Perfidia

James Ellroy

L’été, c’est l’occasion de prendre le temps pour un pavé de sa bibliothèque, surtout si, bloqué sur l’île de Chios ou en Sardaigne, votre copain ou copine vous casse la tête... Une bonne excuse pour couper quelques heures. 1000 pages, mais quel plaisir, quelle maîtrise, quelle intensité : Perfidia de James Ellroy (trad. Jean-Paul Gratias).

6 Décembre 1941, veille de l’attaque de Pearl Harbor, Los Angeles, les nerfs sont à cran. Après, les esprits s’embrasent comme au milieu de toutes les bagarres. La bande-son années 40, Perfidia par Xavier Cugat ou Glenn Miller, reprise plusieurs fois par Wong Kar Wai pour plusieurs chefs-d’œuvre, ou dès 1941 dans le classique hollywoodien, Casablanca. L’atmosphère de cette période est vécue sensiblement grâce à l’immense Ellroy, le plus important est réalisé.

« Chintoks » et « japs » s’affrontent dans la cité des Anges, le meurtre de la famille Watanabe maquillé en seppuku collectif, on explose le crâne d'un autre japonais dans une cabine téléphonique… La police de Los Angeles enquête, magouille, se tire la bourre, se tient les unes les autres… Corruption, crime et conspiration.

Il y a le complexe William H. Parker, dit Whiskey Bill : alcoolique douloureux, mystique, psychorigide et talentueux ; le cinglé Dudley Smith qui carbure à la benzédrine en trop haute quantité, se tape Bette Davis, monte des arnaques. L’Irlandais battu est lesté de 1001 traumatismes. Déjà jeune un assassin...

Il y a Lee Blanchard, autre traumatisé, Buck le boxeur, Ashida le Japonais génial de la police scientifique, le jeune rookie Benett, un colosse ; et surtout la magnifique Kay Lake, héroïne du Dahlia noir. En toile de fond, des nazis américains, un racisme anti-japonais décomplexé, les socialistes d’Hollywood, J. Edgar Hoover, la paranoïa… Tous les personnages sont ambigus, ambivalents, comme dans la vie, et borderline aussi. L’intrigue est dense. « Les gens veulent fuir, la guerre fait fuir les gens... »

Avec son style à l’os, sans fioriture, à 70 ans passé, l’auteur dont la mère a été assassinée lorsqu’il n’avait que 10 ans — crime non résolu — est au sommet de son art. Perfidia a ouvert un nouveau Quatuor de Los Angeles, prequel de son premier Quatuor

La seconde partie, La Tempête qui vient, est parue en 2019. Ellroy nous feinta en sortant non le troisième volume en 2022, mais Panique générale, plus délirant, à découvrir sans aucun doute.

 
 
 
 
 
 

Une michronique de
Hocine Bouhadjera

Publiée le
07/08/2023 à 10:11

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Perfidia

James Ellroy trad. Jean-Paul Gratias

Paru le 17/08/2016

928 pages

Rivages

12,00 €