Pour Khaled Hroud, les romanciers sont à l’avant-garde du débat d’idées :
Le 03/04/2008 à 07:00 par Clément Solym
Publié le :
03/04/2008 à 07:00
Le premier Prix international du livre arabe a été décerné le 10 mars à Abou Dhabi. Cet événement est révélateur du renouveau de la littérature arabe selon Khaled Hroub
« Dans les batailles d'idées qui agitent le monde arabe contemporain, les romanciers font preuve d'une audace remarquable en se plaçant aux avant-postes, loin devant les commentateurs politiques, les universitaires et autres intellectuels. Ils refusent de ménager les susceptibilités des uns et des autres et jettent une lumière crue sur la réalité des individus et de la société, dévoilant des aspects que personne d'autre ne sait aborder. Leur littérature agit comme un miroir grossissant de nos échecs et rappelle sans pitié nos déceptions. »
Il explique que « c'est un véritable plaisir de lire quelques-uns des romans finalistes du premier Prix international du livre arabe. En ces temps d'inertie sociologique, de stagnation intellectuelle et de pourrissement politique, ces livres constituent une avant-garde intellectuelle qui ouvre de nouveaux horizons. »
Le point de vue de Khaled Hroud sur le premier prix : L’Oasis du crépuscule
« Le roman qui a reçu le prix est Waha Al-Ghouroub [L'oasis du crépuscule], de l'Egyptien Baha Taher [éd. Dar El-Shorouk, Le Caire, 2007]. Il se situe dans l'Egypte des khédives au temps du mandat anglais de la fin du XIXe siècle et nous parle de l'état mental de ceux qui se résignent face à la réalité du présent et se délectent des gloires du passé, des pharaons, des Grecs, d'Alexandre le Grand. Face à cette nostalgie inhibante, le héros finit par se révolter et par "brûler le sanctuaire", à savoir le prétendu tombeau d'Alexandre, en s'écriant qu'il faut tuer le passé écrasant pour libérer l'avenir. »
Terre de purgatoire, d’Elias Farkouh : de l’audace littéraire
« Le deuxième livre dont je veux parler est Ardh Al-Yambous [Terre de purgatoire, éd. Al-Mouassassa Al-Arabiya and Azmina, Amman, 2007], du Jordanien Elias Farkouh. Il comporte plus d'une audace littéraire et intellectuelle, à commencer par sa forme expérimentale. Le narrateur se dédouble pour un long dialogue à propos de vies qui vont de déception en déception. Le purgatoire du titre fait référence à la tradition chrétienne selon laquelle les enfants morts, avant d'être baptisés, se retrouvent dans un entre-deux, entre enfer et paradis. Le héros du roman balance entre deux camps, vit entre Amman et Jérusalem, étudie çà et là, s'éparpille. »
Eloge de la haine de Khaled Khalifa : de l’audace dans le sujet choisi
« Madih Al-Karahiya [Eloge de la haine], du Syrien Khaled Khalifa [éd. Emissa, Damas, 2006 ; voir sa critique dans CI n° 909], va plus loin dans l'audace que tout ce qu'on a pu voir jusqu'alors dans la littérature syrienne, puisqu'il traite de l'affrontement violent entre les Frères musulmans et le régime durant les années 1970 et 1980. L'héroïne du roman nous amène dans l'univers des organisations fondamentalistes, avec leur haine de l'autre, des confessions non musulmanes et du régime. Celui-ci répond par une surenchère de haine, soufflant sur la braise qui anéantit les êtres corps et âmes. »
Khaled Hroub, intellectuel palestinien vivant en Angleterre, écrit régulièrement dans la presse arabe de Londres. Chercheur associé du Centre of Middle Eastern and Islamic Studies de Cambridge, il travaille sur les médias et la politique dans le monde arabe.Spécialiste du Hamas, Khaled Hroub est l’auteur de Hamas : Political Thought and Practice, Institute for Palestine Studies, Washington, DC, 2000.
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