Une proposition de loi, déposée par la députée socialiste Maud Olivier le 14 octobre dernier, avance l'idée d'une pénalisation de la prostitution, et plus exactement du client, l'homme qui choisit de payer des rapports sexuels. La réaction n'a pas tardé : le magazine Causeur, Elizabeth Levy en rédactrice en chef, a choisi de publier la tribune de « 343 salauds » : « Touche pas à ma pute ».
Le 30/10/2013 à 10:14 par Antoine Oury
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30/10/2013 à 10:14
Prostitution à Paris (Nils Hamerlinck, CC BY-SA 2.0)
La référence, à défaut d'être subtile, est claire : les « 343 salauds » se posent en héritiers des « 343 salopes » qui, en 1971, publiaient un texte dans Le Nouvel Observateur pour le droit à l'avortement. Le point commun entre les deux textes ? Les signataires reconnaissent deux actes « tabous » au sein de nos sociétés. Et encore, un homme qui a recours à la prostitution aujourd'hui est bien moins inquiété qu'une femme qui choisissait l'avortement en 1971, sans aucun doute...
L'idée de l'éditorial a été soufflée par Beigbeder, rapporte Libération, et l'écrivain a rapidement été suivi par une ribambelle d'hommes reconnaissant avoir eu recours à la prostitution, des oiseaux de nuit comme lui (Nicolas Bedos) ou des néo-réacs tendance Figaro (Ivan Rioufol, Eric Zemmour). Ces derniers, soudains défenseurs de la liberté contre l'autorité, assurent refuser « que des députés édictent des normes sur nos désirs et nos plaisirs ». Les signataires évoquent bien sûr les dérives, et craignent une interdiction de la pornographie, un tout répressif en somme.
D'après Lévy, le texte concrétise « l'envie d'emmerder les féministes d'aujourd'hui », et, de ce côté, l'objectif est atteint : Anne Zelensky, Présidente de la Ligue du droit des femmes, démonte le texte en analysant l'usage du mot « liberté » par ses signataires.
Tu as voulu être libre ? Eh bien, moi, ça ne m'empêchera pas d'aller chez les putes. Les femmes esclaves, j'aime. Au moins elles ne me demandent rien, elles me prennent comme je suis.
écrit-elle dans Le Monde pour résumer la pensée de ces libertaires très autocentrés.
Connaissant la bibliographie de Beigbeder, que l'idée vienne de lui ne surprendra personne : auteur de L'Égoïste romantique, il avait également signé dans 99 francs quelques paragraphes pas si éloignés des idées défendues dans le manifeste des « 343 salauds ». La prudence critique recommandait d'y voir un travail fictionnel, mais la frontière avec le réel est bien ténue :
Avec les prostituées, le faux est un moment du vrai. Tu es enfin toi-même. En compagnie d'une femme dite « normale », il faut faire des efforts, se vanter, s'améliorer, donc mentir : c'est l'homme qui fait la pute. Tandis qu'au bordel, l'homme se laisse aller, ne cherche plus à plaire, à se montrer meilleur qu'il est. C'est le seul endroit faux où il est enfin vrai, faible, beau et fragile. Il faudrait écrire un roman intitulé « L'amour coûte 500 euros ».
Heureusement, Beig' nous a épargné le roman évoqué dans la dernière phrase. Mais l'idée est là : dans une société libérale et mondialisée, on est tous la pute de quelqu'un. Mais c'est mieux quand elle a un vagin.
Par Antoine Oury
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