la librairie Le Troisième Oeil, dont nous vous avions touché deux mots déjà. Retour sur son activité et ses passions...
Comment êtes-vous venu au roman policier ?
J'étais dans le sport professionnel, footballeur. J'avais toujours été passionné par le polar et le fantastique. J'ai donc écrit mes premiers bouquins vers la fin des années 70. Puis mon ami Francois Guériffe, qui préside les collections Rivage, a créé la librairie, je me suis très vite associé à lui, puis je l'ai reprise à mon compte au début des années 80. C'était la première librairie spécialisée dans le polar en Europe, vu qu'elle existe depuis 1973.
La librairie n'est donc qu'un travail à mi-temps ?
Oui, tout à fait, puisque depuis 1980, j'ai dû écrire une quarantaine de bouquins....Je fais aussi un suivi quotidien, sur mon site, de l'actualité des faits divers et de la criminologie à travers le monde. Cela dit, libraire et écrivain est quelque chose auquel je n'ai jamais réfléchi particulièrement. Quand je suis dans l'écriture d'un bouquin, j'apporte mon travail à la librairie.
Vous êtes le plus grand spécialiste des sérial killers en France....
En 1976, ma compagne a été violée et assassinée par un tueur en série. Donc, ça me tient à cœur, j'ai fondé il y a quelques années, avec des avocats et des proches de victimes une des plus grandes associations de victimes en France, Victimes en série (ViES). Ce sont des avocats de notre association qui ont défendu certaines familles de victimes dans l'affaire des disparus de Mourmelon par exemple. Ou encore dans le procès Michel Fourniret. Il y a deux mois, nous avons organisé un colloque à l'Assemblée Nationale sur les tueurs en série.
Vous avez même aidé la gendarmerie nationale ?
Oui, sur leur demande, j'y ais donné des cours il y a une quinzaine d'années. Sur la psychologie des criminels sexuels, sur les analyses de crime... Je ne suis pas un profiler parce que je suis des enquêtes, en observateur, mais je ne suis pas assermenté. Mais je vais régulièrement interroger des tueurs en série dans les prisons à travers le monde. Depuis 1979, j'ai interrogé plus de 70 tueurs et tueuses en série.
Comment devenez-vous leur confesseur ?
Je dis juste que j'ai envie de les rencontrer, de discuter avec eux... à eux d'accepter. Comme ce sont des personnalités de psychopathes, c'est-à-dire de menteurs et de manipulateurs, à moi d'établir un lien de confiance. Ça se passe assez bien, je me rappelle cependant d'un tueur en série me balançant son micro à la figure !
Dans votre position, ce n'est pas difficile de vous retrouver face à face avec des tueurs en série ?
Non. Pour moi c'est un travail. J'essaie de ne pas me laisser manipuler, de les manipuler à mon tour, je suis très concentré durant les entretiens. J'épie leurs attitudes corporelles, leurs intonations de voix... Même s'ils me racontent l'horreur de leurs crimes dans les moindres détails, ça ne me touche pas durant l'entretien. Ça peut ressurgir deux semaines après durant le décryptage ou le montage.
Ce n'est pas dur de vivre avec de tels souvenirs ?
J'assiste à des autopsies, je suis parfois sur des scènes de crime... Mais j'ai appris à me protéger, avec des amis, avec d'autres activités... Écrire là dessus me permet de créer une certaine distance. Je ne mènerais pas ces entretiens si je n'étais pas bien dans ma peau et dans ma tête. Mais c'est aussi mieux comprendre les tueurs en série, pour mieux les arrêter. Comment mieux les connaître qu'en leur parlant, savoir comment ils agissent lors du meurtre, comment ils approchent la victime... Toutefois, en prison, on transforme un certain nombre de personnes reinsérables en bêtes plus féroces au moment de leur sortie. Certaines de nos prisons sont à peine dignes de pays du Tiers Monde.
Vous pensez que les sérials killers sont réinsérables ?
Non. La seule manière de protéger la société française est la perpétuité non compressible. Dans 90 % des cas, ils récidivent dans un laps de temps très court. Mais en matière de crimes sexuels, nous sommes un des pays qui condamne le plus sévèrement le viol par exemple. D'ailleurs, je ne nourris aucun ressentiment à leur égard. Je suis assez objectif, ayant été confronté de près à leurs dangerosités... mais je n'ai pas de désirs de revanche, je suis contre la peine de mort. Je veux juste que l'on protège la société.
Comment vous en sortez vous dans cette période de crise du livre?
J'ai la chance d'être sur un créneau assez porteur, mes livres se vendent de mieux en mieux. Mon livre Serial Killers, a été vendu à presque un million d'exemplaires. Un livre vendu sur quatre est un polar. Le problème des lecteurs est selon moi que l'on manque d'appareil critique. Avec le prix du livre, l'amateur de polar ne va pas acheter à l'aveugle. Le choix du polar est difficile. En outre, ceux qui marchent le mieux, Higgins Clark ou Harlan Coben ne sont pas forcément les meilleurs... en étant gentils.
Vous êtes membre du jury du polar Nouvel Obs... préférez-vous un polar réaliste, ou les polars plus légers type Fred Vargas?
Du moment que l'on me prend par la main et qu'on me plonge dans une histoire..., j'aime tous les types de polars ! Mes auteurs préférés, Dennis Lehane chez Rivage et Arnaldur Indridason chez Point policier. D'ailleurs, 40 % vient pour me rencontrer, même si je ne fais pas beaucoup de polars récents.
Que pensez-vous du livre numérique ?
Je ne prends aucun plaisir à lire un livre sur un ordinateur ! Même si je rédige mes manuscrits sur mon portable, je ne peux pas les relire sur mon écran. Le livre est un objet, j'ai une grande maison, dans laquelle j'ai près de 20000 bouquins ! Pour moi, rien ne remplacera le livre. Il y a une véritable révolution Internet pour la recherche des livres... même si ça ne remplace par le contact charnel et physique de rentrer dans une bibliothèque ou une librairie.
Vous avez une actualité plutôt chargée...
Oui, à la rentrée sort mon nouveau livre chez Grasset, dont je ne vous dévoilerai pas le titre, le 3 novembre commence la diffusion d'une série sur Canal satellite, Sérials Killers, Stéphane Bourgoin enquête, puis en janvier prochain Profileuses chez Point Policier.