure », incarnent une autre approche territoriale. « Ce ciblage du territoire reconnectera les citoyens avec les livres, en leur proposant sous cette forme connue de bookcrossing, un accès à la lecture. » Là encore, la compétence de la Région sur les transports et la collaboration de la SCNF ont permis d’aboutir à cet engagement de campagne de Valérie Pécresse.
Tant sur les consignes de sécurité que pour le choix des emplacements, l’opérateur français du rail a apporté son expertise et son soutien. « Le contexte Vigipirate imposait des contraintes fortes. » Pour remplir ces boîtes, en revanche, ce sont les bibliothèques publiques et les associations qui sont sollicitées. Un fonds de 200 ouvrages doit abonder les 15 premières boîtes, pour cette phase expérimentale. Un budget de 214.000 € est déployé, hors coûts d’achat des livres – fournis donc par les bibliothèques et des associations partenaires.
« Il s’agit d’un partenariat avec elles (15 bibliothèques et associations), elles sont volontaires : c’est une offre complémentaire à leurs services et un moyen d’inciter et d’inviter les personnes qui utiliseraient les boîtes à franchir le seuil d’une bibliothèque », précise la Région, soucieuse de susciter la demande en créant l’offre.
Le projet, louable en soi, a déjà entraîné quelques interrogations : Les 15 boîtes ne représentent qu’une douzaine de livres par établissement, mais ces achats, en période de coupes budgétaires, n’emballent pas. « Valérie Pécresse compte faire appel aux éditeurs pour (ré)amorcer les boîtes à livres, et ainsi alléger les dépenses des établissements de prêt », indique la Région.
Reste que les boîtes seront soumises aux aléas : outils généreux, de prime abord, il importera avant tout de communiquer sur leur existence, fut-ce pour les faire découvrir. Et espérer qu’elles ne subissent pas de dégradations trop rapidement. Un relais local sera donc nécessaire pour que cette offre soit visible, et, surtout, que les habitants s’en emparent.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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