Dévotion, de Patti Smith

Patti Smith

« J'escalade le flanc d'un volcan sculpté dans la glace, la chaleur émanant du puits de dévotion qu'est le cœur féminin. »

Ceux qui le savent, le savent, la légende du rock Patti Smith - personnellement je ne connais d’elle que Because the night -, est une amoureuse du Paris, de Rimbaud à Patrick Modiano. Elle nous rejoue Midnight in Paris de Woody Allen à l’occasion d’une tournée dans l'hexagone, organisée par son éditeur français, Gallimard. « J'ai connu Genet, dit M. Gallimard d'une voix douce, détournant le regard pour ne pas paraître présomptueux. »

Elle ne sait pas que le Parisien est mort de l’intérieur. Ne la sortons pas de ses fantasmagories, entre le Café de Flore et Les Deux Magots, des visions de Jean Seberg vendant le Herald Tribune dans le premier Godard, à la rue de la Huchette de Rohmer. Elle en arriverait à rembobiner la cassette pour ses lecteurs français, retourner dans ce temps du désir de Paris, de s’immerger dans les plis nombreux laissés par le temps sur la capitale des poètes et des romanciers.

Beaucoup d’anecdotes, de références, de name dropping, de fétichisme des reliques des grands anciens. Ce qui la sauve, son invincible verdeur, même à un âge avancé comme sa ville de cœur. Un cierge pour ceux qui ont péri au Bataclan, et dans le train entre Sète et Paris, elle débute un texte, Dévotion (trad. Nicolas Richard), nourrie de sa méditation sur le parcours de Simone Weil, sa lecture d’Accident nocturne de Patrick Modiano et la découverte, à la télévision, d’une patineuse russe de 16 ans en apesanteur, comme les phrases du prix Nobel 2014 et l’esprit de la philosophe.

Une jeune lycéenne surdouée et seule se meut sur la glace comme Messi sur le terrain, comme si c’était donné à tout le monde. Elle est élevée par sa tante Irina. Un homme, de l’Est comme elle, l’a identifié, l’a suivi… Histoire d’amour, de passion, de passage à l’âge adulte, du passé difficile et mystérieux, d’une jeune fille un peu spéciale, mais une jeune fille malgré tout.

L'intrigue n'est pas si importante, et finalement assez ténue. Une histoire pleine de trous. Il faut simplement se laisser porter par les intonations, les timbres, se laisser bercer par le rythme des phrases qui, telles des compositions musicales, superposent les mots et les textures, atteignant par moments une clarté presque transparente. On n’en demande pas plus, on espérait que cela. Un lys dans une chambre du Chelsea Hotel. 

Patti Smith se demande : Pourquoi écrire ? « Irruption du chœur. Parce que nous ne pouvons pas simplement vivre. » Et retourne la question, la vie vaut-elle la peine d'être vécue, par « suis-je digne de vivre ? »

Une michronique de
Hocine Bouhadjera

Publiée le
18/03/2024 à 12:13

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Dévotion

Patti Smith trad. Nicolas Richard

Paru le 01/10/2020

160 pages

Editions Gallimard

7,40 €