Fondée par Bengt Söderhäll en 1987, la société Les Amis de Stig Dagerman, basée à Älvkarleby (terre natale de Stig Dagerman) en Suède, a décerné le prestigieux Prix annuel Stig Dagerman à l’écrivaine, dramaturge et journaliste culturelle, Carina Rydberg, le 27 mai dernier, pour son « honnêteté littéraire inébranlable et sa croyance dans le pouvoir des mots » ; explique le comité du Prix. Par Karim El Haddady.
Le 08/01/2024 à 11:42 par Auteur invité
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Publié le :
08/01/2024 à 11:42
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Créé en 1987 par le poète et musicien Bengt Söderhäll, la Société Les Amis de Sig Dagerman veut rendre chaque année hommage à une perle de la littérature suédoise nommée Stig Dagerman (1923-1954), dont l’œuvre littéraire acquiert de plus en plus de notoriété aujourd’hui à l'international. « Nous, qui avons travaillé avec la Stig Dagerman Society et le Prix Stig Dagerman pendant près de 30 ans, recevons souvent des questions sur la façon dont Dagerman continue d'être lu, parlé et souvent cité », écrit Bengt Söderhäll sur UpplittMagasin.
Le Prix Stig Dagerman ne date pas d’hier. Il a été décerné pour la première fois en 1996 à John Hron, « victime d’un crime de haine en Suède », et torturé à mort, lit-on sur le site officiel de Stig Dagerman, géré par sa fille Lo Dagerman, qui, pour sa part, ne cesse de promouvoir l’œuvre de son père aux États-Unis.
Nous l’avons interrogée sur ses motivations : « Je voulais, avant tout, rendre accessibles les œuvres de mon père, pour mes enfants qui parlent et étudient en anglais. »
Le prix récompense une personne ou une organisation qui, « dans l’esprit de Stig Dagerman, soutient la signification et la disponibilité de la liberté de parole (liberté d’expression), promeut l’empathie et la compréhension interculturelle ». Le lauréat reçoit 50.000 couronnes suédoises de la municipalité d’Älvkarleby.
Né à Stockholm en 1962, Carina Rydberg est romancière, dramaturge et journaliste culturelle. Son premier roman Plus froid que Kargil est paru en 1987.
La dramaturge rejoint dorénavant l’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinet, et l’écrivain français J.M.G Le Clézio, qui ont reçu respectivement et le Prix Dagerman et le Prix Nobel en 2004 et 2008.
La lauréate, qui a étudié le cinéma, la psychologie et le suédois, « joue avec les rôles et les identités de genre traditionnels, toujours au sein d’une structure construite autour de l’assujettissement et la supériorité », lit-on sur The History of Nordic Women’s Literature.
Sa formation en psychologie donne une force à son écriture. [Une dimension dagermannienne, si on considère l'oeuvre de Stig Dagerman complète, notamment avec L’enfant brûlé (1948), NdR]. Ses « personnages ne sont jamais ce qu’ils prétendent être », de sorte que dans ses romans, « aucune substance psychologique n’est cachée ou réprimée sous la surface », lit-on sur la plateforme.
Carina Rydberg, à la manière de Dagerman, (bien qu’elle revendique sa singulière distinction des autres écrivains, dont Dagerman) veut dévoiler les imperfections des hommes et du monde. Elle caricature un monde chaotique et absurde, à travers ses personnages qui sont « sans passion, sans vie dans leur échange de désir et de sexualité » ; apprend-on sur la même source.
En 2012, les Amis de Stig Dagerman ont couronné l’écrivaine et psychologue égyptienne Nawal Saadawi (1931-2021), qui démontrait « tout au long de sa vie le sens de la liberté ». Quatre ans après, c’est le poète syro-libanais Adonis, de son vrai nom Ali Ahmed Saïd, qui s’était vu décerner (en 2016) le prestigieux prix. Avec, pour motivation, sa création poétique qui, « au-delà des revendications des courants religieux ou politiques, découvre l’essence libératrice de la forme d’art », explique le comité du Prix.
« Dear Karim. Thank you for your message. I'm afraid my French is quite inadequate in regards of answering questions in a way that would make any sense at all. Do you speak English? Best regards ».
Bienveillante, Carina Rydberg, Prix Stig Dagerman 2023, répond, dans cet entretien à nos trois questions sur sa distinction, ses écrits et sur Dagerman.
Karim El Haddady : Comment avez-vous reçu la nouvelle de votre distinction ? Et qu’est-ce que vous comptez faire de son argent ?
Carina Rydberg : Stig Dagerman est l'un des plus grands écrivains suédois. Je suis donc très honorée de recevoir ce prix. Cela fait de nombreuses années que j'ai lu les œuvres de Dagerman. J'étais adolescente. Je n'ai pas eu le temps de les relire, car je travaille actuellement sur un nouveau livre. Cependant, avec une partie de l'argent du prix, j'ai décidé de faire un voyage éducatif en Pologne. Je suis restée dix jours à Cracovie et j'ai bien sûr visité Auschwitz, ce qui a été une expérience forte et douloureuse. Cela faisait des années que j'avais l'intention de faire ce voyage, et ce prix l'a rendu possible.
En quoi vos valeurs littéraires s’alignent-elles sur celles de Dagerman ?
Carina Rydberg : Je ne me suis jamais considéré comme une auteure qui essaie délibérément d'écrire en accord avec les valeurs d'un autre écrivain - y compris celles de Dagerman. Je n'y ai jamais pensé de cette manière. Bien sûr, je chéris les valeurs de la paix, par exemple. Qui ne le ferait pas ? Poutine, je suppose !
Dagerman fut-il philosophe ? Et qu’est-ce qui vous unit ?
Carina Rydberg : Je ne considère pas Dagerman comme un philosophe et je doute qu'il l'ait été. Ce qui nous unit tous les deux, c'est peut-être la combinaison du pessimisme et de l'espoir.
Crédit photo : Stockolms Stadsbibliotek, Kallare än Kargil
Par Auteur invité
Contact : contact@actualitte.com
2 Commentaires
Ladybird
12/01/2024 à 11:16
J'ai lu un seul ouvrage de stig dagerman votre besoin de consolation est impossible à rassasier mais il est marquant. Entre désespoir et foi ou optimisme
Karim El Haddady
12/01/2024 à 15:14
Oui, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1952) est une chef d'oeuvre de Stig Dagerman, qui mérite d’être lue.