Les avant-gardes artistiques européennes du début du XXe siècle furent le véritable creuset de la modernité. L'art typographique n'échappe pas à la règle : la Sécession de Vienne ou le Bauhaus participèrent activement à la création du design moderne. De nouvelles règles de composition expliquées et présentées par Jan Tschichold dans son « manuel pour des créateurs de leur temps », La Nouvelle Typographie, publié en 1928 et enfin disponible en français grâce aux éditions Entremonde.
El Lissitzky, Kunstismus, 1914-1924 avec Jean Harp, 1925
El Lissitzky est un des typographes identifiés comme précurseurs par Jan Tschichold
88 ans plus tard, le manuel typographique de Jan Tschichold est disponible en français : pour autant, ce livre, à la fois manuel d'histoire de l'art, texte théorique et manuel pratique, n'est en rien dépassé. Tschichold y enseigne en effet un certain goût pour l'innovation face à l'évolution de la technique, tout en dressant un plaidoyer pour l'ouverture à l'international plutôt que le repli nationaliste.
En somme, et même s'il évoque des aspects techniques de la typographie et da la composition graphique de l'époque, La Nouvelle Typographie reste un indispensable du graphiste par la synthèse du mouvement fondateur du graphisme moderne qu'il propose. Voici d'ailleurs, en 3 points, l'essentiel de la Nouvelle Typographie selon Tschichold. À compléter avec le livre publié aux éditions Entremonde, évidemment.
Les textes cités ci-dessous ont été traduits de l'allemand par Françoise et Philippe Buschinger.
« L'essence de la Nouvelle Typographie est la clarté. En cela, elle s'oppose délibérément à l'ancienne typographie qui est à la recherche de la « beauté » et n'atteint pas l'extrême niveau de clarté requis aujourd'hui. Cette extrême clarté est nécessaire du fait de la sollicitation tous azimuts de l'homme d'aujourd'hui par des quantités d'imprimé, sans précédent, qui commande la plus grande économie d'expression. »
Typographische Mitteilungen, Jan Tschichold, 1925
« L'asymétrie est l'expression rythmique de la composition fonctionnelle. Ceci explique la prédominance de l'asymétrie dans la Nouvelle Typographie. Outre sa plus grande logique, la forme asymétrique, appréhendée dans sa globalité, présente l'avantage d'être bien plus efficace qu'une forme symétrique. Et surtout, la forme asymétrique est dynamique et par là l'expression de notre propre mouvement et de celui de la vie d'aujourd'hui ; il faut voir un symbole de la transformation des modes de vie dans le fait que le calme (symétrique) cède aujourd'hui la place au mouvement (asymétrique) jusque dans la typographie. »
Joost Schmidt, Affiche Staatliches Bauhaus Ausstellung, 1923
« Contrairement à l'ancienne typographie qui utilisait les formes mais aussi les couleurs de façon principalement décorative, la Nouvelle Typographie fait un usage fonctionnel de la couleur, c'est-à-dire qu'elle se sert de l'effet physiologique propre à chaque couleur dans le but de mettre en relief ou bien d'atténuer un bloc, une photo, etc. Le blanc, par exemple, renvoie la lumière, il irradie. Le rouge avance, il paraît toujours plus proche que toute autre couleur, y compris le blanc. Le noir, par contre, est la couleur la plus dense, il est le plus en retrait. Parmi les autres couleurs, le jaune par exemple est apparenté au rouge, le bleu au noir. »
Affiche de cinéma, Jan Tschichold, 1927
Par Antoine Oury
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